Les Ailes du Phaeton

Attention : Spoilers de niveau 5/5 !

L’article ci-dessous contient des spoilers : divulgation de l’ensemble des aspects majeurs de l’œuvre, y compris ses conclusions et épilogues, ses coups de théâtres décisifs, et/ou des aspects complémentaires ou extérieurs à l’œuvre.

Article importé

L’article ci-dessous provient d’un ancien blog (qui lui-même contenait des articles très variés, ne portant généralement pas sur la BD). Lors de sa présente republication, il a été légèrement modifié. Mais en plus d’être plus ou moins daté, son formalisme ne suit donc pas la ligne éditoriale actuelle du blog que vous êtes en train de visiter.

Connaissez-vous la série de BD intitulée « Les Ailes du Phaeton » ? Probablement pas, ces bandes dessinées étant peu aimées des critiques comme des connaisseurs… et je dois reconnaitre que c’est hélas assez justifié. Pourtant, il y a un petit « quelque chose » dans cette série, qui me donne envie de vous en parler tout de même.

Les « Ailes du Phaeton » (AdP) est une série de 9 tomes sortis entre 1997 et 2004, aux éditions Soleil (pour se faire une idée, le premier tome est sorti alors que la série phare de Soleil, j’ai nommé « Lanfeust de Troy« , en était au tome 4). Les AdP sont subdivisées en trois cycles de trois tomes chacun. Chaque cycle est scénarisé par un auteur différent, ce qui nous vaut des récits, des originalités et des assemblages scénaristiques assez différents 1.

Cette série de fantasy nous contes les aventures d’Uliat à bord de son Phaeton, marin sur les mers du vaste Médianos, qui ne tardera pas à croiser le chemin de la princesse Safir de Vulcanie et de Sunie. Dans cette seule phrase tient, selon moi, tout l’intérêt des AdP : il s’agit d’une saga d’héroic-fantasy se déroulant sur les mers ! Du coup, point de château, de dragon, de chevalier, de nains et d’elfes, de magiciens et d’épées magiques. Par contre, sur les flots du Médianos, vous croiserez des monstres des profondeurs, des navigateurs râleurs, buveurs et coureurs de jupons, des sirènes, des villes portuaires, des bagarres de tavernes, des monastères sur leurs îlots isolés, des citées englouties et des pierres magiques. Oubliez les obscurs marécages, et partez à la découverte des Flots Tonnerres. Abandonnez les forêts profondes, et contemplez la froide contrée des mille lacs. Quittez les hautes montagnes, et partez à la découverte du gigantesque monolithe de Kashoum dressé seul au grand large… Bienvenu à bord du Phaeton ! C’est cette ambiance d’aventures fantastiques marines, par dessus tout le reste, qui m’a séduit dans les AdP !

Les « Ailes du Phaeton » ont pour moi une saveur toute particulière, puisque cette série fait partie de celles que j’ai lue lors de ma découverte du monde de la BD (parmi les Thorgal et autres Lanfeust). A l’époque, je pense que je n’avais lu que les 5 ou 6 premiers tomes. Aussi me suis-je fait offrir la BD entière pour mon anniversaire 2. A cette occasion, j’ai donc pu les (re)lire avec un oeil neuf, et constater que si l’ambiance est toujours aussi séduisante, le reste l’est beaucoup moins !

Cascades et brume

En lisant les « Ailes du Phaeton », je me suis rendu compte que mon appréciation sur une BD porte en fait sur trois critères (classés par ordre d’importance3) :

  1. Le scénario ;
  2. L’ambiance ;
  3. Le dessin.

Bien entendu, en pratique, ces trois aspects sont souvent liés. En particulier, l’ambiance découle souvent d’une conjugaison du scénario et du dessin. Quoique dans notre cas, il semble que les AdP soient une exception, puisque le gros points fort de cette série à mon avis est bien l’ambiance générale (comme vous l’aurez compris ci-dessus). Au delà des embruns vivifiants et de la brise iodée, on sent un monde fouillé 4 et doté un très fort potentiel (la fantasy marine étant, à ma connaissance, assez peu développé de manière générale).

