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  • Moréa #2 : Miami, immortalité et menaces angéliques

    Moréa #2 : Miami, immortalité et menaces angéliques

    Désormais à la tête de la DWC, Morea est partagée entre les entraînements que lui fait subir le chevalier Terkio, et son attirance croissante pour Théo.

    En parallèle, dans l’un de ses laboratoires, une bactérie révolutionnaire est mise au point. Elle pourrait permettre la terraformation rapide de la planète Mars, et assurer un bel avenir pour l’humanité. Évidemment, les Anges ne sont pas loin et veulent empêcher une telle avancée. Moréa va donc devoir intervenir, en tant que Dragon.

    Le second tome de Moréa poursuit son exploration des luttes entre Dragons et Anges avec une efficacité certaine, mais sans parvenir à pleinement surprendre. Les protagonistes assument désormais leur statut d’immortels, jouant avec cette donnée dans des scènes d’actions audacieuses et souvent amusantes, mais les rebondissements se révèlent souvent prévisibles. Les dialogues, fluides et dynamiques, souffrent aussi de quelques formules attendues.

    La belle rousse reste centrale, écartelée entre ses responsabilités et ses sentiments, tandis que Terkio, chevalier atypique, enrichit le récit de jurons savoureux. Jeeves, le majordome, dévoile sa véritable nature draconique sans surprise, confirmant une écriture qui privilégie la lisibilité à l’effet de révélation. Quant à Théo, il demeure un catalyseur sentimental plus qu’un acteur majeur de l’intrigue (pour l’instant ?).

    Après Cuba, l’intrigue s’installe également à Miami, offrant un nouveau décor balnéaire qui accentue le contraste entre les enjeux inquiétants et un environnement (plus ou moins) paradisiaque. Cette cohérence chromatique contribue à une ambiance lumineuse et homogène, qui fait partie des qualités de la série. Son univers continue d’ailleurs de s’étoffer, notamment par un détail frappant : les États-Unis sont ici décrits comme une dictature religieuse, donnant une (légère !) coloration politique inattendue.

    Ce deuxième album confirme Moréa comme série de science-fiction basiques, agréable mais peu cérébrale. Contrairement au premier tome, il laisse une fin totalement ouverte sur le tome #3 !

  • Star Wars : le projet « Ombres de L’Empire »

    Star Wars : le projet « Ombres de L’Empire »

    En 1996, nous sommes plus de 10 ans aprés la sortie de Star Wars Episode VI (Le Retour du Jedi) et 3 ans avant la sortie de Star Wars Episode I (La Menace Fantôme). L’univers étendu moderne commence doucement à germer, mais reste cantonné aux ultra-fans de la saga. Et globalement, si Star Wars à largement marqué les esprits, la trilogie1 commence un peu à dater et le grand public est passé à autre chose (s’il savait ce qui l’attend…!).

    Le principe

    En 1996, donc, Lucasfilm se lance dans un projet étonnant : faire tout comme s’il y avait un nouveau film Star Wars… sans sortir de film ! Nommé « Les Ombres de l’Empire », cette histoire se décline sur plusieurs médias, en particulier :

    • Un roman (écrit par Steve Perry) ;
      • Egalement disponible en roman-audio ;
      • Aussi décliné en roman jeunesse ;
    • Une bande dessinée (scénarisée par John Wagner et dessinée par Killian Plunkett et John Nadeau)
      • Editée aux USA en 6 fascicules ;
    • Un jeu vidéo (par LucasArts, sur Nintendo 64 et PC)

    Et à cela s’ajoute une foultitude de produits dérivés (comme pour la trilogie) : figurines, maquettes, cartes à collectionner, micro-machines, bande originale…

    Les Ombres de l'Empire : le romane et le comics
    Le Roman et le Comics (collection perso)

    Un film sans film

    Il est important de bien comprendre que l’histoire des « Ombre de l’Empire » n’est pas centralisée sur un support (par exemple le roman) dont les autres média ne seraient qu’une adaptation ou une transposition.

    Le récit a bien été imaginé pour être décliné sur plusieurs médias relativement autonomes, en étant adapté à chacun des supports. Le roman permet de mieux comprendre les personnages et leurs plans compliqués, surtout Luke, Leia, Vador et Xizor, tandis que Dash Rendar et Boba Fett ont un rôle plus réduit. La bande dessinée montre surtout des scènes d’action comme des combats et suit en particulier les aventures de mercenaires comme Boba Fett, ainsi que l’agent Jix. Le jeu vidéo, lui, fait vivre des moments d’action en jouant un seul héros, Dash Rendar, avec des vidéos qui expliquent le reste de l’histoire.

