Comprendre un album de BD : les termes que vous ne connaissiez pas

Lorsque l’on tient un album de BD entre ses mains, on a rarement idée du nombre de termes précis qui sont nécessaires pour désigner ses différents aspects. Bon nombre du vocabulaire explicité ci-dessous est employés tout au long de ce blog, et plus généralement par les amateurs de BDs. Qu’il s’agisse de la construction physique du livre, ou de la narration typique de bandes dessinées, je vous propose un voyage qui vous portera sans doute nettement plus loin que vous ne l’auriez imaginé.

Moi-même, en rédigeant cet article, j’ai répondu à des questions que je ne m’étais jamais vraiment posées.

Nous commencerons par explorer la composition d’un ouvrage, avant d’entrer dans le vocabulaire plus précis de la BD, puis nous finirons par évoquer la manière dont les albums de BDs peuvent être organisés.

Nota bene

Dans l’article ci-dessous (et plus généralement sur ce blog), on désigne pas album tout ouvrage de bande dessinée, quel qu’il soit. C’est un abus de langage assumé, même si le mot « album » désigne plutôt un format spécifique d’ouvrage (cf. plus bas dans cet article).

Afin de nous aider à y voir plus clair dans la suite de cet article, nous prendrons comme cobaye-exemple la bande dessinée Garulfo (que je recommande !). Celle-ci servira surtout à illustrer le propos, avec quelques photos augmentées d’annotations.

Structure d’un album

Commençons par nous intéresser à un album de BD en tant qu’objet, le contenant avant d’explorer son contenu

Remarque

Le vocabulaire présenté dans la suite de ce paragraphe n’est pas exclusif à la BD, et s’applique à tous les livres.

On distingue 4 zones dans un album :

  • La partie haute est appelée tête (les arrêtes des pages y sont visibles);
  • La partie basse est la queue (idem) ;
  • La gouttière est la partie ouvrante du livre (idem) ;
  • Le dos protège la reliure des feuilles entre elles (les arrêtes des pages sont invisibles). Il ne doit pas être confondu avec la quatrième de couverture (voir plus bas).
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Vue avant

Corps d’ouvrage

Le corps d’ouvrage désigne l’intérieur d’un album (hors couvertures), il est constitué de feuillets ou cahiers, eux-mêmes composés de feuilles.

Couvertures

Les couverture sont les parties visibles à extérieure de l’album, c’est ce que l’on voit quand le livre est refermé. Elles sont constituée du plat, une épaisseur de carton qui protège le corps d’ouvrage, l’un devant et l’autre derrière, séparés par le dos. L’articulation entre le plat et le dos se nomme charnière ou mors. En général, les couvertures dépassent légèrement au niveau de la tête, de la queue et de la gouttière, on appelle cela la chasse.

Les couvertures sont au nombre de 4 :

  1. La première de couverture est la partie extérieure avant, située donc sur le plat de devant. Elle présente généralement le titre, les auteurs, l’éditeur ainsi qu’une illustration.
  2. La deuxième de couverture est la partie de la couverture située à l’avant, à l’intérieur de l’album, sous le plat de devant.
  3. La troisième de couverture est la partie de la couverture située à l’arrière, à l’intérieur de l’album, sous le plat de derrière.
  4. La quatrième de couverture est la partie extérieure arrière, située sur le plat de derrière. Elle présente généralement un résumé de l’album, ainsi que les éventuels autres tomes de la série.

Pages de gardes

Les gardes sont des feuilles qui relient les couvertures au corps d’ouvrage. On distingue :

  1. La garde de devant, généralement collée à la deuxième de couverture ;
  2. La garde postérieure, généralement collée à la troisième de couverture.

On peut trouver plusieurs gardes successives dans un album, en particulier une garde blanche (parfois plus épaisse) avant la première page.

Tranches

La tranche désigne l’ensemble des bords libres des pages, dans le corps d’ouvrage ; il y a donc 3 tranches :

  • La tranche de tête ;
  • La tranche de gouttière ;
  • La tranche de queue.
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Vue du dessus

Autres éléments

Les éléments suivants sont facultatifs, voire rares dans les BDs courrantes.

Jaquette

La jaquette est une feuille qui recouvre les couverture et qui peut se désolidariser de l’album. Elle a pour but de protéger la couverture1 et/ou proposer un design alternatif à celui des couvertures.

Signet

Le signet est un étroit ruban, solidaire du livre, servant de marque-page. Ils sont très rares en BD.