Le dessin quant à lui est plutôt bon, quoiqu’inégal. Les paysages et les navires sont magistralement maîtrisés pour la plupart. En revanche, les personnages (et en particulier les visages) sont parfois déformés. Un changement de colorisation intervient au milieu de la série, passant d’un style manuel à une couleur informatisée ; pour ma part, cela ne m’a posé aucun problème. Toutefois, comme indiqué plus haut, le critère du dessin est pour moi le moins important, ainsi vais-je passer à ce qui pèche vraiment dans les « Ailes du Phaeton »…

… le scénario ! Il s’agit du critère principal de ma liste, et c’est précisément là que pèche la série. Si l’univers semble assez riche, les aventures d’Uliat et Safir oscillent entre du « moyen » et du « WTF » 5 ! Je vous propose d’entrer un peu dans les détails ci-dessous, mais pour avoir un avis global, quand leurs péripéties ont un sens, elles sont relativement convenues : des princesses à sauver, des barbares à fuir, un monstre à exploser (au sens propre)… Voilà pour le « moyen ». Pour le WTF, allez voir du coté du dernier cycle, où les intrigues de palais se mélangent allègrement (mais sans la moindre cohérence) avec une invasion bizarroïde venue des profondeurs, où les vieilles connaissances reviennent à la vie sans grande justification, où Uliat à force de ne plus savoir où aller, ne va plus nulle-part… Alors bien sûr, tout n’est pas à jeter, et certaines parties sont assez intéressantes, comme le passage entre mondes parallèles, ou les intrigues de cours… Mais on ne sait pas où les scénaristes veulent en venir, et soit il n’y a pas assez de matière, soit il y en a trop, et cela en devient incompréhensible. Notons que chaque tome a été pensé pour être lisible indépendamment des autres, et ce parti pris est globalement tenu tout au long de la série, malgré les forts liens entre chaque opus.

Entrée en matière de la série

Le cycle du Titan

Scénarisé par Didier Tarquin (dessinateur du célébrissime Lanfeust).

1. Le ventre de Kashoum

Ce premier tome pose les bases, en nous présentant Uliat, accompagnant la princesse Safir dans la quête de ses sœurs, enlevées par une race qu’on l’on croyait légendaire : les abysséens.

L’histoire est sans surprise, mais la découverte des mers du Médianos est assez sympathique.

2. Le dernier Titan

En participant à une compétition , Uliat ne pensait pas être le complice de l’intrusion dans la capitale sunienne de l’oeuf du dernier titan. Alors que celui-ci est sur le point d’éclore et de laisser son contenu dévaster l’une des plus grandes citées du Médianos, Uliat se lance dans une course contre le temps.

Un album rafraichissant et original, mêlant aventure maritimes et pure fantasy.

3. La colère d’Abyssaal

Pour les beaux yeux 6 de Safir, Uliat accepte de participer à la traque du dernier titan dans l’un des recoins les moins fréquentables de l’océan. Il découvrira le peuple des sirènes, et conclura un pacte avec elles.

Suite et fin du premier cycle, sans grande surprise.

Le cycle des Mondes Parallèles

Scénarisé par Crisse (Dessinateur de l’Epée de Cristal).

4. Le chasseur de typhons

Amnésique depuis 9 ans, Uliat est navigateur sur l’Atlantique du XVIIe siècle et écume les tavernes de San Francisco. Pourtant, il sent bien qu’un lourd passé pèse sur ses épaules, un passé peuplé de monstres, de sirènes, de centaures et de mers fantastiques.

Très original, cet album fait échouer Uliat dans notre monde, ce dernier n’aura alors de cesse de regagner son Médianos natal par delà les dimensions…

5. Le pays des mille lacs

Revenu dans leur monde d’origine, Uliat et Safir atterrissent dans le pays des mille Lacs, au delà de la limite nord du Médianos. Ici s’affrontent les barbares Nöordings et les pacifiques Elreens, depuis des générations. Dans un conflit qui n’est pas le leur, Uliat et Safir devront trouver un moyen de regagner le sud.

Un nouvel album relativement classique, quoique sympathique.

6. L’aube rouge du Médianos

De retour au Médianos, après 9 ans d’absence, Safir découvre que la Sunie est désormais aux mains d’un tyran, secondé par un sorcier à la puissance aussi terrifiante qu’anormale. Aidée par de nouveaux alliés, la princesse devra regagner son trône au prix d’une bataille qui s’annonce sanglante.

Un album ici encore sans grande originalité, mais qui boucle plutôt bien ce cycle.

Le cycle des Abysséens

Scénarisé par Isabelle Plongeon (qui porte bien son nom).

C’est ce troisième cycle qui enterre définitivement la série ! On y trouve beaucoup d’idées, beaucoup de choses sans grand rapports (d’où une difficulté à mettre un nom sur ce cycle, d’ailleurs) et tellement décousues qu’on a plutôt l’impression d’être devant un brouillon mal ficelé !

7. Le Saphir Abysséen

Désormais sur le trône de Sunie, Safir promet d’épouser le prince qui parviendra à lui ramener le légendaire saphir abysséen.

