Noah est le fils du président des Etats-Unis. Rien que cela. Beau gosse. Il n’en est pas moins ambitieux et peu moral.
Un jour, il lui est imposé un mystérieux protocole, nécessitant de le mener aux 4 coins du monde pour des raisons tout aussi floues que sa soi-disant santé…
Mais l’effet est inverse. Quoi qu’on lui ait fait subir, Noah sombre dans une dépression aussi profonde que fulgurante… Est-ce à cause de ces personnes qui lui semblent liées, sans qu’il ne sache pourquoi ?

Ce tome « Noah » s’inscrit dans la continuité d’une fresque chorale ambitieuse, mais il constitue indéniablement l’un des maillons les plus faibles du puzzle narratif. Le scénario, embrouillé et lacunaire, s’appuis énormément sur la connaissance préalable du lore de la série (la résidence des Bermudes, les entités, les puces de localisation…). Sans cela, le lecteur risque d’être condamné à une errance frustrante dans un récit décousu, où le protagoniste, pourtant présenté comme le fils du président des USA, suit trop passivement un protocole obscur sans jamais en interroger les fondements (du moins dans la première partie).
Noah est sans doute le seul personnage principal antimatique et véritablement immoral de toute la série ; et c’est notable. Ce choix de mise en scène radical ne manque pas d’intérêt, en ce qu’il dérange et trouble, notamment par contraste avec les autres tomes plus empathiques. En miroir, la trajectoire de Zélia aurait mérité plus d’épaisseur (et son traitement est même carrément dérangeant) ; elle aurait pu représenter une part du contrepoids émotionnel du récit, mais c’est un rendez-vous raté.
A cela s’ajoutent des faiblesses structurelles supplémentaires, comme :
- Une progression erratique du récit et des enchaînements artificiels
- Des dialogues peu marquants
- Une intégration laborieuse des enjeux de la série-mère
Soulignons un lien particulièrement fort avec les albums Fouad et Park.
Sur le plan graphique, Noah déçoit. Les planches, d’un classicisme sans éclat, manquent cruellement de souffle. L’absence de panoramas et la simplicité du trait nuisent un peu à l’immersion. Et si le charadesign reste globalement efficace, il peine à rattraper l’austérité d’un découpage pauvre en ambitions visuelles.
La tension psychologique, diffuse mais réelle, est sans doute l’élément le plus abouti de l’album. Ce sentiment de malaise, accentué par le décalage entre un dessin simple et un fond moralement glauque, reste en mémoire. Mais il aurait gagné à être mieux mis en scène.