Succession d’historiettes pouvant faire 1 à une demi-12aine de pages, Imbattable, le super-héros capable de se déplacer littéralement de case en case, continue d’affronter les accidents domestiques, les voleurs sans scrupules, les super-vilains aux pouvoirs surpuissants mais aussi les petits tracas du quotidien.

Dans la continuité des deux tomes précédents, ce nouveau volume d’Imbattable affirme plus que jamais son statut de laboratoire narratif à ciel ouvert. Le héros à la bedaine s’ancre avec malice dans son concept de “super-héros de la bande dessinée”, utilisant les codes du médium pour vaincre les antagonistes… et les contraintes de la page.
Cette fois, l’auteur pousse encore plus loin les expérimentations formelles :
- Le professeur Atomax fait apparaître un robot capable de générer des ondes gravitationnelles traversant les planches en défiant la grille classique.
- Une factrice invente une machine superposant deux strips distincts, créant un effet de double lecture simultanée aussi complexe à décrire qu’agréable à suivre.
- Invincible, voleur capable de modifier les cartouches de narration en temps réel, joue avec les unités de temps et de lieu de l’historiette qui lui est dédiée.
Ces trouvailles participent avec brio à une réflexion ludique et pertinente sur les limites et la plasticité du neuvième art.

Au-delà de la virtuosité graphique, l’album réussit à surprendre par un moment d’émotion sincère. Le récit consacrée à l’officier Jean-Pierre, veuf discret poursuivant un jeune tagueur, introduit un fantôme dessiné en… vernis sélectif ! Ce procédé astucieux (presque invisible si l’on n’y prête pas attention, cf. image ci-contre) sert la narration mais donne également un relief (!) inédit à une scène touchante, délicatement insérée au sein d’un univers comique et absurde.
En revanche, d’autres tentatives, comme l’intrusion des personnages dans le monde réel, restent plus anecdotique, pour ne pas dire complètement ratée…
Le style graphique reste fidèle à l’identité de la série : ligne claire, couleurs franches, charadesign immédiatement reconnaissable (saluons celui paradoxalement original de Invincible). Même dans les séquences les plus conceptuelles (en particulier celle du double-scripts), la lecture demeure fluide et intuitive ; une gageure technique saluée à juste titre.
La galerie de personnages secondaires s’étoffe aussi avec justesse : la factrice, Invincible ou encore le professeur Atomax enrichissent le microcosme d’Imbattable sans jamais surcharger la narration. L’on regrettera peut-être un peu l’absence des personnages introduits dans les tomes précédents (le Plaisantin, …
En bref, ce troisième tome d’Imbattable parvient à renouveler son concept sans s’y enfermer. En alternant gags efficaces, surprises visuelles maitrisées et même quelques instants de tendresse, l’album démontre que le potentiel du médium, manipulé avec intelligence, reste infini.