Après vous avoir proposé une par une mes critique pour chaque album individuellement ces dernières semaines, je vous invite à revenir rapidement sur la première saison de cette trés bonne série qu’est Alter Ego !

Une série achronique
…et non pas anachronique !
Alter Ego est une série atypique car elle peut se lire dans (presque) n’importe quel ordre ! Récit chorale, il est proposé au lecteur de suivre un personnage différent par album, dans des péripéties qui se croisent et finissent par converger vers la conclusion. Thriller d’anticipation avec un soupçon de fantastique, il se décline en deux saisons de 11 tomes au total :
- La saison 1 propose 6 tomes achroniques avant de lire le tome de conclusion ;
- La saison 2 contient 3 tomes également lisibles dans n’importe quel ordre avant l’ultime tome.
Le verso de chaque album résumé plutôt bien le principe :

Dans son concept de série achronique, Alter Ego se rapproche assez de l’hypersérie Uchronie[s] déjà critiquées sur le blog… Pour rappel, dans cette dernière, nous avions trois mini-séries de 3 albums. Au sein de chaque série, les albums sont chronologiques, mais ils peuvent se lire dans n’importe quel ordre d’une série à l’autre. J’ai conscience que ce n’est pas très clair… voyez le lien précédent pour mieux comprendre.
L’histoire
Lors de la rédaction de cet article-bilan, j’avais envisagé d’essayé de résumer l’histoire globale de ces 7 premiers tomes de manière chronologique… mais c’est en réalité peine perdue. Par nature, Alter Ego ne peut s’appréhender que sous la forme d’une mosaïque, et tenter de séparer le récit de sa structure serait extrêmement long sans véritablement rien apporter.
En substance, la série propose donc de suivre 6 personnages qui vont découvrir (quasi-)simultanément une révolution scientifique sur la nature des existences humaines, mais également une vaste organisation internationale déjà en place et tentant d’exploiter cette découverte tout en la cachant au grand public.
Je l’évoquais plus haut, vous pouvez retrouver chacune de mes critiques pour chaque album ci-dessous (il s’agit également de l’ordre dans lequel je les ai relus récemment) :
- Alter Ego – Camille : enquête intime et conspiration globale (publié le 14 juin 2025)
- Alter Ego – Darius : Protecteur malgré lui (publié le 21 juin 2025)
- Alter Ego – Jonas : Jumeaux, miroirs et manipulations (publié le 25 juin 2025)
- Alter Ego – Fouad : Virus, Vertiges et Vérités (publié le 5 juillet 2025)
- Alter Ego – Noah : le salaud au sommet (publié le 12 juillet 2025)
- Alter Ego – Park : Mémoire tropicale, thriller sous les palmiers (publié le 19 juillet 2025)
- Alter Ego – Ultimatum : fin sans vertige d’un puzzle ambitieux (publié le 26 juillet 2025)
Signalons que la série n’est pas tendre avec ses personnages, autant secondaires que principaux. Certains en viennent à mourir être tués (Suzanne, Jonas, Fouad…), tandis que d’autres sont condamnés d’une manière ou d’une autres (Jason ne survivra pas longtemps sans Jonas, Park se résout lui-même à sa prison chimique…).
Par nature, vous l’aurez compris, vous pouvez attaquer la lecture de cette série par n’importe quel bout. Pour autant, je vous propose néanmoins le diagramme de dépendance ci-dessous et vous conseille donc comme point d’entrée les albums Darius ou Park.

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Lecture suggérée pour comprendre l’ensemble des éléments du récits, dans les moindres détails. | Lecture conseillée, sous peine de ne pas comprendre certains éléments majeurs du récit. | Lecture indispensable, sous peine de ne rien comprendre au récit. Et ce serait dommage ! |
Peut-être l’aurez-vous remarque : chaque couverture adopte le même principe : la moitié gauche montre le personnage principal en pleine action à la manière d’un foreshadowing tandis que la moitié droite est un gros plan du visage du même personnage. Chaque couverture présente également une couleur dominante, permettant de facilement les différencier.
Entrons un peu dans l’univers de la série…
J’aurais pu vous proposer un panorama complet des différentes personnages principaux ou secondaires de la série. Mais là encore, je me suis ravisé. Je n’aurais obtenu qu’un listing interminable de protagonistes qu’il vaut mieux découvrir au fil de la série…