    De ce fait, c’est globalement la même trame scénaristique qui est racontée, mais avec des prismes différents et des péripéties supplémentaires, plus ou moins détaillées. Ainsi, pas besoin de tout acheter pour comprendre l’histoire. Mais inversement, chaque support offre une expérience différente et complémentaire. Avec toutefois un revers de la médaille : des « trous » scénaristiques peuvent apparaitre dans un support donné… car bouchés dans un autre média.

    Et toujours – volontairement – sans film central !

    La bande-originale par Joel McNeely2 :

    Ce que cela raconte ?

    Faisant le lien entre les épisodes V et VI (au cinéma) de Star Wars, les Ombres de l’Empire suivent plusieurs arcs parallèles. Ceux-ci gravitent autour de la livraison de Han Solo (congelé dans un bloc de carbonite) au criminel Jabba le Hutt :

    • Boba Fett, le chasseur de prime, compte bien être payé pour ladite livraison, mais devra faire face à ses « confrères » dans le domaine ;
    • Aprés voir reconstruit un sabrelaser, Luke Skywalker tente d’arracher Solo à Fett, avant d’être impliqué dans le vol des plans de la seconde Etoile Noire de l’Empire ;
    • Léia tente également de retrouver Han, puis infiltre l’organisation criminelle du Soleil Noir, afin d’y trouver des réponses à ses questions ;
    • Vador veut retrouver Luke vivant, et conserver les faveurs de l’Empereur ;
    • Le prince Xizor (un nouveau venu !), patron du Soleil Noir, souhaite tuer Skywalker, afin de discréditer Vador.

    Je vous conseille cette excellente vidéo sur YouTube pour avoir un synopsis de l’histoire, mais également en apprendre plus sur le projet des « Ombres de l’Empire » :

    Remarque

    Dans la chronologie Star Wars, nous sommes en pleine époque impériale… De ce fait, Luke est (a priori) le dernier chevalier Jedi ; et Vador et l’Empereur sont les derniers Sith. Compte tenu des situations narratives des épisodes V et VI (en film), ces personnages ne peuvent pas se croiser dans les Ombres de l’Empire (au risque de faire un mauvais fan service)…

    Par conséquent : aucun combat au sabrelaser dans le récit… et c’est rafraichissant, dans l’univers Star Wars !

    Vous pouvez retrouver mes critiques des comics3 relatifs aux Ombres de l’Empire ci-dessous :

    Bien évidement, puisque daté de la fin des années 90, ce projet fait partie de l’Univers Legends de Star Wars, qui fut complètement annulé par Disney lors de leur rachat de la franchise Star Wars.

    Conclusion

    A titre personnel, même si je trouve que la qualité finale de l’histoire proposée par le projet « Ombres de l’Empire » n’est pas des plus mauvaises mais sans atteindre des sommets non plus4, il faut reconnaitre que le projet était ambitieux, pertinent et audacieux. Et rien que pour cela, je tenais à l’évoquer sur le blog !

    Bibliographie

    Ci-dessous les sources employées pour rédiger cet article :

    1. Car, oui, Star Wars ce n’est qu’une trilogie à cette époque ![]
    2. Évidement écoutée lors de la rédaction de cet article ![]
    3. Oui, car il n’y en a pas qu’un, mais j’y revient dans les articles idoines.[]
    4. Notez que je n’ai jamais joué au jeu vidéo.[]
  • Cyberpunk ensoleillé dans Moréa #1

    Cyberpunk ensoleillé dans Moréa #1

    Dans un futur proche, Moréa travaille chez DWC, la compagnie d’un lointain oncle à elle. Lorsque survient un attentat qui tue ce dernier, Moréa ne doit sa survie qu’à sa nature de « dragon ». Se découvrant immortelle, prise entre deux puissances qui jouent avec l’humanité depuis des éons, elle se doit désormais d’infléchir le destin du monde vers celui de ses semblables : des humains du futur luttant pour un avenir radieux.

