Préambule - Il vous est fortement suggéré d'avoir lu l'article Forever Evil #1 à #4 : quand le Mal devient routine, car le présent article en est la suite directe.
Le présent article fait suite à celui-ci qui passait en revue les 4 premiers fascicules proposés par Urban Comics à l’occasion du grand crossover Forever Evil.
Forever Evil était un event proposé par DC Comics à la fin de l’année 2013. Le principe était de faire disparaitre les principaux superhéros de la Terre, pour mettre à l’honneur les supervilains. La Justice League est ainsi remplacée par le Syndicat du Crime (leurs alter-égo d’une réalité alternative), rassemblant sous leur houlette les principaux vilains de l’univers DC… mais certains d’entre eux ne l’entendent pas de cette oreille.

Sans plus tarder, entrons dans le vif du sujet avec l’opus numéro 5…

Forever Evil #5
Le petit groupe instable mené par Luthor et Batman remportent une première victoire en anéantissant Power Ring (l’alter Ego de Green Lantern). Mais leur alliance est ô combien incertaine. Pendant ce temps, Steve Trevor s’évertue à ramener les superhéros de la Justice League et peut pour cela compter sur les (trop ?) nombreuses ramifications de l’organisation ARGUS.
Le cinquième tome marque enfin un basculement : la résistance s’organise, les héros – ou plutôt les anti-héros – se dessinent. La mise à mort de Power Ring par Sinestro donne au récit une intensité visuelle rare, une brutalité qui surprend. Pourtant, les arcs secondaires s’essoufflent : l’origine d’Ombrefine paraît aussi inutile que son personnage. Gotham, morcelée comme à l’époque de Batman : No Man’s Land, retrouve un souffle dramatique grâce aux Lascars, toujours plus humains que bien des justiciers. En revanche, Arkham War poursuit son chemin de croix : bruyant, anecdotique, hypertrophié, malgré l’arrivée des ergots de la Cour des Hiboux.


Forever Evil #6
Alors qu’ils investissent les ruines de la Tour de Garde, pour délivrer Nightwing toujours prisonnier du Syndicat, le groupe de Batman et Luthor se frotte enfin aux principaux membres du Syndicat du Crime ! Mais quel est ce mystérieux prisonnier, mis au secret au plus profond de la tour ? De son côté, Steve Trevor récupère enfin le moyen de contacter la Justice League originelle, tandis que les Lascars doivent faire face à leurs propres dissensions.
Le sixième recueil trouve enfin un souffle épique : tension, rythme et enjeux convergent. Luthor, Bizarro et Batman affrontent le Syndicat du Crime maléfiques dans une montée dramatique maîtrisée. Nightwing, condamné, ajoute beaucoup à cette tension (bien que sa situation – connecté à une bombe alien – n’ait en fait aucun sens…). Dommage que les sous-intrigues (Steve Trevor et son ARGUS1 surpuissant) paraissent toujours artificielles, grevées par des deus ex machina technologiques. Bane, quant à lui, reste caricatural, réduit à sa brutalité.
En revanche, la courte histoire sur Mr Freeze, en fin de volume, vient sauver l’ensemble : tragique, subtile, héritière directe du troublant tie-in « Premières Neiges » qui lui était dédié lors de l’apparition de La Cour des Hiboux (également présent dans l’anthologie qui lui est dédiée). Une respiration bienvenue.

Forever Evil #7
Proposant les issues US dans un ordre différent des précédentes publications, ce 7e recueil commence par conclure plusieurs sous-arcs avant d’aborder le point final de la trame principale.
Le groupe mené par Luthor et Batman est désormais introduit à l’intérieur des ruines de la Tour de Garde, véritable QG du Syndicat du Crime. Il tente de délivrer Nightwing désormais démasqué, tandis que Cyborg reprend le dessus sur Grid. En parallèle, Alexander Luthor retrouve ses pouvoirs.
L’épilogue déçoit. Là où le tome 6 promettait une apothéose, le septième expédie tout : les arcs secondaires se referment à la hâte, les Lascars s’en tirent en happy end et l’ARGUS disparaît sans véritable conclusion (à mon sens, cet arc était beaucoup trop connecté à des éléments du lore de DC Comics qui me sont inconnus). Alexander Luthor surgit de nulle part, simple prétexte à un combat spectaculaire mais vide de sens. La délivrance finale de la Justice League, pourtant attendue, manque d’ampleur, tout comme l’ouverture finale sur l’Anti-Monitor, anecdote cosmique de trop. Le grand chaos annoncé se résout dans une relative banalité, comme si la série s’épuisait d’elle-même
Vous n’avez pas su vous arrêter, d’un point de vue métaphorique comme littéral.
– Luthor
Comme indiqué dans l’article précédent, les dessins sont variables d’un récit à l’autre, mais restent homogènes et servent très bien le récit. Plusieurs illustrations en simples ou doubles pages sont époustouflantes (quelques exemples au fil de cet article), les actions sont toujours lisibles, et les compositions apparaissent parfois très inspirées.

Ces trois volumes clôturent la saga dans un mélange d’énergie et de lassitude. L’univers étendu de DC Comics s’y déploie avec une ambition folle, mais l’exécution s’étiole.
Forever Evil reste un event « bourrin et pop-corn », souvent spectaculaire, parfois émouvant, rarement cohérent. Entre Gotham en ruines, jeu de piste interdimensionnel et combats tourne-disques, la série a perdu la force de son idée initiale : celle d’un monde où le mal règne sans partage.
Reste un plaisir coupable, coloré, excessif ; un chaos dont les plus beaux éclats viennent, et ça restera une belle découverte pour moi, des Lascars.
- En fait, une sorte d’équivalent du « Shield » chez Marvel.[↩]





