Préambule - Il vous est fortement suggéré d'avoir lu l'article CdS #2 : Le secret devient chasse..., car le présent article en est la suite directe.
Alors que Crombie est retrouvé mort chez lui, vraisemblablement suicidé, Kevin est rappelé par la Maison-Blanche pour reprendre ses fonctions comme si de rien n’était. Une proposition trop belle pour être vraie, aussi se joint-il rapidement à l’enquête de Davis...
…Toujours à l’étude des circonstances de l’assassinat de Grosvenor (voir tome précédent), elle lui propose de s’envoler pour les Andes, lieu du meurtre, afin d’y enquêter de plus près.

Avec “Emprises”, troisième volet du Chant des Stryges, la série prend une direction inattendue. Corbeyran délaisse quelque peu le thriller urbain et l’action pour s’aventurer sur les terres du récit d’aventure. Ce déplacement géographique (des couloirs feutrés de Washington aux sommets andins) apporte un souffle visuel indéniable, mais fait aussi vaciller la cohérence du ton initial. Le mystère, jusque-là contenu, s’étire en une sous-intrigue plus dépaysante mais aussi plus floue.
Le scénario souffre de quelques facilités narratives : le voyage de Kevin et Davis paraît abrupt, tandis que les éliminations successives de Downey et Crombie coupent court à des pistes prometteuses (le lecteur espérera tout de même en apprendre plus dans les tomes suivants). Même la renaissance de Mélinda, tirée trop vite de la folie, semble manquer d’ancrage. En revanche, l’introduction de Graham, chasseur de stryges énigmatique et figure possible de l’archétype du gardien du seuil, ajoute à la tension ésotérique. Attention toutefois à ne pas s’y perdre…
Guérineau, lui, réalise un travail impeccable, très aboutis graphiquement. Son dessin s’adapte avec brio aux décors andins : grandes planches muettes, pluies diluviennes, visions cauchemardesques… La scène finale sous l’averse demeure un sommet d’atmosphère. Les stryges, toujours suggérés plus que montrés par un découpage intelligent, conservent cette puissance inquiétante née du non-dit et du clair-obscur.


Si Emprises fait vaciller le rythme de la série, il confirme aussi la solidité de son univers graphique et la volonté de Corbeyran d’en élargir les horizons. Une étape charnière, imparfaite mais entrainante, où la saga des Stryges prend un peu d’altitude avant d’y perdre peut-être un peu de son mystère ?