    Coup de chance, par le jeu des successions, elle est désormais à la tête de DWC, qui est l’une des mégacorporations les plus puissantes du monde. Mais Moréa a encore beaucoup à apprendre et comprendre …

    Tome 1

    Avec Moréa #1, Christophe Arleston à sa grande période (auteur également du cultissime Lanfeust, ainsi que de Ythaq par exemple) signe une incursion étonnante dans le registre du cyberpunk, ici baigné de soleil cubain. L’histoire se déroule à La Havane, au cœur d’une méga-compagnie où intrigues de bureaux et luttes de pouvoir dominent. Cette toile de fond confère à l’album une originalité notable, à mi-chemin entre dystopie et récit d’action lumineux.

    En quelques mots, ce premier tomes, c’est :

    • Une héroïne forte et femme d’action, mais parfois sexualisée de façon gratuite.
    • Un univers corporate marqué : bureaux, hiérarchies, successions et jeux d’influence.
    • Un mentor charismatique mais non dénué d’humour avec le chevalier Terkio.
    • Des personnages secondaires bien dessinés mais parfois stéréotypés (Nathan Doloniac, le triumvirat de la DWC, Adam…).

    A contrario, le scénario, bien que construit avec efficacité, reste assez flou dans ses enjeux. L’opposition entre anges et dragons, incarnant deux futurs possibles de l’humanité, intrigue mais soulève des questions sans réponses. Pourquoi ces futurs coexistent-ils ? Quel rôle jouent réellement les immortels comme Moréa ou Terkio ? Ces mystères nourrissent l’intérêt, mais peuvent aussi frustrer le lecteur.

    Graphiquement, l’album séduit par son charadesign, celui du personnage de Theo étant particulièrement réussi (à mon sens). Les couleurs chaudes restituent une atmosphère cubaine vivante et contrastent agréablement avec la froideur habituelle du genre cyberpunk. En revanche, certaines planches abusent de postures sexy peu justifiées pour Moréa.

    L’ensemble donne une BD popcorn : divertissante, vite lue, mais qui soulève plus de questions qu’elle n’en résout (ce qui n’est pas vraiment choquant pour un premier tome). La composition et le découpage se révèlent fonctionnels, sans surprise mais efficaces. En somme, un tome un qui installe des bases intrigantes (sans doute trop) et laisse présager une suite riche en affrontements d’ampleur, tout en assurant une lecture agréable .

  • Alter Ego – Saison 2

    Alter Ego – Saison 2

    Alter Ego est une série atypique car elle peut se lire dans (presque) n’importe quel ordre ! Récit chorale, il est proposé au lecteur de suivre un personnage différent par album, dans des péripéties qui se croisent et finissent par converger vers la conclusion. Thriller d’anticipation avec un soupçon de fantastique, il se décline en deux saisons de 11 tomes au total :

    • La saison 1 propose six tomes achroniques avant de lire le tome de conclusion ;
    • La saison 2 contient trois tomes également lisibles dans n’importe quel ordre avant l’ultime tome.

    Cette seconde saison est donc nettement plus courte que la précédente. Les deux sont séparée par 3 ans, tant d’un point de vue intradiégétique que du point de vue des parutions (2011 pour la saison 1, 2014 pour la saison 2).

    Alter egos & Entités

    En entamant ce second cycle, nous partons d’un postulat fort : le dernier album de la saison 1 divulguait au monde entier l’existence des entités et des alter ego !

    En savoir plus…

    Vous ne vous souvenez plus ce qu’est une entité ? Comment elle fonctionne ?

    Voyez ce paragraphe synthétique à ce sujet dans mon bilan de la saison 1.

    Dans cette saison nous est introduit toutefois une notion importante : l’existence des Alter Ego est considérée comme… une théorie ! Les preuves ne semblent pas convaincantes. Et certaines entités ne se comportent pas comme l’on s’y attendrait… S’agit-il d’erreurs ? De contre-exemples à la théorie ? Ou d’une mauvaise compréhension de celle-ci ? L’introduction de ces doutes est une excellente idée et un moteur puissant pour cette seconde saison : au delà de la réception par le grand public de cette notion, est-elle seulement fondée ? Bien sûr, les différents protagonistes auront différents avis, qu’ils soient de bonne foi… ou non !

    A ce titre, l’organisme de recherche Simorg poursuit tant bien que mal ces recherches en dépit de l’enquête en cours à son sujet. Avec le Pr Pancini à sa tête, il fera bientôt une nouvelle découverte fondamentale : les entités ne regroupent pas que les humains conçus au même instant… mai aussi l’ensemble des êtres vivants ! A ce titre, les personnes liées à de gros mammifères doté d’une forte longévité peuvent survivre malgré la mort de tous leurs alter egos. Cette découverte permet ainsi d’expliquer les incohérences intradiégétiques (volontaires) qui entourent la théorie.

