Il y a peu, j’ai profité d’une offre du CE de ma boite pour m’acheter mes premières BD de l’année. Ma liste de BD à lire étant plus longue qu’un discours du maire de Champignac 1, j’ai longuement hésité avant d’opter pour le dernier tome de la Complainte des Landes Perdues ainsi que les trois derniers tomes de la Geste des Chevaliers Dragons. Et c’est de ces trois derniers que je souhaiterais parler aujourd’hui.
J’en avais entendu dire du bien, et il faut reconnaître qu’ils sont assez à la hauteur de mes attentes ! Toute la force de la Geste est de proposer généralement une même trame de fond, tout en variant les angles de vues, les règles du jeu, ou les fins (heureuses ou non). Et parfois en violant ses propres règles. Et c’est précisément ce que fait chacun de ces 3 tomes : transgresser plus ou moins évidement les règles de la Geste, sans pour autant la bouleverser dans ses fondements.
L’une des principales règles de la Geste, c’est de nous présenter des personnages différents dans chaque tome, à l’exception de quelques personnages très secondaires de temps en temps. Et c’est précisément cette règle qui n’est pas respectée dans ce douzième tome, Ellys, qui prend la suite du tout premier tome de la Geste en suivant le personnage éponyme. Nous avions quitté Ellys écuyère ayant causé la mort de son chevalier à la fin du tome 1, nous la retrouvons duchesse dans ce tome 12. Ayant été formée par l’Ordre des Chevaliers Dragons, Ellys n’a pas grand peine à reconnaître l’apparition d’un dragon sur les terres dont elle à la charge. Mais éloignée de tout et devant faire face à ses propres proches, c’est à elle qu’incombera de former de jeune vierges pour aller affronter la bête. Intrigues de cours, culpabilité, atmosphère pesante et inquiétante, personnages ambiguës (en particulier le duc) : l’ensemble de ce tome est très bien mené, jusqu’à la personnalité d’Ellys (quoique plus mûre), que nous retrouvons avec plaisir. Seul le final de ce tome laisse un peu sur sa faim…
Plusieurs tomes de la Geste proposent de découvrir le parcours de l’un des Chevaliers Dragons au travers des yeux d’un autres personnage. C’est le parti que prend ce treizième tome, Salmyre, en adoptant le point de vue de Lancelas, prince de la ville indépendante de Salmyre. Ce dernier fomente une rebellion contre son oncle tyranique, et demande l’aide de la chevalier dragon Alène, figure héroïque et emblématique de la ville. A eux-deux, ils soudent le peuple et renversent le tyran. S’en suivent une période de bonheur pour la cité, mais bientôt les foudre de l’Ordre des Chevaliers Dragon se retourne contre Alène, celle-ci ayant interdiction de se mêler de politique. Ici encore, on retrouve des intrigues politiques complexes pour la gestion de la cité. Les personnalités sont extrêmement bien dépeintes, jusqu’au discret conseiller que l’on devine torturé par le devoir et la froide logique. La final, ici, ravira les amateurs de la série. J’avais parlé de transgression des règles de la série, et celle-ci est en fait un double-détail dans ce douzième tome :
Seule petit point noir de ce treizième album : le mariage d’un Chevalier Dragon ! Celui-ci à beau être platonique, et bien sûr hors-la-loi, le concept me dérange…
Soyons honnête, le tome 14 est très nettement en dessous des deux tomes précédents. Ici, la transgression est un énorme risque, puisque ce tome prétend nous raconter l’histoire du premier dragon (et non de la première Chevalier, contrairement à ce que son titre indique). Second risque corrélé : ce tome se situe en pleine… préhistoire ! De gros risques de dérapages, donc, et ceux-ci ne sont malheureusement pas évités. Alors bien sûr, le cadre est original ; mais l’histoire, elle, ne l’est absolument pas. Le final tente bien un raccord périlleux avec l’un des tomes précédent, mais cela fait surtout très artificiel. Le seul bon point que j’accorderais à ce tome est le fait que la matriarche qui raconte l’histoire est régulièrement interrompue par des questions des jeunes apprenties à qui elle parle. Ces interruptions sont d’autant plus amusantes qu’il s’agissait de question que je me posais moi-même au fil du récit. A part cela, un tome sans grande réussite.