Dédicace

La dédicace est une personnalisation de l’album réalisée par un ou plusieurs de ses auteurs : dessin plus ou moins élaboré, petit message, signature… Généralement, la dédicace s’adresse directement au propriétaire de l’album, et s’obtient en rencontrant physiquement lesdits auteurs. Ce type de dédicace augmente généralement la valeur de l’ouvrage.

La dédicace peut également être réalisée par une personne offrant un album a une autre personne. Dans ce cas, la dédicace a plutôt tendance à dévaloriser l’ouvrage.

Vocabulaire de la BD

Un album de BD est un livre d’un type particulier. Je vous présente donc ci-dessous une large partie du vocabulaire qui lui est dédié.

Nota bene

Vous pouvez retrouver la plupart des notions évoquée dans cet article, et bien d’autres, dans le glossaire.

Artifices de la bande dessinée

On peut considérer que l’unité de base d’une BD est la vignette. C’est l’addition de celles-ci qui composera la bande-dessinée…

Vignette

La vignette, également appelée « case », est un dessin encadré par un contour et représentant une scénette. Les vignettes sont souvent entourées de la marge, espace blanc non utilisé. L’intercase (appelée aussi gouttière, à ne pas confondre avec son homonyme plus haut) désigne la partie de la marge qui sépare deux cases successives et symbolise l’ellipse d’intercase (cf. plus bas).

On parle de séquence de cases lorsque plusieurs vignettes successives illustrent une même scène (unité de temps et de lieu).

Strips et planches

Le strip est une bande horizontale contenant plusieurs vignettes dessinées. Il est rare qu’un strip puisse avoir une existence et une cohérence autonome, sauf dans le cas de BDs humoristiques en scénettes trés courtes (exemple : Calvin & Hobbes)

Une planche de BD est une page complète rassemblant des vignettes. Dans les BDs franco-belges classiques, les vignettes sont rassemblées en strips successifs.

Il est néanmoins courant qu’une planche de BD rassemble des vignettes sans les organiser en strips, mais de façon plus complexe. Le parcours de lecture (succession des vignettes que le lecteur devra consulter) peut alors être plus complexe qu’une direction de horizontale, strip aprés strip. Par exemple, un insert peut être une vignette incrustée dans une autre vignette pour souligner un point précis de la scène.

Ellipse (d’intercase)

L’ellipse (ellipse temporelle) désigne le temps qui s’écoule dans l’action de la BD entre deux cases successives. Elle permet de segmenter une durée continue en vignettes figées ; à ce titre, elle participe directement à la nature même d’une BD. Elle est induite par l’auteur, et est généralement très courte, sauf mention contraire dans un cartouche (cf. plus bas) ou volonté de l’auteur de ralentir ou accélérer le temps de son action.

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Un planche de BD

Composition

Nota bene

La composition est une notion capitale dans la BD. Ce concept lui est d’ailleurs indissociable.

Pour beaucoup de critiques, moi inclus, elle intervient directement dans l’appréciation ou non d’un album.

La composition est l’art d’agencer les vignettes entre elles :

  • La manière de segmenter l’action en la décomposant en un nombre déterminé de vignettes, ce qui permet de doser son intensité, sa durée…
  • Le choix des dessins (plans, cadrages, teintes, points de vue, ombres et lumières…) dans chaque vignette, pour structurer l’action et lui donner un sens…
  • La taille et le format des vignettes successives, permettant de donner de l’importance ou de la symbolique à tel ou tel aspect (une case très verticale pour symboliser une chute, une case horizontale pour créer un sentiment d’étouffement, une page entière pour un panorama gigantesque…) ;
  • Le découpage et la répartition du texte dans les différentes vignettes, pour rythmer l’action ou les échanges (ou au contraire l’inexistence du texte pour insister sur le silence ou la solennité, exemple cette image ci-dessous)…

La composition est donc la manière subtile de doser les différents aspects de la liste (non-exhaustive) ci-dessus afin de créer une ou plusieurs planches de BD, au service de la narration du récit et des sentiments que les auteurs veulent provoquer chez le lecteur.

La composition est souvent à l’intersection des travaux du scénariste et du dessinateur2. Pour travailler la composition lors de l’élaboration d’un album, il peut être fait appel à des storyboards. Ce sont des représentations simplifiées voire schématiques des vignettes, leur contenu et leur agencement, afin d’étudier et d’affiner la composition des planches.

Construction des scènes

La construction d’une scène, constituée d’une vignette unique ou d’une séquence de cases, emprunte beaucoup au vocabulaire du cinéma en particulier pour les choix fait par le dessinateur quant à la manière de la représenter en dessin(s).