    Une société divisée

    Cette saison 2 nous présente un monde divisé, après la révélation de l’existence des alter egos. Globalement, trois courants dominent…

    Il y a ceux qui rejettent la théorie, soit par idéologie, soit par manque de preuve. C’est le cas de Délia mais également de Gail. Notez que dans le cas de ces deux protagonistes, il n’est pas réellement expliqué pourquoi ils ont tous deux adopté cette position relativement tranchée. L’on comprend à demi mot que Gail à pour mission d’invalider la théorie, ce qui l’oblige sans doute à adopter cette position de départ (malgré sa nature de scientifique). Mais aucune explication pour Délia… sinon peut-être un rejet des positions religieuses de son ex-mari ? Dans les deux cas, l’interprétation est laissée au lecteur.

    Il y a ceux qui embrassent pleinement l’idée d’entité, donnant lieu à toutes les dérives religieuses, spirituelles ou sectaires qui vont avec. C’est le cas du personnage de Teehu, mais également Zélia ou Esteban, qui développement tout un système de croyances autour des alter egos. Si cet aspect est très intéressant à mon sens, il manque de développement plus profond. Opposer plusieurs courants spirituels aurait fait gagner le récit et le lore en profondeur, pas exemple.

    Enfin, il y a ceux qui ne se positionnent pas vraiment sur le sujet, mais font tout pour en tirer partie. C’est évidement le cas du personnage de Oesterheld, mais également de Gail qui compte sur cette aubaine pour propulser sa carrière.

    Album après album

    Je ne l’avais pas vraiment réalisé à ma lecture de la saison 1, mais il convient de noter que chaque l’album est construit sur le même principe, participant à l’uniformité de la série :

    1. Un préambule de quelques pages in media res dans le présent
    2. Un flashback plus ou moins long centré sur le protagoniste principal de l’album
    3. Un retour au présent, soit par un nouveau saut dans le temps, soit dans la continuité du flashback

    Vous pouvez retrouver ci-dessous les critiques de chacun des albums de cette seconde saison :

    Dans mon bilan de la saison 1, j’avais proposé un graphe de dépendance pour appuyer mes suggestions en terme d’ordre de lecture des albums. Dans cette saison 2, la suggestion sera beaucoup plus simple. Si – bien sûr – vous pouvez commencer par le tome de votre choix (c’est le principe de la série), je conseille de lire d’abord Gail, puis Teehu, et enfin Délia, avant évidement de terminer par Verdict.

    Toujours dans la veine de mon article-bilan précédent, voici un tableau complété de l’équipe créative de l’ensemble des deux saisons de Alter Ego :

    Auteur / AlbumCamilleDariusJonasFouadNoahParkUltimatumGailDeliaTeehuVerdict
    RendersXXXXXXXXXXX
    LapiereXXXXXXXXXXX
    Zuga  X        
    Erbetta XX X  X X 
    Efa X  X   XXX
    BénéteauX XX XXX   
    ReynesXXXXXXXX   
    RalentiXXXXXX  X X
    AchardXXXXXXXXXXX
    HombelXXXXXXX    
    Paschetta X         
    Bekaert      XX X 
    Elias       XX X
    Lerolle       X XX
    Cerminaro        X  

    L’on constate plusieurs nouveaux arrivants (les 4 derniers noms) tandis que d’autres sont absents de la saison 2, en particulier Reynes qui en était pourtant le directeur éditorial…

    Pour en savoir plus sur les différents métiers de la BD, je vous renvoie vers un prochain article, publication à venir. (N’hésitez pas à vous inscrire à la newsletter du blog pour en être informé.)

    Personnages anciens et nouveaux

    La saison 2 de Alter Ego parvient habilement à introduire et suivre de nouveaux protagonistes principaux, tout en nous faisant recroiser ceux rencontrés dans la saison précédente qui deviennent alors des personnages secondaires. Si l’on retrouve ainsi Camille, Jonas (trés trop rapidement ?), Noah et Park (trop peu), l’on retrouve également d’autres protagonistes d’une saison à l’autre tels que l’excentrique Ze Texeira, le professeur Pancini (dans un archétype du sage pas très subtil), la douce et naïve Zélia (dans l’archétype de l’innocent, peut-être un poil énervante)… Et bien sûr, nous retrouvons Miep qui frôlait la vedette en fin de saison 1, et l’assume désormais dans cette saison 2.