Nouvel arc scénaristique dans ce premier tome, et c’est déjà un grand globi-boulga sans queue ni tête. Les abysséens étaient autre fois des humains au même titre que les sirènes… Les saphirs (ce n’est pas clair, mais contrairement au titre de ce tome, il semble y en avoir un grand nombre) sont en réalité des météorites dotées de pouvoir vaseux… Uliat se lance dans une partie de jambe en l’air avec la reine abysséenne emprisonnée depuis des siècles… Bref, on ne comprend pas grand chose ; le seul mérite de cet album est d’avoir fait un lien avec le tout premier tome des AdP.

8. Le complot

Sans presque aucune transition avec le tome précédent, ce tome explore les intrigues de cour qui se tissent autour de Safir. Loin d’être mauvais, cet album tombe surtout comme un cheveux sur la soupe, et perd tout le souffle épique de la série.

9. La Reine des Abysséens

Alors qu’Uliat et Safir fuient à bord du Phaeton pour vivre leur amour (?!), seuls, la reine des abysséens lance une campagne d’invasion des terres émergées, avant de décimer son propre peuple et d’hypnotiser toutes les femmes qu’elle croise, toujours au moyen de ses saphirs magiques.

Un grand n’importe quoi, qui ne trouve même pas de conclusion, puisque la reine des abysséens s’enfuit en portant le fils d’Uliat (!!!). La plus grosse arnaque de ce tome ? La bataille finale, annoncée au fil des pages, à lieu « hors champs » ! Uliat dormait pendant la bataille (au sens propre) : tant pis pour le lecteur, il n’aura que le résumé, raconté en 3 bulles !

C’est sur ce navrant final que se clôt (probablement définitivement) la série des « Ailes du Phaeton ». Une saga de fantasy marine, au dessin honnête, à l’ambiance bien retranscrite, au background que l’on devine profond, mais aux scénarios convenus ou totalement délirants. Dommage…

The end
  1. Il s’agit d’ailleurs ici d’une originalité notable, la BD nous offrant généralement plutôt le contraire, à savoir des dessinateurs/coloristes changeant pour un scénariste fixe.[]
  2. Notez que les « Ailes du Phaeton » ne sont plus édités, et ne sont trouvables que sur le marché de l’occasion.[]
  3. Notez que vous retrouvez désormais ces critères à la fin de chacune de mes critiques ![]
  4. Si l’envie m’en prend un jour, et si j’en trouve le temps, je m’amuserai à dessiner une carte du monde des AdP à partir des différentes indications données dans la série.[]
  5. « What the fuck », expression anglaise correspondant grosso modo à notre « grand n’importe quoi » français.[]
  6. Et sans doute le reste aussi…[]

18 commentaires sur “Les Ailes du Phaeton”

  1. Le but de cet article n’est pas de dissuader de lire cette série, hein !

    C’est surtout d\’insister sur le fait que son intérêt réside dans son ambiance, à défaut de son scénario…

  2. « Le but de cet article n’est pas de dissuader de lire cette série, hein ! »
    Sacré Coco, tu nous dis qu’il s’agit de BD « peu aimées des critiques comme des connaisseurs… et je dois reconnaitre que c’est hélas assez justifié » (j’ai vu sur BDthèque que la série n’a que 2 étoiles d’ailleurs), que la série se finit en queue de poisson et qu’on ne pourra trouver les tomes qu’en cherchant bien en occasion.

    Pour la dernière remarque, il suffit de te les emprunter, mais pour le reste je trouve ça assez dissuasif 😛

    Concrètement, si on enlève l’ambiance maritime, il reste quoi ?
    C’est vrai qu’il y a peu de BD de fantasy sur les vastes étendues de l’océan. En fait, je n’arrive même pas à trouver d’exemple.

  3. Pour ma part, j’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé d’autre serie de fantasy-maritime (hey, on vient peut-etre de trouver un nom pour ce genre)…

    En effet, pour les lire, il suffit de passer nous voir.

    Effectivement, les AdP sont tres mal notees sur le net. Mais bon, je prefere toujours me faire une idee par moi-meme.

    Je le dis haut et fort : l’interet resude bien dans l’ambiance ! Mais cette serie ne doit pas etre le seul exemple… « Siegfried » tient aussi surtout a son ambiance. Certains tomes des « Chavaliers Dragons » aussi…

  4. Je repensais à cette sous-représentée « fantasy maritime », et il me semble que la BD les Feux d’Askell pourrait rentrer dans ce cadre. Je ne l’ai pas lue, cela dit, juste eu des échos donc je peux me tromper.