En effet, on pourra sans difficulté qualifié certaines vignette de zoom (avant ou arrière), de fondus, de champs-contrechamps (notamment pour un dialogue), de plans fixes (succession de vignettes plus ou moins identiques), de ralentis, etc. La liste est bien sûr non-exhaustive…

Il me semble toutefois intéressant de souligner le cas du traveling :

  • Au cinéma, il s’agit d’un mouvement continu de la caméra durant une scène, ajoutant un mouvement dans la représentation de la scène ;
  • En BD, un traveling désigne un élément de fond qui se prolonge d’une vignette à l’autre (par exemple, un paysage), tandis que les principaux éléments (souvent des personnages) sont bien représentés dans chacune des vignettes.
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Traveling : un panorama unique malgré 5 vignettes distinctes

Plans

Une vignette peux employer différents types de plans pour présenter une scène ou des éléments. Le plan correspond globalement à une distance entre le lecteur et ce qui lui est présenté.

Il peut s’agir d’un plan d’ensemble (permettant au lecteur de visualiser l’environnement dans sa globalité) ou au contraire d’un très gros plan (qui insiste sur un détail), en passant par le plan moyen, le plan rapproché ou le gros plan, suivant l’effet désiré par l’auteur.

Visées

La visée correspond à la position (et non plus la distance) du lecteur vis à vis de ce qui lui est présenté.

La plongée donne au lecteur une vue du dessus, tandis que la contre-plongée lui montre les éléments dessinés par le dessous.

La visée subjective adopte le point de vue interne de l’un des personnages (mettant le lecteur à sa place), tandis que la visée ordinaire, la plus classique, place le lecteur au niveau des personnages.

Cadrages

Le cadrage désigne ce qui est présenté dans une vignette, indépendamment du plan et de la visée. En particulier, il indiquer la manière dont l’élément dessiné occupe la vignette.

Le cadrage en pleine page montre l’ensemble des éléments dans leur globalité, tandis que la cadrage serré n’en montre qu’une partie, et la cadrage en débordement exclue carrément l’élément principal de la vignette, laissant place à l’imagination du lecteur.

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Case 1 : cadrage en pleine page / Case 3 : un cadrage serré

Discours, pensées, émotions et narration en BD

A la croisée du texte et du dessin, la BD dispose de moyens uniques de communiquer des informations et sentiments au lecteur…

Bulles (ou phylactères)

Les bulles sont les contenants du dialogue (ou des pensées) des personnages et permettent de montrer ce que dit (ou pense) le personnage. Elles sont souvent de forme ovale ou rectangulaire, avec angles arrondis ou non ; elles sont généralement blanches, mais une couleur différente peut être exceptionnellement employée. Les phylactères peuvent présenter des motifs qui renseignent sur la nature du dialogue. On retrouve souvent :

  • Une ligne lisse pour un discours normal ;
  • Un zigzag pour des exclamations ;
  • Une ligne en pointillés pour un chuchotement ;
  • Une ligne lisse entrecoupée de pointes pour une voix électronique ;
  • Une forme de nuage pour des pensées ;
  • Etc…

Plusieurs bulles peuvent être reliées entre elles pour montrer un dialogue dans une même vignette : on parle de chainage de bulles. Le phylactère présente un appendice pointu (ou queue de bulle) qui la relie au personnage qui parle (ou pense, ce sont alors généralement de petits cercles ou ovales disjoints).

Le texte dans un phylactère suit la typographie proposée par l’auteur, à savoir la taille et la forme (éventuellement la couleur) des lettres et des mots.

Plusieurs exemples de phylactère dans cette illustration ci-dessus.

Idéogrammes

Les idéogrammes sont des symboles ou icônes utilisés dans les phylactères pour transmettre une émotion sans usage de mot : signe de ponctuation, tête de mort, symboles typographiques aléatoires (pour des jurons), animal, glyphe, etc…

Onomatopées

L’onomatopée est une succession de lettres (ou un mot phonétique) servant à représentant un son ou un bruit (exemples : pouet, boum, toc, vroum, paf…). Elles sont généralement en dehors des phylactères.

Cartouches

Le cartouche (ou « didascalie ») est un encart rectangulaire sans appendice, contenant le texte du narrateur. Il apporte des éléments de contexte permettant une meilleure compréhension du scénario. On peut distinguer le cartouche qui précise l’espace-temps, du récitatif qui est un sous-type de cartouche et qui commente l’histoire.

Exemples : onomatopées et cartouches dans cette image ci-dessus.