Pour conclure, un tome 12 très bon, un tome 13 excellent, mais un tome 14 très moyen. A suivre…
- cf. certains albums (les meilleurs, dirais-je) de « Spirou et Fantasio ».[↑]
Je rejoins entièrement ton avis pour ces 3 tomes !
J’ai beaucoup aimé le tome 13, un des meilleurs de la série selon moi.
Un peu moins le 12, mais qui reste bon. Et puis c’est sympathique de retrouver Ellys. Je ne trouve pas que les albums complètement déconnectés les uns des autres servent vraiment la série, en fait. Je préfère quand il y a au moins des petites allusion à d’autres tomes, des indices qui permettent de les situer les uns par rapport aux autres. D’ailleurs, c’est le cas dans les premiers tomes. Si je ne me trompe pas, c’est à partir du tome 5 que les tomes ne sont plus nécessairement liés les uns aux autres (à part par l’existence de chevaliers dragons, bien sûr). Et c’est d’ailleurs à partir de ce tome que j’ai commencé à décrocher.
J’ai trouvé le tome 14 pas terrible. En plus, je trouve lourde cette façon de faire parler les gens de la préhistoire (a priori ils parlaient leur langue à eux, ils ne parlaient pas notre langue actuelle mal !).
Pour les « transgressions des règles de la série », j’ai envie de dire que c’est presque la première règle de la série ! Dans le tome 2, on apprend simultanément que l’ordre ne se mêle pas de politique (ce qui est repris souvent dans les tomes suivants), et que d’après « la vieille » (j’ai oublié son nom) tout acte public est nécessairement politique. Le fait de jouer avec les règles évoquées dans les tomes précédents est à mon avis un des principaux intérêts de la série.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi : la grande majorité des tomes de la Geste ont de petits liens avec le reste de la série.
*** SPOILERS ***
Si on prend l’exemple de ces trois tomes :
– Le tome 12 est une suite directe du tome 1 ;
– Dans le tome 13, il est fait mention d’un très vieux prêtre Hassan, ayant fait des recherches approfondies sur le veil ; ce personnage n’est autre que l’un des protagonistes principaux du tome 9 ;
– La fin du tome 14 nous montre la genese du fort de l’Ordre, où se déroule l’ensemble du tome 11.
*** FIN SPOILERS ***
Effectivement, pour le tome 14, je n’ai pas du tout aborder l’atroce façon de parler des personnages : « moi avoir vu chose bizarre au pied montagne ». Les interventions des jeunes novices dans le récit sont d’autant plus agréables ! 😀
Après réflexion, je suis assez d’acord avec toi : finalement, presque chaque tome de la Geste transgresse une règle différente de la série. Et ça contribue à son charme !
Ah mais je ne nie pas que beaucoup d’albums ont des petits liens avec le reste de la série ! Par « Je ne trouve pas que les albums complètement déconnectés les uns des autres servent vraiment la série », je ne voulais pas dire qu’ils sont tous déconnectés les uns des autres, juste que certains le sont. C’est le cas des tomes 5, 6 et 7 si je ne dis pas de bêtises.
J’avais bien aimé retrouver dans le tome 2 la fillette que Jaïna avait croisé dans le tome 1. Les circonstances de leur rencontre sont d’ailleurs intéressante pour comprendre le tome 2, on conçoit mieux qu’Akanah souhaite autre chose que passer toute sa vie dans l’ordre quand on sait que le premier chevalier dragon qu’elle a vu, c’est celle qui a massacré son père sous ses yeux. Et dans le tome 3, on découvre l’enfance d’Eléanor, et là encore ça peut expliquer qu’elle ne réagisse pas comme Akanah dans le tome 2. Dans le tome 4, on comprend ce qu’Oris (j’ai retrouvé le nom de « la vieille » ^^) a affronté quand elle évoque Brisken dans le tome 2.
Bref, j’aime bien retrouver d’un tome à l’autre des personnages des tomes précédents, ce qui n’est pas systématiquement le cas. Mais c’est sûrement parce que j’accorde beaucoup d’importance aux personnages dans une BD : j’aime bien qu’ils soient un minimum approfondis et les voir évoluer. Sur un tome, c’est très court, souvent trop court.
J’aime bien les univers approfondis aussi. Or dans la Geste, à souvent changer d’époque et de lieu, on n’a pas vraiment l’impression d’un univers approfondi et cohérent mais plus d’une multitude de petits éléments disparates. Cela a son charme, mais ce n’est pas forcément ce que je préfère.