Corsets et gros flingues dans le Paris des Merveilles

La série des Artilleuses est une petite série (3 tomes) que j’avais repéré il y a longtemps. Celle-ci m’a été offerte il y a peu, et je vous livre donc ci-dessous mon avis à son sujet…

Le Paris des Merveilles

Cette série se déroule dans le Paris des Merveilles.

Le Paris des Merveilles est un univers fictif se situant au tout début du XXième siècle, après la découverte de l’outre-monde quelques temps aprés la Renaissance. Dans cet univers, le monde que nous connaissons vit en harmonie (relative) avec les peuples imaginaires tels que les ogres, les gnomes, les satyres et autres elfes. La magie est aussi naturellement intégrée à cette société, dont le style est assez proche du steampunk. On peut ainsi y suivre nombre d’aventures différentes et originales, impliquant diverses factions hétéroclites, aux intérêts divergeants.

Ce monde de fantasy urbaine a été créé par l’auteur français Pierre Pevel. Plus qu’un univers fictif, c’est en réalité un véritable univers étendu. En effet, deux romans distincts y ont été écrit, avant la publication de la trilogie en BDs des Artilleuses. Mais on y trouve également plusieurs nouvelles, et un nouveau cycle de BDs actuellement en cours, qui adapte le premier roman (à savoir « Les Enchantements d’Ambremer« ).

Contexte

Pour ma part, j’ai toujours été attiré par la fantasy, j’aime bien le style de la fantasy urbaine, et j’ai également un faible pour le steampunk. Voulant éviter de lire une adaptation (un exercice toujours un peu périlleux), j’ai donc opté pour cette inédite série de BDs en trois tomes, les Artilleuses, que je m’en vais développer ci-dessous.

En bandes-dessinées, le Paris des Merveilles est édité par Drakoo, spécialisé dans les bandes-dessinées de l’imaginaire (fantasy et SF) décomplexées. Il s’agit d’une maison d’édition relativement récente, créée en 2019, dont le directeur de publication est Scotch Arleston (voir mes critiques qui lui sont liées). Le célèbre papa de Lanfeust de Troy fût un scénariste extrêmement prolifique chez les éditions Soleil (autrefois), avec de très bonnes BDs, et d’autres nettement moins… Personnellement, je le vois comme excellent en worldbuilding, mais pas toujours inspiré pour imaginer des histoires intéressantes ou des personnages profonds dans les univers qu’il crée. Ce poste chez Drakoo me semble – vu de loin – parfaitement lui correspondre.

Après cette trop longue introduction, entrons dans le vif du sujet…

Où sommes-nous ?

L’action se déroule en majeure partie, mais pas exclusivement, à Paris. Vous l’aurez compris, il s’agit d’un paris totalement fantastique, dans lequel les peuples imaginaires sont parfaitement intégrés. Ainsi, il n’est pas rare de croiser un gnome qui flâne le long de la Seine, un orc qui participe à l’approvisionnement d’une épicerie, un groupe d’elfes en goguette faisant du shopping sur les champs Elysées, ou encore une nuée de petits drakons qui jouent autour de la Tour Eiffel. Notez d’ailleurs que cette dernière n’a pas été conçue par le célèbre ingénieur français, mais offert par le royaume d’Ambremer à la France.

wp 1674318493818
Tome 1, première page

Le récit prend place en 1911. La France entretient de bonnes relations avec les principaux peuples de l’outre-monde, à tel point que la reine elfe Méliane prépare son jubilé qui se tiendra à Paris. Mais des tensions sont évidentes entre l’hexagone et l’Allemagne (nous sommes non loin de la première guerre mondiale, dont on ignore si elle aura lieu dans cet univers). La technologie en est donc au niveau de la révolution industrielle : machines à vapeur, poudre à canon, prémices de l’utilisation du pétrole, age d’or du chemin de fer, début des performances aéronautiques… Notez que dans le plus pur style steampunk, ces technologies sont néanmoins exagérées. A cela, la magie se mêle plutôt intelligement, bien que cette dernière soit relativement discrète dans le récit (ce qui n’est sans doute pas plus mal).

Forts de cet univers, faisons sans plus attendre connaissance avec nos héroïnes…

Les copines d’abord

Les artilleuses sont les protagonistes principales, et sont au nombre de 3 :

  • Lady Audrey Remington est une grande dame (qui a dit « noble » ?) anglaise. Tête pensante du trio, elle est plutôt calme, sur la réserve, et sait garder son sang froid en toutes circonstances. Adepte des toilettes compliquées mais aussi des déguisements et des faux-semblants, c’est également une magicienne redoutable.
  • Miss Kathryn Winchester est une américaine qui n’a pas froid aux yeux (ni ailleurs). Fonceuse et volontaire, dotée d’un certain sens du sacrifice, elle peut manifester des manières des cow-boys de son continent natal. Elle est dotée d’un étrange lézard tatoué au haut du dos, capable de prendre vie.
  • Mam’zelle Louison Gatling est la plus jeune. Difficile de faire plus parisienne qu’elle, puisqu’elle est une fée naturellement magiquement attachée à la capitale française (bien qu’elle ne manifeste pas de talents magiques particuliers). Tête brulée mais également sensible, elle est adepte des bombes et se sépare rarement de sa mitrailleuse rotative.
wp 1674318493836
Miss Winchester, Lady Remington & Mam’zell Gatling

Si chacune dispose d’un charadesign affirmé et d’un background au moins évoqué, l’on pourra regretter de ne pas en savoir davantage à leur sujet, leur rencontre, leurs exploits passés, mais aussi leurs aspirations et motivations individuelles.