Formats

On désigne par format les dimensions de l’ouvrage (hauteur et largeur). En théorie, toutes les dimensions sont envisageables. Mais l’on retrouve généralement les formats suivants :

NomDimensions approximativesDétails
Format album ou 48CC3A4 (21×29.3cm)Format standard de la BD franco-belge
Petit format ou format poche13x18cmPeu couteux, très populaire dans les années 50s à 80s.
Format comics17x26cmPeut exister en format « kiosque » (fascicule souple, fin, en marchands de journaux) et « libraire » (plusieurs fascicules regroupés en hardcover).
Format manga11.5×17.5Originaire du japon, se lit dans le sens opposé au sens occidental (en commençant par la fin).
Format à l’italiennevariableAlbum horizontal (hauteur plus petite que la largeur), se lisant donc en paysage, contrairement aux ouvrages précédents qui se lisent en portrait.
Différents formats

Organisation des ouvrages

Un album, c’est bien. Mais plusieurs, c’est mieux !

Dans le monde de la BD, les albums peuvent être autonomes, mais également avoir des liens forts (voire incontournables) entre eux…

One-shots

Quand un album de BD se suffit à lui-même, racontant une histoire unique et étant auto-porteur, on parle d’un one-shot. Il peut faire partie d’un univers fictif (cf. plus bas) plus vaste, mais ne nécessite aucune autre lecture pour être compris et apprécié.

Séries et cycles

Les bandes dessinées peuvent être regroupées en séries de BDs. Une série raconte une fresque (plus ou moins grande) généralement chronologique, et suit un personnage principal ou un ensemble de personnages.

Dans ce cas, les albums sont numérotés, et il est préférable de les lire dans l’ordre si la série est chronologique (i.e. si la numérotation des albums suit la chronologie in universe, ce qui est généralement le cas). Une série peut contenir un nombre indéterminé d’albums.

Une série peut contenir un ou plusieurs one-shots, et/ou un ou plusieurs cycles. On parle de cycle (ou arc) pour désigner plusieurs albums qui constituent une histoire complète, comme un sous-ensemble de la série. Exemples : dans la série « Thorgal« , on trouve des one-shots comme « L’enfant des étoiles » (tome 7) ou « Louve » (tome 16) ainsi que différents cycles, comme le « Cycle du pays Qa » (tomes 10 à 13).

Quand un cycle ou une série est composée de 2 albums, on parle d’un diptyque.

Quand un cycle ou une série est composée de 3 albums, on parle d’une trilogie.

On peut utiliser des noms similaires pour 4 albums (quadrilogie), 5 albums (pentalogie), etc… mais ces termes sont plus rares.

Hypersérie

Cas assez atypique dans la BD, une hypersérie est une séries elle-même composée de plusieurs séries distinctes, mais participant directement à une histoire ou une saga unique. Généralement, ces séries se déroulent en parallèles et s’entremêlent afin de construire l’histoire générale, à la façon d’une mosaïque. Exemple : Uchronie[s].

Univers fictif

Un ou plusieurs albums de BDs prennent place dans un univers fictif (par opposition à la réalité, celle du lecteur). Souvent, l’ensemble de l’univers fictif est exploré au travers d’une unique série.

Mais dans certains univers particulièrement riches, on peut trouver plusieurs albums divergents, n’appartenant pas à une unique série, mais prenant place dans le même univers étendu. Par exemple, dans l’Univers de Troy, on retrouve la série « Lanfeust de Troy » (8 tomes) mais également « Troll de Troy » (25 tomes), « Cixi de Troy » (3 tomes), et bien d’autres…

Pour désigner la vaste chronologie d’un univers fictif, on parle généralement de saga. Celle-ci peut se décliner à partir d’une œuvre ou série de base via un (et/ou plusieurs) spin-off, sequel, prequel, etc.

Remarque

Pour s’y retrouver dans les univers fictifs abordés sur alphaBulle, le blog propose la notion de diagrammes de dépendance appliqué à la BD. Pour plus d’infos, rendez-vous sur la page dédiée.

Conclusion

J’ai longuement hésité avant de conclure cet article, car je pourrais encore ajouter de nombreuses subtilités et concepts, ou revenir plus haut et aller beaucoup plus loin dans les détails. Vous pouvez d’ailleurs visiter les liens en bibliographie ci-dessous pour en apprendre davantage.

Toutefois, je pense que nous avons déjà là une bonne base de vocabulaire et de notions pour définir la plupart des termes relatifs à la BD. Suivant les besoins et les envies, cet article sera complété par d’autres au fil du temps…

  1. Oui, c’est donc une protection de la protection.[]
  2. Je ferai très certainement un jour un article dédié aux différents métiers de la BD.[]
  3. Standard franco-belge signifiant « 48 pages, cartonné, en couleurs ».[]

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