Batman No Man’s Land (NML) est une saga emblématique des années 90. Immense crossover de l’univers du Chevalier de Gotham, il commence avec le récit « Cataclysme » dans lequel Gotham City subit un tremblement de terre dévastateur. Par la suite, la ville est officiellement abandonnée par le gouvernement des USA, et devient le No Man’s Land, un territoire sans foi ni loi… littéralement !

Dans cette Gotham post-apocalyptique, la quartiers sont divisés et contrôlés par différentes factions, certains sont aux mains de gangs, d’autres sont plus ou moins tenus par les restes du GCPD (la police désormais non-officielle), d’autres encore son aux mains de divers supervilains (le Pingouin, Double-Faces, le Joker…) tandis que d’autres sont sécurisés par Batman ou ses alliés.
En particulier, Batman pourra compter sur Nighwing, son plus fidèle ami (le premier Robin), mais également sur Azrael, son Robin actuel, Catwoman dans certaines circonstances… ainsi qu’une mystérieuse nouvelle Batgirl.
Dans cet article-bilan, je vous propose de revenir sur quelques aspects de cette saga chorales, en suivant le déroulé suivant :
Entre cataclysme et NML
Il est important de noter qu’entre les publications françaises de Cataclysme et du premier tome de No Man’s Land, de nombreuses publications américaines furent éditées aux USA sans qu’elles nous parviennent de ce coté-ci de l’Atlantique. En particulier, dans les séries principales, on peut constater d’énormes « trous » dans la continuité qui nous est proposée dans la saga :
Publications aux USA | Dernier issue dans « Batman Cataclysme » | Premier issue dans « NML #1 » |
---|---|---|
Detective comics | #721 | #730 |
Batman | #554 | #563 |
Batman : Shadow of the bat | #74 | #83 |
Batman chronicles | #12 | #16 |
Une partie de ces numéros manquants est (très rapidement) résumée dans l’édito proposée par Urban Comcis dans le premier tome de NML :

[…] Cette succession de catastrophes trouva son point culminant avec un gigantesque séisme qui détruisit les infrastructures et coupa Gotham du reste des États-Unis. Bruce Wayne tenta d’user de son poids financier et politique pour demander au niveau fédéral une aide conséquente, mais celle-ci lui fut refusée. Pendant ce temps, les habitants de Gotham fuyaient les ruines de leur ancienne cité et les haines et tensions furent attisées par Nicholas Scracth, une rock-star au pouvoir hypnotique surhumain. Scratch réussit à convaincre le gouvernement d’ordonner une mise en quarantaine de Gotham, déclarée No Man’s Land. Et depuis, plus personne n’a aperçu la silhouette de l’Homme Chauve-Souris..
Aprés quelques recherches, il y a plus 60 issues qui permettent de connecter le séisme à la mise en place du No man’s land, en particulier dans les séries Azrael (10 issues), Batman (8), Détective Comics (8), Robin (11), et Shadow of the Bat (9).
Toutefois, rassurez-vous, nulle besoin de combler le trou en question pour apprécier l’ensemble de la série 1.
Histoire générale
Au début de la saga, la ville ravagée est subdivisée en quartiers, chacun aux mains de différents gangs. Chaque gang lutte pour maintenir ses frontières et/ou les élargir, au plus grand désespoir des rescapés qui n’ont pas fuit la ville et tentent de survivre malgré tout. Progressivement, un nouveau groupe gagne du terrain : les « gars en bleu », constitué des restes du GCPD, la police de Gotham, menée par Jim Gordon.
Petit à petit, les justiciers (Nightwing, Robin, Batgirl, Azrael…) tentent de faire pencher la balance, tout en protégeant la veuve et l’orphelin, qui n’ont jamais été aussi menacés. Mais quand Batman réapparait enfin, l’espoir renait…
…pourtant, les supervilains de Gotham ne sont jamais loin, et tandis que les petits chefs de gangs disparaissent progressivement, ce sont les ennemis emblématiques du Chevalier Noirs qui prennent les rênes des différents quartiers : le Pingouin, Poison Ivy, Mister FReeze, Double Face, et bien sûr le Joker.