    Sans revenir en détails sur les organisations que je décrivais dans mon article sur la saison 1, signalons que cette saison 2 en introduit trois nouvelles :

    • La commission sénatoriale, dirigée par Délia et également composée des sénateurs Thompson et O’neil. Elle est la cible d’un assassin religieux intégriste.
    • Le comité scientifique, mandaté par la commission précédente pour établir la vérité sur la théorie des Alter Egos. Portée par Gail, elle contient un total de 5 sommités scientifiques de tous horizons.
    • La secte de Rivden Garden’s, dirigée par Esteban et Noah : d’inspiration bahaie, elle vise à créer une communauté autonome, écologique et fraternelle. On y retrouve Teehu et Zélia.

    Conclusions ou perspective ?

    En bref, cette seconde saisons de 4 tomes est dans la droite ligne de la saison précédente. Si son nombre réduit d’albums enlève beaucoup au concept initial (qui consistait à lire dans n’importe quel ordre), nous conservons et approfondissons les thèmes de la saison 1, tout étudiant les impacts du phénomène des Alter Ego révélé au monde : tensions géopolitiques, arnaques à grande échelle, nouvelles spiritualités… Tout n’est pas parfait, mais l’ensemble est plus qu’agréable à suivre.

    Notez que cette seconde saison de 4 albums avait a priori été pensée comme une saison de transition avant un troisième cycle (comme évoqué ici par le showrunner de la série) ! Et c’est effectivement un peu à quoi sa lecture fait songer (notamment au travers de la mise en place de nouveaux concepts qui restent à creuser…).

    Pourtant, si les deux première saisons sont respectivement sorties en 2011 et 2014, aucune saison 3 ne semble en vue en cette année 2025 ! Pour ma part, je ne perd pourtant pas espoir…

  • SdD #2 : Duels aux sommets

    SdD #2 : Duels aux sommets

    Le photographe alpiniste Fukamachi continue son enquête sur l’énigmatique, pour ne pas dire inquiétant, Habu.

    Au travers de différentes rencontres, mais également d’un carnet écrit par Habu lui-même ; il remonte le temps, essaie de cerner Habu et ses motivations, sa logique, et ultimement son actuel projet au Népal… Entre sommets inatteignables et ambitions dévorantes, il découvre petit à petit l’alpinisme pionnier et ceux qui le forgent.

    Ce second tome du Sommet des Dieux s’impose comme une lecture exigeante, à la fois fascinante et parfois rugueuse. Le récit repose sur une structure narrative en allers-retours permanents entre passé et présent, qui donne une profondeur certaine mais au risque d’un léger déséquilibre rythmique (qui n’est pas forcément désagréable au demeurant). Le long carnet de Habu, relatant son accident dans les Alpes, occupe à lui seul près d’une centaine de pages : une séquence marquante et intense.

    L’écriture demeure nappée par une certaine lenteur volontaire. Si Fukamachi agit comme fil conducteur (en personnage central), c’est bien Habu qui hante chaque planche. Paradoxalement, ce personnage principal reste en retrait du présent narratif et ne s’impose que par l’écho de ses exploits passés. Ce choix scénaristique entretient un halo de mystère, mais peut frustrer le lecteur en quête de confrontation immédiate.

    Parmi les personnages secondaires, certains brillent par leur densité émotionnelle — on pense notamment à Hase, dont la disparition sous une avalanche donne lieu à une séquence poignante — mais ils sont parfois sous-exploités. L’impression demeure que Habu accapare tout l’espace narratif, ne laissant parfois que des fragments aux autres destins.

    Le charadesign précis facilite l’identification des protagonistes et renforce la lisibilité. Les décors, eux, frôlent parfois la contemplation pure : neiges battues par le vent, verticalité des parois, immensité des sommets. On perçoit presque le souffle du vent, tant les onomatopées et les détails graphiques accentuent l’immersion.

    Malgré un découpage généralement fluide, quelques vignettes présentent une logique de lecteur ambiguë qui peut troubler la lecture. Rien de rédhibitoire, mais le constat mérite d’être souligné. Notons également l’apparition d’une première carte au treizième chapitre (j’avais souligné ce manque dans ma critique du tome 1).