    Sinon, en roman, as-tu les Aventuriers de la Mer de Robin Hobb, Ekho ? C’est, comme le titre l’indique, très « maritime » ^^ et fantasy (et très bien).

  5. J’avais vaguement feuilleté les « Feux d’Askell », il y a longtemps… C’est de Arleston, non ? Je n’avais pas accroché au dessin, c’était parfois limite porno, et l’aspect fantastique de la mer n’était pas tellement exploité, je trouvais…

    Je ne connais pas du tout le roman dont tu me parles… Mais je crois que ça va aller directement sur ma liste de livres à lire !!! 😀

  6. Oui, c’est d’Arleston. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je n’ai pas cherché à mettre la main sur la BD. Une autre raison étant les échos « limite porno » comme tu dis que j’ai pu entendre ailleurs.

    Faut que tu lises les AdlM, alors, ça te plairait je pense 🙂
    Mais il vaut peut-être mieux que tu lises l’Assassin royal avant : c’est du même auteur et dans le même univers, et l’histoire se passe juste avant. C’est nettement moins « maritime » par contre (voire quasiment pas, en fait).

  7. Je recommande pour ma part aussi chaudement les aventuriers de la mer ^^ Par contre, à mon sens, pas spécialement besoin de lire l’assassin royal avant. Ils peuvent se lire dans l’ordre que tu veux, sans spoiler. Par contre, je préfère les aventuriers de la mer, car l’histoire avance et se termine, alors que je trouve que l’assassin royal se traîne en longueur.

    Et je pense que tu reverrais d’avoir une vivenef pour toi ^_^

  8. Il n’y a effectivement pas de spoilers à proprement parler, mais quelques détails dans les aventuriers de la mer qu’on n’est pas « censé savoir » dans l’Assassin Royal (je pense à ce qui concerne le Anciens). Rien de bien grave cela dit.

    J’ai moi aussi préféré les aventuriers de la mer, pour les mêmes raisons 🙂
    Le récit est plus dynamique avec les changements de personnages, contrairement à l’assassin royal où on voit tout par le point de vue de Fitz. Je l’ai aussi trouvé beaucoup moins amer (ce qui n’est ni un défaut ni une qualité, mais suivant mon état d’esprit, je n’ai pas forcément envie de lire quelque chose de très amer, ce qui peut ralentir ma lecture).

    Au fait, Lyr, as-tu lu la 2ème trilogie de l’assassin royal ? Je ne l’ai pas encore lue.

    « Et je pense que tu reverrais d’avoir une vivenef pour toi ^_^ »
    Quand Ekho aura lu les romans, j’espère qu’il nous fera un article là-dessus !
    Parce qu’en lisant le début, je me disais qu’avoir une vivenef devait être fantastique ; après, beaucoup moins 😉

  9. @ekho les aventuriers de la mer, 9 volumes je crois.

    @Eldermê : j’ai du lire la seconde partie de l’assassin royal, la « suite » de l’histoire, mais j’ai pas accroché. J’en avais un peu marre de la série

  10. Ok, la suite reste dans le même style que la première trilogie, je suppose ?

    Au passage, pour répondre à la question d’Ekho, ce sont initialement des trilogies. Mais les versions françaises ont fait un découpage foireux : 6 volumes pour la première trilogie de l’assassin royal, 7 pour la 2ème, et 9 pour les aventuriers de la mer (dont l’histoire se passe entre les 2 trilogies de l’assassin royal).

    La Roue du Temps, j’avais essayé, mais je n’ai pas réussi à accrocher, par contre. J’ai lu péniblement les 2 premiers volumes (édition française découpée en 1337 tomes), commencé le 3ème et fini par abandonner ce pauvre Rand devant l’Amyrlin…

    De toute façon, j’ai le Trône de Fer à finir avant ^^

  11. J’aime toute ses références communes ! 🙂

    Pour ma part, je viens juste de finir hier soir le tome III de Eragon (en attendant le tome IV, fin du cycle, au printemps).

    La roue du temps, j’en suis au tome 8 (français, donc tome 4 américain). C’est vrai que c’est assez difficile de reprendre, quand on a décroché. Mais c’est ma bonne résolution de 2012.

    Toutefois, je garde ces aventuriers de la mer sous le coude !

  12. bonjour, nous faisons un travail sur phaeton et nous aimerions compendre pourquoi le nom des bd et s’il y a un lien avec phaeton de la mytholigie, merci d’avance
    bonne journee

  13. Bonjour,

    Bienvenue par ici.

    Je ne connaissais pas le personnage mythologique de Phaeton. Mais la réponse est « non ». Je ne vois pas de lien entre le demi-dieu et le bateau de la BD.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.