Camille est une jeune européenne aisée vivant à Singapour non loin de sa mère, Suzanne. Cette dernière est une personnalité importante au sein d’une organisation mystérieuse nommée Simorg.
Alors que la jeune fille vient d’avorter, sa mère semble perdre les pédales, tant professionnellement qu’en réaction à l’annonce de l’IVG… et finit par perdre la vie dans l’incendie de sa maison.
Camille se lance alors dans une enquête qui la mène en Angola, sur les traces des travaux de sa mère…
Alter Ego est une série atypique car elle peut se lire dans (presque) n’importe quel ordre ! Récit chorale, il est proposé au lecteur de suivre un personnage différent par album, dans des péripéties qui se croisent et finissent par converger vers la conclusion. Thriller d’anticipation avec un soupçon de fantastique, il se décline en deux saisons de 11 tomes au total :
- La saison 1 propose 6 tomes achroniques avant de lire le tome de conclusion ;
- La saison 2 contient 3 tomes également lisibles dans n’importe quel ordre avant l’utime tome.

Et dans ce volume de la première saison d’Alter Ego, l’intrigue se déploie avec une certaine virtuosité narrative : l’histoire de Camille s’inscrit donc dans une mosaïque plus vaste, nourrie par un lore foisonnant distillé par touches discrètes. Cette densité narrative se manifeste notamment au travers de :
- dialogues fluides et crédibles, qui évitent l’exposé didactique ;
- une profusion de lieux (Singapour, Angola, Bombay, Los Angeles) renforçant l’aspect aventurier et le jeu de piste que propose de remonter le récit ;
- des interventions décisives d’acteurs secondaires (le professeur, Ze Texeira, Kaikjin Urasawa) qui complexifient et diversifient la lecture des enjeux.
Cependant, ce tome souffre de quelques facilités scénaristiques, notamment via des deus ex machina ou éléments catapultés sans plus de contexte (SMS providentiels, flashbacks explicatifs, prises d’otages médiatisées). Ces éléments (évidemment issus des autres tomes) desservent un peu une narration autrement subtile et bien rythmée.
Le récit croise brillamment les thématiques de l’héritage et du destin à travers la trajectoire de Camille, partant de l’intime au mondial… L’avortement initial sert d’amorce à une quête dans laquelle la disparition de la mère devient le catalyseur. La tension mère-fille, traitée avec pudeur, trouve un écho dans les révélations tardives sur le Simorg et les auras connectées, qui prennent tout leur sens dans une lecture transversale de la série. Il est d’ailleurs notable que ces éléments ne prennent réellement tout leur sens et leur intérêt qu’en fin de série, désignant donc ce tome comme étant à lire plutôt en fin de saga, peut-être juste avant le tome de conclusion.

Le charadesign, s’il n’est pas révolutionnaire, parvient à capter la spécificité de chaque personnage avec une expressivité crédible. Le style graphique, à mi-chemin entre réalisme et caricature, soutient efficacement la dynamique du récit sans voler la vedette au scénario (que l’on sent dense et construit). Ce trait légèrement stylisé permet d’accompagner les ruptures de ton, du drame intime à la conspiration planétaire.
En tant qu’élément d’un ensemble plus vaste, « Camille » assume pleinement sa fonction : fournir une pièce essentielle (si ce n’est « la pièce essentielle ») d’un puzzle narratif plus large. L’épilogue, image ci-dessus, joue habilement la carte du lien intradiégétique en connectant explicitement les autres tomes de la saison, dans une démarche d’accompagnement rigoureux du lecteur…