Bruxelles vs Marcinelle : Deux visions fondatrices de la BD

Entre les années 1940 et 1960, deux écoles graphiques majeures ont façonné le paysage de la bande dessinée franco-belge : l’école de Bruxelles, incarnée par la ligne claire d’Hergé, et l’école de Marcinelle, portée par le style atome de Jijé et Franquin. Ces deux courants esthétiques et narratifs (qui portent les noms de leurs lieux de naissance), sont apparus dans des contextes éditoriaux différents (le Journal de Tintin pour le premier, Spirou pour le second) et proposent des approches relativement divergentes en matière de graphisme, de ton et de narration.

Aujourd’hui, je vous en propose une petite comparaison…

(Auteur inconnu)

Nota bene

Cet article m’a été inspiré par cet ancien commentaire vieux de 13 ans, qui était pourtant resté dans ma mémoire et continuait de me travailler… D’où mon envie de rédiger cette synthèse comparative.

L’école de Bruxelles : la rigueur au service de la lisibilité

L’école de Bruxelles, également désignée sous le terme de « ligne claire », se distingue par sa volonté de lisibilité. Popularisée par Hergé (Tintin) et perfectionnée par des auteurs comme Edgar P. Jacobs (Blake & Mortimer) , elle repose sur une certaine économie graphique : traits nets, absence d’ombres, aplats de couleurs, et bulles rectangulaires.

Le découpage reste classique, privilégiant les plans continus et une composition régulière. Cette mise en scène sert un propos souvent réaliste, voire sérieux, où l’aventure se double d’une quête de précision documentaire. Ce style vise à « effacer » l’auteur au profit d’un récit clair, presque « objectif », où chaque élément visuel est au service de l’histoire.

L’école de Marcinelle : énergie, mouvement et modernité

À l’opposé, l’école de Marcinelle revendique un dynamisme graphique et narratif. Surnommé « style atome », ce courant initié par Jijé puis popularisé par Franquin (Gaston), Morris (Lucky Luke) ou Peyo (les Schtroumpfs), emploie des bulles rondes, des ombrages marqués, des dégradés ou cell-shading, et une composition plus libre et irrégulière.

L’univers graphique y est caricatural, parfois futuriste, souvent fantaisiste. Le ton se veut résolument moderne et humoristique, plus en phase avec les préoccupations de la jeunesse d’après-guerre. Le récit s’affranchit des conventions réalistes pour explorer des mondes burlesques, rythmés par des changements constants d’échelle et de tempo visuel.

Tableau comparatif

Bien sûr, les deux écoles ne sont pas totalement étanches, et le sont désormais de moins en moins. Mais pour fixer les idées, voici un petit tableau comparatif :

ÉlémentsÉcole de BruxellesÉcole de la Marcinelle
SurnomLigne claireStyle atome, ligne sombre
JournalTintinSpirou
BullesRectangulairesRondes
Narration et tonRéaliste, sérieux, classiqueFantaisiste, moderne, enjoué
Style de dessinCrédible, voire réalisteCaricatural, moderniste, futuriste
OmbresAbsentesPrésentes
CouleursAplatsDégradés ou cell shading
HachuresNonÉventuellement
CompositionNormée, classique, régulièreIrrégulière, audacieuse
DécoupagePlans continusChangements de valeur de plan
ExemplesTintin, Blake et MortimerAstérix, Spirou, Lucky Luke
MaîtresHergéJijé, Franquin
AuteursEdgar P. JacobsMorris, Peyo, Will, etc.

Ajoutons que les dénominations de ces deux écoles furent postérieures à leurs apparitions.

Bibliographie

Ci-dessous les sources employées pour rédiger cet article :

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