Darius est un homme brisé, ayant perdu sa femme et son fils dans un accident dont il est responsable… Mais il décide de se racheter en s’engageant en tant qu’ange gardien.
Désormais, et pour une raison mystérieuse, il lui est confié la mission de veiller et protéger Bram. Pour cela, Darius déménage à Los Angeles et se fait passer pour un innocent voisin de palier… Mais Bram se révèle être un jeune homme violent, stupide, et méchant, en dépit de la douce Heather à ses côtés.

Cet album de la série-puzzle Alter Ego s’impose comme un des sommets narratifs de la série. Le récit s’ouvre in media res, plongeant le lecteur sans préambule dans une course poursuite efficace. Puis, très vite, un jeu de flashbacks dévoile peu à peu les contours du drame personnel de Darius, puis une mission énigmatique : protéger un être aussi abject que Bram. Ce contraste nourrit une tension dramatique constante.
La découverte de la société Winguard, spécialisée dans la protection des « alter ego » de personnalités influentes, injecte une dimension techno-sociale intrigante, en filigrane d’un thriller psychologique au rythme tendu. Le mystère plane : pourquoi protéger ce salaud ?
La force du tome réside dans son personnage principal : Darius, colosse iranien rongé par la faute, ex-policier reconverti en ange gardien clandestin. Loin des archétypes du justicier (mais proche de l’archétype de l’aidant), il agit sans gloire, sans haine, par vocation. Ce paradoxe moral – protéger l’impardonnable Bram – structure l’album autour de la question du rédempteur sans cause.
La relation avec Suzanne, supérieure distante, et les rares échanges avec Heather, offrent des respirations dans un récit globalement pessimiste et mélancolique, porté par une ambiance visuelle singulière.
Le dessin réaliste et simple, toujours efficace, soutient une narration tendue et fluide. Une mention spéciale à la course-poursuite introductive au coucher de soleil sur Los Angeles, séquence muette d’une intensité rare, baignée de tons orangés qui subliment la mélancolie du récit. Le charadesign, quant à lui, est expressif et donne à chaque personnage une silhouette immédiatement identifiable.
Je ne suis pas sûr, mais il me semble que lors de ma toute première lecture de la série, c’est par ce tome que j’avais commencé. Il est particulièrement lié à l’album Camille, et je recommande donc sa lecture plutôt après celle de Darius.