Si cela vous intéresse, je vous renvoie vers le minisite proposé par les éditions Dupuis, lien en bas d’article.
Et je vous propose de plutôt se focaliser sur les « entités », et les organisations de la série. Des points de vue qui me semblent en plus assez originaux…
Au cœur de la série : les « entités »
Dans l’univers d’Alter Ego, il est établi l’existence de liens bioénergétiques invisibles entre les individus. Ces connexions, perceptibles sous forme « d’auras », se nouent entre personnes dès leurs conceptions (qui naissent donc à des dates proches, voire identiques). Ces individus ainsi liés forment ce que la série nomme une « entité » ; et ce concept est au cœur de l’intrigue.
Les membres d’une même entité sont appelés consims – contraction probable de « consciences similaires ». Ils sont les alter ego les uns des autres, voire des « âmes sœurs » au sens large (bien que cette notion dépasse largement le cadre sentimental). Ce lien profond n’est pas purement symbolique : il se manifeste concrètement par un partage de la santé, aussi bien physique que mentale. Une santé détériorée de l’un des consims affecte plus ou moins les autres, tout comme un état psychologique dépressif se diffuse à travers l’entité. La mort d’un de ses membres fragilise l’ensemble, altérant la vitalité et l’équilibre des survivants.
L’identification des entités peut se faire par voie technologique – grâce au spectographe développé par le personnage de Suzanne –, ou par des moyens plus intuitifs, relevant de capacités parapsychologiques. Jason et Jonas, deux autres protagonistes, possèdent ainsi une forme de perception extrasensorielle leur permettant de repérer ces liens.

On appelle monade une personne qui ne partage aucun lien bioénergétique avec d’autres : un être unique, sans alter ego. À l’inverse, une entité intègre désigne une entité dont tous les membres sont encore en vie1. Ces cas sont rares, surtout chez les individus âgés, en raison de la fragilité intrinsèque du lien et de ses effets cumulatifs dans le temps.
Ce système de consims constitue un bel exemple de magie dure : un concept fictionnel aux implications claires, aux règles bien définies et exploitées de manière cohérente et profonde, à la fois sur le plan narratif et éthique (ou pas). Loin d’être un simple artifice, l’idée d’entité irrigue toute la structure du récit, en soulignant les tensions entre individualité, interdépendance et responsabilité collective.
Un complot tentaculaire et mondial
Voyons maintenant la manière (peut-être) un peu floue dont s’articule l’immense complot autour de la découverte des Alter Ego, mis en place par Kaiji.
A l’origine était le Simorg, un organisme plutôt opaque et discret de recherche scientifique dans lequel l’on retrouve en particulier Suzanne Rochant. En se basant sur des études psychologiques, des analyses d’aura énergétiques mais aussi certaines capacités médiumniques, le Simorg a réussi à établir d’existence des Entités (détaillée juste au-dessus). Afin de faire financer ces recheches, le Simorg a donc fait appel au jeune et riche entrepreneur Kaiji Urasawa.
Pour établir un business model viable, Kaiji créa la société Winguard. Officiellement une agence de sécurité privée, elle est constituée de gardes du corps (surnommés « anges ») qui ont pour mission de veiller discrètement sur les Alter Ego de personnalités puissantes ou influentes, après qu’ils aient été identifiés par le Simorg. Les anges sont également sensés améliorer le quotidien physiques et psychologiques de leurs protégés, en s’intégrant subtilement dans leur vie, tout en restant totalement discrets et transparents. De cette façon, Winguard garanti la bonne santé durable de ses clients… qui paie rubis sur ongle pour cela. L’on découvrira qu’une branche occulte de la Winguard ne se contente pas de veiller sur les Alter Ego : pour certains clients, elle les enlèves afin de les mettre à l’abris sous haute surveillance dans la « Résidence ».

