Fukamachi est de retour au Népal, et compte bien retrouver Habu Joji qui a occupé autant son esprit que ses recherches, durant ces derniers mois. Espérant en apprendre plus sur ses projets en cours, il espère également récupérer le fameux appareil photo… Celui-là même qui pourrait bien avoir appartenu à Mallory, disparu au début du XXème siècle en tentant d’escalader l’Everest.
Bientôt rejoint par Ryoko, cette dernière est alors enlevée ! Fukamaci et Habu se retrouvent ainsi alliés d’infortune…

Après deux premiers volumes marqués par la puissance des flashbacks et – dans une moindre mesure – la tension dramatique autour de l’appareil photo de Mallory, ce troisième tome amorce un virage inattendu et la série perd un peu de son souffle initial. Passé le prologue consacré à l’ascension d’Irvine et Mallory, le récit plonge directement dans les recherches de Fukamachi au Népal. La continuité avec le premier tome est évidente, mais le nombre des personnages et l’absence de rappels rendent parfois difficile l’immersion si l’on n’a pas enchaîné la lecture.
Ces nouveaux protagonistes apparaissent comme des figures surtout fonctionnelles, tandis que les personnages déjà établis — Fukamachi, Habu et Ryoko — conservent toute leur richesse. Le basculement vers le thriller en milieu d’album surprend, mais l’histoire ne parvient pas vraiment à nous embarquer, tant certains artifices narratifs, comme l’usage de la turquoise (en set up un peu maladroit, même si le pay of sera certainement dans le tome #4), paraissent un peu forcés.

Visuellement, le tome reste fidèle au style réaliste et détaillé de la série (loin des clichés typiques du manga, pour mon plus grand bonheur), mais avec moins d’ampleur. Le charadesign demeure solide, cependant la mise en scène privilégie l’action au détriment des contemplations qui faisaient la force des premiers volumes. Les paysages de montagne, réduits à l’arrière-plan, laissent place à une narration plus dynamique mais moins envoûtante.
Notez que j’ai toujours un peu de mal avec la taille des phylactères et cartouches verticaux (déjà évoquée lors de ma découverte des mangas), adaptés à la calligraphie japonaise, mais dont les traduction françaises font peine à voir en occupant peut-être 1/6e de la surface des espaces en questions.
L’abandon des retours en arrière, marque de fabrique des deux premiers tomes, modifie profondément l’atmosphère. Là où l’on contemplait la grandeur de l’Himalaya et l’écho des drames passés, l’accent est mis désormais sur l’urgence, le suspense et un romantisme assez maladroit. Cette orientation donne un souffle plus immédiat, mais aussi plus convenu, moins habité par la dimension mythique de l’alpinisme.
En ce sens, ce troisième volume tranche nettement avec le premier tome et même avec le deuxième, qui portaient une aura plus contemplative et mémorielle. Ici, l’histoire tente une mutation de ton, au risque de perdre une partie de son intensité poétique.