Finalement, il ne faudra rien de moins que Lex Luthor (le milliardaire trouble, ennemi juré de Superman) pour lancer la reconstruction de la ville ; mais à quel prix ?
Retrouvez l’ensemble de mes critiques ci-dessous, tome par tome :
- NML #1 : A la croisée de Batman & Mad Max (publié le 2 octobre 2024)
- NML #2 : Gotham, terrain de conquête et de survie (publié le 1 février 2025)
- NML #3 : Gotham en lambeaux, justice en morceaux (publié le 15 février 2025)
- NML #4 : Veuillez accueillir le Joker & Harley Quinn (publié le 8 mars 2025)
- Batman NML #5 : un fourre-tout (dés)agréable (publié le 29 mars 2025)
- Batman NML #6 : reconstruire Gotham, brique par brique (publié le 18 juin 2025)
Mapping des issues
Comme je l’avais indiqué dans ma critique de Batman Cataclysme, qui est le socle de toute la saga No Man’s Land, je me suis amusé au fil de ma lecture à noter les différentes issues rassemblés tout au long de ces 6 tomes, ainsi que leurs liens entre eux.
Cela à donné la cartographie ci-dessous…
Rassurez-vous, il n’est absolument pas nécessaire de la consulter pour suivre la saga, car Urban Comics a fait un plutôt bon travail éditorial. Je vois cette infographie plutôt comme une sorte de performance, montrant comment les comics américains peuvent être connectés et interconnectés, faisant se croiser les temporalités, les personnages… et les périodiques associés !

Légende :
- Les flèches en pointillés indiquent un lien plutôt fin, les flèches en traits pleins indiquent un lien direct.
- Chacun des 6 tomes en harcover sont circonscrits en pointillés.
- Un code couleur indique le personnages principal de chaque issue :
- Gris = Batman
- Bleu = Nightwing
- Vert = Justice League
- Rouge = Azrael
- Marron = Catwoman
- Jaune = Robin
- Blanc = divers
Ce fichier permet de faire quelques statistiques intéressantes… Afin de faire comprendre à un lecteur européen le labyrinthe éditorial que cela représente pour un lecteur américain qui suivait l’évènement au jour le jour. Voici ci-dessous les publications américaines (issues) et leur occurrences dans les 7 tomes (Cataclysme + 6 NML) compilées par Urban Comics pour constituer la saga No Man’s Land éditée en France :
Série | Nombre d’issues dans la saga |
---|---|
Batman | 13 |
Detective Comics | 13 |
Shadow of the Bat | 11 |
Batman: Legends of the Dark Knight | 10 |
Azrael: Agent of the Bat | 10 |
The Batman Chronicles | 11 |
Robin | 9 |
Catwoman | 7 |
Nightwing | 6 |
Batman: No Man’s Land | 2 |
A cela s’ajoutent les issues (tirés ou non de séries) qui n’apparaissent qu’en un seul exemplaire :
- Batman Blackgate: Isle of Men #1
- Batman: Arkham Asylum: Tales of Madness #1
- Batman: Harley Quinn #1
- Batman: Huntress/Spoiler #1
- Batman No Man’s Land Secret Files #1
- JLA #32
- Young Justice: No Man’s Land #1
Avis général sur la saga
En quelques mots, voici ce que je retiens de la saga, en points forts et faiblesses…

Quand le trés bon…
Une ambiance post-apocalyptique immersive – J’ai particulièrement apprécié la manière dont Gotham est transformée en une ville dévastée et livrée à elle-même. Cette atmosphère sombre et pessimiste, traitée avec réalisme, donne un souffle nouveau à l’univers de Batman et fait de la ville un véritable personnage central.
La diversité des points de vue et la dimension humaine – L’accent mis sur la Batfamily, mais aussi sur des personnages secondaires comme Jim Gordon ou Catwoman, permet d’explorer différentes réactions et stratégies face à la catastrophe. Cela donne de la profondeur à l’ensemble et personnifie les différents types de réactions dans une telle situation de crise.
La multiplicité des intrigues – La structure chorale, avec ses récits croisés et ses intrigues parallèles, reflète bien la fragmentation de Gotham et la complexité des rapports de force. J’ai trouvé intéressant de suivre les évolutions de la ville à travers différents regards, en particulier ceux de citoyens anonymes ou de flics perdus.
Des prises de risques scénaristiques – La série n’hésite pas à sortir des schémas habituels, en mettant parfois Batman en retrait ou en abordant des thèmes rarement traités dans les comics traditionnels, comme la survie extrême ou la perte de repères.