A ses trois compères s’ajoutent de nombreux personnages plus ou moins secondaires, mais pour la plupart suffisamment développés pour manifester leurs propres personnalités et les rendre intéressants.

Au côté des artilleuses, nous trouvons le gnome Hugo Barillet, mécano en charge de tout l’a(r)tirail de nos héroïnes, qui ne se sépare pas de son chien-robot Tiboulon. Le faune précieux mais peu fiable Christofaros est leur client, tandis qu’elles pourront compter sur le bourru M. Grenat pour les héberger en cavale.

Au sein des forces françaises, c’est l’inspecteur Truchard des Brigades du Tigre1 , moustachu au regard bienveillant, qui est en charge de l’enquête, bientôt rejoint par le demi-troll Carposi, benêt à la force démesurée. Il croisera le chemin du capitaine Bormance, membre de l’énigmatique deuxième bureau.

En antagonistes peu subtils, les services secrets allemands sont menés par le colonel Eckermann, un ogre… est-il besoin d’en dire plus ? Il est épaulé par Drexler, son inquiétant homme de main qui se fond volontiers dans les ombres.

Coquetterie supplémentaire qui donne du corps au récit : certains éléments inanimés ont également des noms. Ainsi, Iphigénie est le nom de la mitraillette monstrueuse de Louison, Humphrey designe le tatouage animé de Kathryn, et même leur voiture se nomme la Fulgurante.

De nombreuses factions

Comme déjà évoqué ci-dessus, l’univers du Paris des Merveilles est riche, tant dans son originalité que dans ses factions (que l’on devine plus nombreuses que ce qui est exploré dans cette série).

L’on trouve d’abord les pays européens tels qu’ils étaient (à peu prés) il y a un siècle, en particulier la France et l’Allemagne dont les relations diplomatiques sont pour le moins tendues. Les USA sont également mentionnées. A ceux-là s’ajoutent les royaumes magiques de l’outre-monde, en particulier celui d’Ambremer. Ce dernier semble entretenir des relations privilégiées avec la France, sans que l’on en sache beaucoup plus, sinon que les nombreux peuples magiques de l’outre-monde sont monnaies courantes sur toute la surface du globe.

Mais dans cet univers, les factions ne se limitent pas aux nations. En effet, les Brigades du Tigres forment la police principale de Paris, et nous y suivons en particulier le département des affaires féeriques. Celui-ci peut s’appuyer sur l’aide des gendarmeries locales, mais se heurtera au mystérieux Deuxième Bureau, sorte de service secret spécialisé dans les relations avec l’outre-monde. L’Allemagne n’est pas en reste, avec ses propres services secrets, le 3B. Du côté des peuples magiques, Ambremer dispose d’une diplomatie secrète dirigée par l’elfe Laethian et doit également composer avec des indépendantistes plus ou moins agressifs.

Enfin, l’on peut mentionner les différents réseaux parallèles auxquels nos Artilleuses peuvent être plus ou moins connectés, entre trafics d’antiquités et zones de non-droit plus ou moins oubliées des autorités.

De quoi ça parle ?

Les Artilleuses forment un petit groupe de cambrioleuse aussi efficaces que peu discrètes. Expertes en armes diverses et disposant chacune de compétences complémentaires, elles louent leurs services aux plus offrants : enlèvements, vols, contrebandes et autres joyeusetés. Leurs motivation ? L’argent, bien sûr !

Mais lorsqu’elles sont missionnées pour dérober un étrange objet magique caché au plus profond d’une banque parisienne, elles ne se doutent pas du panier de crabes dans lequel elle mettent les pieds. Entre polices françaises et espions allemands, nos trois cambrioleuses seront forcées de fuir avant de tenter de comprendre les tenants et aboutissants du noeud coulant dans lequel elles ont mis le cou.

wp 1674318493788
Gros calibre & Bouclier magique

Avis général

L’ambiance générale et les thèmes abordés me rappellent les Arcanes du Midi Minuit, dont j’avais lu une dizaine de tomes, il y a maintenant une vingtaine d’années.

Cet article ayant pour vocation de vous offrir une vue d’ensemble, je vous renvoie vers les critiques unitaires de chaque album ci-dessous :

Néanmoins, voici en quelques points ce que j’ai pensé de ma lecture :

Bons points :

  • L’ambiance générale de fantasy urbaine et steampunk
  • Un univers riche et dense
  • De nombreux personnages intéressants
  • Un scénario complexe

Mauvais points :

  • Des dessins au arrière-plans parfois vides
  • Des compositions des planches peu inspirées
  • Des complications scénaristiques dispensables

Dans l’ensemble, j’ai été enchanté (c’est le cas de le dire) par cette lecture. Les personnages sont attachants, et l’on sent un univers profond et riche. Le scénario est complexe, surtout du point de vue de nos trois artilleuses, mais ne néglige certainement pas les scènes d’actions entraînantes et sans complexe. L’humour est également présent, par petites touches, dans une proportion tout à fait juste. Seul certaines vignettes vides et des compositions de planches assez peu inspirées viennent vaguement ternir ce tableau.

Mais clairement, c’est une lecture que je vous recommande chaudement !

En savoir plus…

Initialement, j’ai découvert l’univers du Paris des Merveilles dans cette interview de Pierre Perel, traitant de la dernière BD éditée qui s’y déroule.

  1. Brigades ayant réellement existes, fondée par Clémenceau.[]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.