Tirée du tome 6 de la saga No Man’s Land (qui clôture cet immense crossover), la double page ci-dessous me semble particulièrement notable.

Elle présente en effet la particularité de pouvoir être lue dans les deux axes.
Constituée d’un gaufrier de 4×4 cases, nous avons donc 4 strips de quatre cases chacune. L’on y voit Batman interroger de manière musclée ses ennemis sur la localisation du Joker…
En lecture horizontale « standard », l’on constate que chaque strip est une sorte d’itération iconique, mettant Batman en scène exactement de la même façon, mais vis à vis de supervilains différents dans chacune des 4 cases, à savoir dans l’ordre : le Pingouin, Poison Ivy, le Ventriloque et Double-Face. Chaque strip est ainsi une répétition presque à l’identique de 4 vignettes, montrant une progression identique de Batman dans son enquête, face à chaque antagoniste (en l’occurrence, il s’agit plutôt d’une non-progression). Dans ce sens de lecture, 4 temporalités s’entremêlent, avec des sauts de puce dans le temps.
A la verticale, l’on peut en revanche lire sur chacune des quatre colonnes l’interaction directe de Batman avec chacun de ses ennemis, sans interférence des autres. On est ainsi dans 4 temporalités successives (donc une seule temporalité continue).
Notez que la non-progression de l’enquête du Chevalier Noir, en plus d’être mise en avant par cette répétition habile des cases, est soulignées par deux artifices supplémentaires :
- Les bulles de dialogues des ennemis se suivent directement alors que leurs présence s’alterne en lecture horizontale : cela souligne la répétition des réponses que Batman obtient d’eux ;
- Les bordures des vignettes virent progressivement du jaune au rouge (à la verticale), illustrant la colère montant de Batman, en opposition à sa représentation toujours égale d’une case à l’autre (à l’horizontale).
Une très habile composition, permettant de souligner la futilité de l’enquête de Batman, et sa colère croissante.