Le Roi Méduse

Arthur est un enfant solitaire, vivant désormais seul avec son père.

Ce dernier est un être excentrique, mais néanmoins attachant. Craignant le monde qui les entoure, il enseigne à son fils de nombreux moyens de vivre en autonomie, cachés du monde et des gens extérieurs. Petit à petit, le père développe une sorte de paranoïa généralisée, tandis que son fils affiche de belles capacités dans presque tous les domaines physiques et intellectuels.

Vivants isolés dans leur maison déconnectée du reste du monde, ils se préparent à la lutte contre les mystérieux Dirigeants, en espérant l’aide des tout aussi mystérieux Alliés. Mais un jour, le père d’Arthur finit par disparaitre !

Couverture
Le titre (en haut à gauche) ne saute pas aux yeux

Loin, très loin de ma zone de confort habituelle, l’on trouve ce roi méduse1…!

Ne vous fiez pas à mon résumé du scénario (ci-dessus), car l’ouvrage est avant tout une expérience visuelle. De fait, le narrateur de ce récit est en fait Arthur, et tout nous est montré au travers de ses yeux d’enfant. Ainsi, c’est un artifice propice à de très nombreuses libertés visuelles (j’y reviens plus bas), mais c’est aussi brouiller la frontière entre la réalité intra-diégétique et la perception qu’en a l’enfant. Par exemple : son père est-il réellement un inventeur de génie, capable d’améliorer le corps humains dans un univers nettement teinté de SF ? Le marin Anémone, aux allures de pirate, habite-t-il vraiment avec son perroquet sur une ile artificielle ? La vieille dame, sa voisine, est-elle bien une incarnation démoniaque ? Ou bien s’agit-il du monde que se construit Arthur, et faut-il considérer tout cela au second degré, ou au travers d’un filtre ? Pas évident de trancher dans ce mélange de technologie et de magie très hétéroclite et peu cohérent… tout comme il est malaisé de comprendre où l’auteur veut nous emmener avec son récit ; et c’est certainement volontaire.

Car l’intérêt certain de l’album, ce sont ses illustrations ! Et c’est aussi la raison pour laquelle j’aurai certainement beaucoup de mal à détailler plus avant ma critique avec de simples mots !

Sur la forme, le style est très clivant (et je doit reconnaitre que je n’adhère pas trop). L’auteur emploie tantôt des éléments figuratifs et simples pour nombre de ses illustrations (par exemples, les visages sont parfois dépourvus de traits) tout en proposant tantôt des illustrations extrêmement détaillée 2, foisonant de dizaines de détails dans lesquels le regard du lecteur se perd plus ou moins volontairement. Libre de toute contrainte de cohérence, le dessin fait appel à tout le spectre des couleurs sur tous ses aspects, des bâtiments aux personnages, des objets aux paysages… et même parfois pour des illustrations purement abstraites. De même, toutes les formes géométriques sont convoquées, y compris pour donner aux personnages des allures de gnomes, de démons, de mannequins ou de robots… L’auteur use également très habilement avec de nombreux jeux de transparence.

Sur le fond, le dessinateur m’a subjugué par sa maitrise de très nombreuses techniques et artifices, lui permettant de faire passer un nombre incalculable d’informations ou d’émotions tout en ayant recours à très peu de mots… C’est clairement sur cet aspect que le Roi Méduse vaut vraiment le coup d’être découvert ! Et c’est clairement là que les mots me manqueront, donc.

Pratiquement chaque page propose des illustrations parfois étonnantes, parfois effrayantes, parfois époustouflantes, parfois anodines, mais toujours intelligentes ! Et l’on peut ainsi facilement se perdre de longues minutes dans chaque page3, ou y revenir pour découvrir de nouveaux éléments. Quelques exemples (illustrés ci-dessus) :

  • La maison d’Arthur est présentée sous la forme d’un plan en double page. Mais pas un schéma technique, plutôt une superposition de détails et de perspectives géométriques qui transmettent beaucoup plus d’impressions que d’informations ;
  • Pour symboliser la disparition du père et la tristesse d’Arthur, l’auteur utilise les ombres des persiennes d’une fenêtre : chaque bande claire fait deviner la silhouette du père, chaque bande foncée dessine Arthur, les deux personnages étant proches en pensées, mais séparées par le contraste et la géométrie du dessin ;
  • Arthur étant doté (a priori ?) d’écholocalisation, il est sensé pouvoir claquer la langue et se repérer aux rebonds du son, même dans le noir complet (à la manière des chauves-soursi). Cela nous est illustré par des vignettes en aplats de noir, mais striées de cercles concentriques blancs, ceux-ci étant interrompus pour nous laisser deviner les obstacles qui entourent le personnage…

Je pourrais ainsi ajouter de très très nombreux exemples à ma liste… Le résultat est une ambiance surréaliste, onirique, presque enivrante… On en vient à oublier le scénario et le but du récit, pour se plonger à corps cornée perdue dans chacune des 300 pages de l’album… pour un plaisir certain, non teinté d’une certaine mélancolie (qui se dégage de l’ensemble), brassant de manière anarchique la paranoïa du père, l’amour qui le lie à son fils (dans ses très nombreuses et touchantes imperfections), puis les conséquences de son absence.

Remerciements

Merci à Marie pour cette découverte, et le prêt associé.

En conclusion, un album très étonnant, à lire non pas pour son histoire, mais pour la somme des expériences visuelles qu’il propose, et l’ambiance qu’il parvient à dégager, hors de toute logique ou cohérence (qui me sont pourtant si chères).

  1. Dont le titre reste un mystère à la fin de ce premier album.[]
  2. Fourmillant de nombreuses références, dont je n’ai réussi à capter qu’une infime partie, j’en suis sûr.[]
  3. J’avoue que j’ai tout de même essayé de limiter le temps passé sur chaque illustration.[]

Notes

Scenario : 4 / 10
Dessin : 2 / 10
Ambiance : 8 / 10
Note moyenne : 4.7 / 10

En savoir plus sur l'album...

Album : Le Roi Mésduse

Type de BD :

Editeur :

Parution : janvier 2024

Lien : Site officiel

Taille : 288 pages

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