Sénatrice ayant pris à bras le corps le scandale monumental des agissements de la WW2A (analyses ADN non autorisées, injection de nanotraceurs – voir l’album Fouad), Délia n’en est pas moins une mère débordée dont l’ex-mari développe depuis peu un goût pour divers groupes sectaires en lien avec la théorie récemment révélée des Alter Ego.
Alors qu’elle mène une commission sénatoriale d’enquête sur l’immense organisation ourdie par Urasawa (voir Alter Ego Saison 1), ses filles sont embrigadées dans un mouvement occulte, délocalisé hors des USA et dirigé par Noah !

Avec ce nouvel opus centré sur Délia, la série Alter Ego poursuit son exploration ambitieuse des ramifications politiques, sociales et personnelles de la découverte des doubles d’ADN, les Alter Ego. Mais à l’inverse de l’arc de Gail (autre album de cette seconde saison de la série), dont il constitue la suite indirecte, cet album peine à maintenir un vif intérêt pour ses intrigues multiples.
Le récit alterne entre quatre sous-intrigues : l’enquête de la commission sénatoriale1 (au déroulé haché), la récupération des filles de Délia, l’affaire des sénateurs assassinés (qui annoncent sans doute le climax du dernier tome) et sa quête personnelle autour de sa sœur jumelle (cousue de fil blanc). Si chacune dispose de son intérêt propre, l’enchaînement manque parfois de fluidité et donne une impression de succession forcée d’épisodes. Certains pans, comme le sauvetage des enfants, se règlent avec une facilité scénaristique désarmante.
Mère débordée, ex-femme blessée et sénatrice sur tous les fronts, le personnage de Délia gagne toutefois en épaisseur tout au long de l’album. À l’instar de Gail, son cheminement personnel part d’un scepticisme initial pour aboutir à une confrontation avec la réalité des Alter Ego. La romance esquissée avec Doug, agent du FBI et responsable de la sécurité de la commission sénatoriale, ajoute une touche humaine plutôt bienvenue à l’ensemble. Mais l’on pourra regretter la (trop grande) ressemblance entre l’évolution de Délia et celle de Gail même si l’évolution de cette première est plus lente et crédible :
Etapes | Délia | Gail |
---|---|---|
Position initiale | Refuse de croire aux Alter Ego | Refuse de croire aux Alter Ego |
Déclencheur | Enlèvement de ses filles | Accident de voiture |
Rencontre décisive | Jason | La mystérieuse ange gardien |
Preuves | Découverte de sa sœur jumelle | Un milliardaire chinois |
Climax | Hôtel des ambassadeurs | Hôtel des ambassadeurs |
Graphiquement, Délia maintient le niveau homogène de la série, malgré un changement notable de cover artist. Si les yeux de Délia apparaissent souvent un peu disproportionnés, ils permettent des jeux de reflets intéressants avec la lumière ambiante. Notons que l’annexe de l’album nous indique que plusieurs artistes se sont répartis les dessins de l’album, en particulier le traitements séparés des personnages et des décors.

Pour en savoir plus sur les différents métiers de la BD, je vous renvoie vers un prochain article, publication à venir. (N’hésitez pas à vous inscrire à la newsletter du blog pour en être informé.)
Le protagoniste principal de l’album s’éloigne de la dynamique des « outsiders » de la saison 1 pour s’ancrer dans une thématique de pouvoir : ONU, sénat, FBI. Délia est plus proche de Gail que de Fouad ou Camille, ce qui confère au récit un sérieux parfois pesant mais cohérent avec la gravité des enjeux.
L’un des fils rouges thématiques de l’album reste le jeu d’équilibre entre croyance et réalité. Délia incarne ce tiraillement constant entre rationalité politique, instincts maternels et effondrement de ses certitudes. La critique sous-jacente des dérives sectaires (qui seront certainement plus détaillées dans l’album Teehu) et du pouvoir scientifique dévoyé (WW2A) donne à l’œuvre une résonance contemporaine bienvenue.
En résumé, ce volume offrira au lecteur une plongée dans les arcanes du pouvoir et les limites de la science, malgré un scénario un peu trop éclaté.
- A l’origine de la mission de Gail.[↑]