…côtoie le moins bon
Une qualité graphique et narrative inégale – J’ai été frappé par la disparité entre les différents chapitres (y compris au sein d’un même tome), tant au niveau du dessin que du scénario. Certains arcs sont très réussis, d’autres nettement moins, ce qui crée un ensemble globalement assez déséquilibré.
Une tendance à la répétition et à l’essoufflement – Au fil des tomes, une certaine lassitude s’installe, avec des situations ou des thèmes qui reviennent et s’essoufflent ; et un fil rouge (comment Gotham s’en sortira ?) qui a du mal à avancer de façon cohérente, surtout dans les volumes les plus récents où la structure anthologique nuit à la progression de l’intrigue principale.
Un développement inégal des personnages – Certains personnages, qu’ils soient principaux ou secondaires, manquent de profondeur ou sont sous-exploités (comme l’Epouvantail ou Nicholas Scratch), ce qui limite l’impact de certaines histoires ou de certains antagonistes.
En résumé, No Man’s Land est une saga ambitieuse, originale et marquante, mais qui souffre de quelques défauts structurels et d’une qualité inégale sur la durée.
Évolution de la ville
Au fil des albums de NML, il nous est proposé des cartes de la ville, avec en légende les factions contrôlant la cité en ruine… Sans être parfaitement lisibles ou réalistes, ces cartes permettent de donner de la profondeur au lore, et augmentent l’immersion dans la cité ravagée.




Comme beaucoup de villes dans l’univers de DC Comics, Gotham City est une ville imaginaire (même si elle était autrefois largement inspirée de New York). Toutefois, elle est la seule à avoir un représentation qui la rend plus tangible que n’importe quelle autre ville fictive : une carte officielle !
En fait, l’on devrait plutôt dire « des » cartes, car évidement, chaque auteur et chaque média a eu l’occasion de se l’approprier et de la modifier à sa guise. Toutefois, Gotham City a bien eu droit à une carte précise et cohérente, dessinée par Eliot R. Brown à l’occasion de… la saga No Man’s Land, précisément ! En effet, celle-ci fut réalisée afin de servir de « bible » à l’ensemble des créatifs qui participaient à l’évènement : elle permettait de localiser les environnements, les forces en présence, et les actions diverses en garantissant une unité de lieu.

Aprés ce gigantesque cross over, la carte de Brown est devenue canon, et l’on situe souvent Gotham City dans l’état du New Jersey, non loin de Métropolis. S’inspirant largement de Manhattan, Gotham est donc une cité s’étalant sur quatre grandes îles (et de multiples plus petites). Elle est dotée de parcs, de quartier chics, de zones résidentielles, de docks, de quartier d’affaire, mais aussi de quartiers pauvres (les Narrows) et d’un China Town. On y trouve des sites marquants tels que ACE Chemical2, la Tour Wayne, le pénitencier de Black Gate et bien sûr l’asile d’Arkham !
Gotham City est reliée au continent par plusieurs grands ponts… qui sont centraux dans l’intrigue du très bon comics « Les Portes de Gotham« .
Sans entrer dans les détails, Gotham3 dispose évidement de sa propre histoire intradiégétique, histoire qui varie bien évidement d’un auteur à l’autre, mais dans laquelle l’on retrouve quelques constantes… Elle aurait été fondée par des mercenaire norvégiens, même si certains auteur y associent une origine plus sombre et gothique avec l’invocation d’un démon chauve-souris (tient donc !) par ses premiers habitants… Presque détruite durant la révolution américaine, elle fut reconstruite au XIXème siècle par 4 grandes familles : les Kane, les Crown, les Cobblepot et les Wayne. Plaque tournante du crime organisé depuis le début du XXième siècle, elle était contrôlée par deux familles mafieuses italiennes avant l’avènement de Batman : les Falcone et les Maroni.
Conclusion

Faut-il lire No Man’s Land ? Oui. Si vous êtes un adepte de Batman et de son univers, c’est un évènement incontournable dans le canon du Chevalier Noir, dont les répercussions auront marqué son histoire à jamais.
Est-ce un bon point d’entrée dans l’univers de Batman ? Non. La saga NML propose une variation forte dans une ville ravagée nimbée d’une atmosphère post-apocalyptique. Les personnages bien connus du lecteur se retrouvent dans des situations inédites ; mais pour être appréciées, elles nécessitent donc que le lecteur dispose d’un socle de connaissances de base solides.
La lecture est-elle agréable ? Ca dépend. La série est longue (plus de 2000 pages), très morcelée, signée de dizaines d’auteurs et mettant en scènes des personnages différents et suivants leur propre trajectoires (éditoriales et intradiégétiques). Le résultat est inégal, caléidoscope, très variable, où le très touchant frôle le très dispensable.
- Cela peut d’ailleurs surprendre, de pouvoir ainsi s’affranchir de plusieurs dizaines de publications sans constater de grosses lacunes de narration…[↑]
- Dans laquelle un accident créa le Joker.[↑]
- Le nom de « Gotham », qui est en réalité un surnom bien réel de New York, servirait à désigner les lieux peuplés d’idiots et de fous, suite à une légende anglaise du XIV siècle… Ainsi, Gotham City serait voulue comme étant littéralement une sorte d’asile à ciel ouvert imaginé par les premiers auteurs des aventures de Batman.[↑]