Alter Ego – Ultimatum : fin sans vertige d’un puzzle ambitieux

Attention : Spoilers de niveau 4/5 !

L’article ci-dessous contient des spoilers : beaucoup de révélations sur l’œuvre, y compris sur des aspects majeurs de l’intrigue et des twists importants ; mais sa conclusion n’est pas abordée, ou de manière masquée (clic nécessaire de la part du lecteur pour y accéder).

Fouad vient d’être tué…

Darius est en soins intensifs…

Mais c’est Jason que nous retrouvons, poursuivi par les agents de la NSA à la solde de Noah. Rapidement rattrapé, il passe un pacte avec ce dernier : en tant que médium, il peut aider à localiser Camille. En faisant cela, il l’empêcherait de révéler l’immense conspiration ourdie par Kaiji autour de la découverte des Alter Ego…

De son côté, Camille, aidée par Miep, tente de convaincre Miranda Grynson de révéler ladite conspiration.

Alter Ego est une série atypique car elle peut se lire dans (presque) n’importe quel ordre ! Récit chorale, il est proposé au lecteur de suivre un personnage différent par album, dans des péripéties qui se croisent et finissent par converger vers la conclusion. Thriller d’anticipation avec un soupçon de fantastique, il se décline en deux saisons de 11 tomes au total :

  • La saison 1 propose 6 tomes achroniques avant de lire le tome de conclusion ;
  • La saison 2 contient 3 tomes également lisibles dans n’importe quel ordre avant l’ultime tome.

« Ultimatum » est donc le tome de conclusion de la saison 1.

Un scénario surchargé, une tension sous contrôle

L’ambition scénaristique de Ultimatum est manifeste : conclure cette saga chronique ; mais l’exécution n’est sans doute pas tout à fait à la hauteur. Le récit, tout en poursuivant la dynamique de fuite initiée dans plusieurs des précédents tomes, souffre d’une construction trop dense et par endroits artificielle. La réunion de certains personnages-clefs (comme Darius ou Park) paraît forcée, et certaines (ré)introductions nuisent à l’impact narratif ; je pense notamment à Park, dont la présence précipitée gâche le climax de son propre arc.

Si l’on apprécie le fait de boucler toutes les intrigues dans une véritable conclusion sans rappel des épisodes précédents1, le rythme est déséquilibré, et la fin, privée de twist ou de climax marquant, échoue à provoquer une véritable émotion. Il faut néanmoins saluer la décision scénaristique de rompre avec le sempiternel statu quo : la révélation mondiale des Alter Ego dans les dernières pages constitue un choix fort, qui tranche avec les fins de série plus conservatrices.

Un casting inégalement exploité

Les figures centrales – Camille et Kaiji – restent fascinantes. Le secondse révèle une fois de plus insaisissable, à mi-chemin entre stratège froid et idéaliste borderline :

  • Est-il un personnage complexe et retord, incompris mais avec de bonnes intentions et pour qui la fin justifie les moyens ?
  • Est-il un arriviste fini aux méthodes inhumaines assumées, recherchant uniquement le profit ?

Ses motivations, laissées volontairement un peu ambigües, nourrissent l’ambivalence morale du récit. Camille, quant à elle, porte sur ses épaules le fardeau de la vérité, incarnant une forme de résistance solitaire contre un système tentaculaire.

À l’inverse, certains personnages secondaires, à l’instar de Miranda Grynson ou Noah, peinent à sortir de leurs archétypes : la première reste sous-développée, le second confirme sa fonction d’antagoniste (archétype de l’ombre) sans nuance.

Ambiance et mise en page : la réussite du découpage

Visuellement, l’album se distingue par une ambiance travaillée. Le récit de fuite se reflète dans une mise en page tendue et une atmosphère oppressante poussé par un décompte du temps plutôt original : le nombre d’heures écoulées depuis la mort de Fouad. Le choix d’insérer un strip noir en bas de certaines doubles pages – révélant peu à peu les aveux de Suzanne – est une excellente idée de rythme et de narration différée, qui renforce l’aspect puzzle de la série.

Autre élément remarquable : la présence d’un compte à rebours2, suggéré par une barre noire entre les ellipses d’intercase, qui installe une tension supplémentaire. Ce dispositif, à la fois graphique et temporel, donne à l’album une allure de thriller scientifique.

Graphiquement, l’album reste dans la veine de la série : efficace, lisible, sans fulgurance. Le charadesign, sobre mais expressif, fait le travail. Les décors et la colorisation soutiennent bien l’ambiance générale, même si aucune séquence ne se distingue vraiment sur le plan visuel.

Les thématiques en filigrane

Sans marteler son propos, Ultimatum aborde des thèmes puissants : le poids du devoir, la légitimité de la vérité, ou encore la vanité du contrôle sur la nature humaine. Ces réflexions (déjà présentes dans les albums précédents) enrichissent le récit, même si elles mériteraient d’être plus incarnées à travers les dialogues ou les situations.

Au final, malgré des qualités de construction et une atmosphère prenante, ce dernier tome souffre un peu de la densité de son propos et de son absence de réel vertige narratif. Il conclut la première saison sans éclat, mais avec une cohérence certaine.

  1. Il est particulièrement nécessaire d’avoir en tête les albums Fouad, Noah et Camille[]
  2. Sorte de (dé)compte opposé à celui basé sur la mort de Fouad.[]

Cette critique est en lien direct avec l'article "Alter Ego - Saison 1", à paraitre prochainement. Pour ne pas rater sa publication, inscrivez-vous à la newletter !

Notes

Scenario : 5 / 10
Dessin : 6 / 10
Ambiance : 8 / 10
Note moyenne : 6.3 / 10

En savoir plus sur l'album...

Série : Alter Ego

Album : Ultimatum
(Histoire liée au reste de la série)

Type de BD :

Editeur :

Parution : septembre 2012

Lien : Site officiel

Taille : 64 pages

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