Initialement, j’avais découvert cette bande dessinée dans la vidéo de fin d’année du Fils de Bulle, un vidéaste qui propose des analyses de BD plutôt poussées (les analyses, et les BDs). Il évoque « La Couleur des Choses » à la 5eme minute, et le concept de la BD m’avait immédiatement interloqué. Mais rassurez-vous, j’y reviendrai, sur ce concept…
Lorsque j’ai commandé ladite BD dans l’une de mes librairies, j’ai découvert qu’elle avait été nommée au festival d’Angoulême ! Le temps que l’album m’arrive et que je m’y plonge, il avait remporté le « Fauve d’or », soit le grand prix du Festival en 2023 (notez qu’il a également remporté de nombreux autres prix dans l’univers de la BD) ! Rien que ça.
Synopsis
La Couleur des Choses raconte les aventures de Simon, un jeune anglais rondouillard, dont la vie n’est pas toujours simple du haut de ses 14 ans. Entre une mère qui peine à joindre les deux bouts, et un père accroc aux courses hippiques, il ne peut que difficilement s’évader à l’extérieur, où des gamins des rues peu fréquentables le prenne régulièrement à partie.
Un jour, pourtant, une voyante donne à Simon le résultat de la prochaine course de chevaux. Celui-ci vole alors 1000 livres sterling à son père et s’empresse de les parier… ce qui lui en fait gagner plus de 16 millions ! Pour encaisser le pactole, étant mineur, il ne lui manque que la signature de l’un de ses parents… Mais à son retour chez lui, son père a disparu, et sa mère a été très violemment agressée et se trouve désormais entre la vie et la mort !
Un concept novateur !…
Je l’évoquais plus haut : cette BD est avant-tout une BD-concept… au point que l’on pourrait se demander si l’on est véritablement en présence d’une bande dessinée !
En effet, au lieu des habituelles vignettes rassemblées en strips et en planches , présentant les personnages dans leurs environnements et les faisant échanger au moyen de phylactères, la Couleur des choses emploie… des schémas !
La plupart d’entre eux sont des vues zénithales (vues du dessus), qui permettent de se repérer facilement dans l’espace en montrant des représentation simplifiées du décors (végétations, murs, mobilier, objets divers, véhicules…) tandis que les personnages eux-même ne sont représentés que par de simples disques de couleurs (une légende permet de présenter chaque nouveau protagoniste important). En juxtaposant les schémas plus ou moins grands de ce type, et en y ajoutant les textes des dialogues de chacun, l’auteur reproduit d’une certaine façon le principe des vignettes qui se succèdent, et nous permet de suivre l’action de manière très novatrice !
Mais les schémas de la BD ne s’arrêtent pas là. De nombreux autres représentations schématiques permettent d’apprécier des trajectoires (parfois directement sur des plans ou des cartes), d’évaluer des quantités et des proportions, de zoomer sur tel ou tel aspects (un gâteau, un ticket de caisse…), voire de partir dans des représentations un peu psychédéliques, lorsque les protagonistes rêvent par exemple…
Si tout cela peut sembler déstabilisant, il n’en n’est rien ! La lecture est en réalité très fluide (en témoignent les très nombreuses critiques littéraires, dont une bonne partie qui n’est pas spécialiste de la BD).
En réalité, la Couleur des Choses réalise avec succès un numéro d’équilibrisme, entre BD et roman. Beaucoup plus visuel que ce dernier, l’album laisse toutefois énormément de place à l’imagination du lecteur, bien plus que ne le permet une bande dessinée plus traditionnelle.
… et une histoire qui n’est pas en reste
Au delà du concept de la BD, qui constitue déjà à lui seul une excellente raison de s’y plonger, le scénario n’est pas oublié. Dans une ambiance un peu cynique mais plutôt réaliste, nous suivons les déboires du jeune Simon, auquel l’on s’attache sans peine, malgré la forme de l’ouvrage (rappelez-vous : cela reste un disque orangé !).
Parfois tendre, parfois cruel, et non dénué d’un humour presque un peu absurde (je pense évidement à la baleine), le récit tient en haleine tout au long des 200 pages, et évite les facilités avec brio, usant parfois d’ellipses de temps surprenantes mais compréhensibles. Et si certaines portes resteront ouvertes, n’appelant pas de second tome pour autant, la conclusion est tout à fait satisfaisante.
En bref, une excellente surprise, et une expérience de lecture très originale, que je recommande !