Ladite mystérieuse résidence rassemble et surveille contre leur grès les alter ego des clients les plus exigent de la Winguard. Localisée dans les Bermudes, elle dispose de nombreuses ressources, moyens techniques et personnel (médical mais aussi paramilitaire). Initialement imaginée comme une sorte de prison privée, elle évolue en villa-tout-confort dont les résidents demeurent sous contrôle chimique (afin de garantir leur docilité et leur amnésie, tout en limitant l’impact sur leur moral…)
La WW2A (World War to AIDS) est officiellement une mission humanitaire visant à guérir et vacciner du VIH. Financé par Urasawa mais également Grynson, la WW2A a en réalité deux missions supplémentaires et beaucoup moins éthiques : injecter un nano-traceur permettant de localiser n’importe quelle personne pucée sur la planète, et procéder à des séquençages ADN. Dans les deux cas, l’objectif terrifiant est d’identifier et localiser rapidement et efficacement tous les Alter Ego sur Terre afin de servir les interêts de la Winguard…
U-Tech est la société d’origine de Kaiji Urasawa. Spécialisée dans les composants de haute technologie, elle fourni les nano-traceurs employés clandestinement par la WW2A.
L’ensemble de ces entités semble chapeautées par la mystérieuse HWC, bien que celle-ci ne soit vraiment pas détaillée dans cette première saison de la série.
Enfin, la NSA (National Security Agency) est un organisme gouvernemental des USA qui prend progressivement la main sur l’organisation mise en place par Urasawa. Sur son impulsion (du moins, d’après ses dires), la Winguard développe deux opérations :
- La résidences pour surveiller directement certains alter egos, et protéger la santé des personnalités les plus critiques ;
- L’assassinat par alter ego interposés (condamnant la cible à moyen terme de manière discrète et naturelle, en supprimant ses alter egos).
Une équipe d’auteurs
Pour produire cette série, le réalisateur Pierre-Paul Renders a rassemblé autour de lui un studio, comme pour les nouvelles séries tv américaines, ou à la grande époque de Tintin. C’est une équipe de neuf personnes qui a travaillé ensemble, entre la Belgique, la France, l’Espagne et l’Italie, grâce à la magie du net : un créateur scénariste (Pierre-Paul Renders), un scénariste (Denis Lapière), un dessinateur directeur artistique (Mathieu Reynès), quatre dessinateurs (Benjamin Benéteau, Luca Erbetta, Efa, Emil Zuga), une coloriste (Albertine Ralenti) et son assistant. Ensemble, ils offrent aux fans de série franco-belge un formidable thriller de 360 pages.
Source : Dupuis
Dans chaque album, une page entière est dédiée aux auteurs, et pour ma part j’en ai compté plus de neuf. J’en ai fait une synthèse dans le tableau ci-dessous :
Auteurs | Camille | Darius | Jonas | Fouad | Noah | Park | Ultimatum |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Renders | X | X | X | X | X | X | X |
Lapiere | X | X | X | X | X | X | X |
Zuga | X | ||||||
Erbetta | X | X | X | ||||
Efa | X | X | |||||
Reynés | X | X | X | X | X | X | X |
Bénéteau | X | X | X | X | X | ||
Ralenti | X | X | X | X | X | X | |
Achard | X | X | X | X | X | X | X |
Hombel | X | X | X | X | X | X | X |
Paschetta | X | ||||||
Bekaert | X |
Ce tableau présente les auteurs impliqués dans chaque album de la saison 1 de Alter Ego, avec une croix (« X ») indiquant leur participation à l’album concerné. Il met en lumière la dimension profondément collaborative du projet, où scénaristes et dessinateurs se relaient ou s’associent selon les volumes. On y distingue notamment la présence constante de Renders et Lapiere, architectes narratifs de la série, ainsi que la récurrence de Reynès au dessin.
En chef d’orchestre, nous avons donc Pierre-Paul Renders : créateur de la série (avec Lapière) sur l’une de ses idées originales, il en est le showrunner et permet d’en garantir la cohérence globale. Il assura également la gestion de l’ensemble de l’équipe d’auteurs, celle-ci étant réparties sur plusieurs pays2.
Les scénarios
Les 7 scénarios furent signés de Denis Lapière, qui participa activement au déploiement de l’intrigue en un récit chorale, participant en particulier au développement des personnages et à la structure narrative.
Les personnages
Suivant les albums, les personnages furent dessinés par Efa, Emil Zuga (dont l’album « Jonas » fut le premier travail publié !), ou Luca Erbetta, sous la direction de Matthieu Reynès.
Les décors
Quatrième dessinateur attitré sous la direction de Reynes, le jeune Benjamin Bénéteau fut particulièrement assigné à la réalisation des décors de la série. Cela contribua à lui donner une cohérence visuelle d’ensemble, malgré des auteurs disparates.
Marco Paschetta assista également Erbetta sur l’un des albums.
Direction artistique
Fonction parfois un peu nébuleuse, la direction artistique fut assurée par Matthieu Reynés (un bordelais !), et prend tout son sens sur une série comme Alter Ego.
A la tête des dessinateurs de l’équipe, il lui incombait:
- la cohérence graphique globale de la série,
- une partie non négligeable du worldbuilding,
- l’ensemble des charadesign,
- et plus généralement la gestion de l’ensemble des dessinateurs et coloristes répartis sur plusieurs pays.
A ce titre, il fut le dessinateur principal de la série, et devait s’assurer que son équipe s’alignait sur son style.
Les couvertures
L’ensemble des illustrations de couvertures a été signé par Matthieu Reynés et Franck Achard. Cela fait donc d’eux les cover artists de la série.
Notons que Achard a également réalisé le logo de la série.
La couleur
Albertine Ralenti fut la coloriste principale sur l’ensemble de la saison, ayant en charge la mise en couleur des dessins réalisés en noir et blanc. Elle ne fut remplacée que sur le dernier album par Benoit Bekaert.
Affecté à la quasi-totalité des albums, Ralenti fut aidée par Sébastien Hombel qui eut donc le rôle d’assistant coloriste.

Pour en savoir plus sur les différents métiers de la BD, je vous renvoie vers un prochain article, publication à venir. (N’hésitez pas à vous inscrire à la newsletter du blog pour en être informé.)
Perspectives
Ce fût donc une équipe bien fournie, qui nous offrît une excellente série, mêlant thriller, complotisme, découvertes techno-fantastiques et personnages attachants et hauts en couleur. Le tout servi dans une saga qui peut se lire de manière non-linéaire !
Un régal pour tout amateur de BD. Et je vous invite à me suivre très vite sur la seconde saison de cette saga…