    L’album déploie une réflexion sur l’ambition dévorante et les limites de l’humain face à la montagne. Chaque sommet apparaît comme un miroir des tourments intérieurs, où l’obsession devient moteur autant que fardeau. On retrouve ici une proximité thématique avec le film Le Grand Bleu de Besson, notamment dans la représentation de personnages habités et solitaires, lancés dans une quête toujours plus périlleuse, mais aussi dans les dualités opposées teintées d’aspirations communes :

    • Habu vs Hase
    • Mayol vs Mollinari

    On retiendra également la richesse de la construction par chapitres, dont la variété des longueurs produit une dynamique particulière et étonnante1. En témoigne la répartition suivante (parce oui, vous le savez peut-être, j’aime les stats) :

    Titre du chapitreNb pages% du récit
    9Les Grandes Jorasses216%
    10Le carnet de Habu Jōji8927%
    11Le passé227%
    12Le mont imaginaire227%
    13Sagarmatha4614%
    14K2227%
    15L’homme qui a rejoint la montagne227%
    16Les rois du rocher247%
    17Le tigre des neiges4213%
    18Seul face à la montagne216%

    Cette alternance contribue à créer un rythme tantôt haletant, tantôt méditatif, en phase avec la thématique d’un alpinisme entre exaltation et souffrance. Une lecture rafraichissante quoi que dense.

    1. Il semblent que certains d’entre eux aient donc été initialement publiés par portion au Japon.[]
  • Alter Ego – Verdict : vengeance et retour aux sources

    Alter Ego – Verdict : vengeance et retour aux sources

    Délia a survécu, mais au prix de la vie de sa sœur jumelle. Elle était son unique Alter Ego aussi est-elle probablement condamnée à moyen terme.

    Gail à également survécu à un accident cardiaque, qui – lui – était totalement fortuit.

    Teehu, hélas, a bien été tuée par Noah.

    Désormais, Délia et Gail doivent faire face à leur a priori : les Alter ego sont bien réels. Et les implications qui y sont liées vont plus loin que ce qui pouvait être imaginé… Pendant ce temps, Miep se lance dans une vendetta personnelle contre Noah et son réseau.

    Ce dernier tome de la saison 2 de Alter Ego commence par une page de préambule résumant les différents cliffhanger en cours dans les trois tomes précédents. Une attention appréciable, et qui m’a fait prendre conscience que chacun des trois protagonistes que nous avons suivi terminent leurs aventures de manière similaire, par un danger de mort imminent !

    Clôturant la deuxième saison de Alter Ego, cet album intitulé Verdict livre une conclusion contrastée. Si l’ambiance générale reste prenante, grâce notamment à un cadre sud-américain aux tons chauds qui tranche avec la gravité des enjeux, le récit pâtit d’un scénario plus linéaire et moins dense que dans la conclusion de la première saison.

    Le choix de recentrer l’action autour d’un antagoniste clair — Oesterheld, un « grand méchant » assez manichéen — simplifie l’intrigue mais lui fait perdre en complexité morale. Le retour au statu quo (tel qu’il était en début de saison 1) via la dissimulation du Simorg peut déconcerter, voire frustrer, tant il semble artificiel (et même contradictoire) au regard des développements antérieurs.

    Miep s’impose (enfin ?) comme la nouvelle protagoniste principale de l’album. Bien que son rôle central soit assumé (elle est même en couverture), elle donne parfois l’impression d’être suréquipée scénaristiquement. Sa relation amoureuse avec Camille introduit une touche d’émotion bienvenue, même si sous-exploitée. Tandis que la disparition rapide de Teehu, bien que prévisible, apporte un impact dramatique immédiat, et un moteur naturel à l’intrigue. Notez que j’ai particulièrement apprécié la fin douce-amère autour de l’entité formée par Zélia, Park, Marina1, et Noah.

    Graphiquement, l’album déçoit. Si la tension est palpable dans certaines séquences — notamment la double page de la mort de Oesterheld, impressionnante dans sa construction — l’ensemble semble en retrait : personnages déformés, décors pauvres, proportions parfois douteuses. Et que dire de la couverture, franchement moche ?

    La saison 2 n’en reste pas moins fascinante dans sa construction globale. On y retrouve des interrogations fondamentales : justice ou vengeance ? paix ou vérité ?, comme évoqué également dans ma critique de l’album Teehu. Mais cette dernière livraison laisse une impression d’inachevé…

    … à juste titre, d’ailleurs. Jetez un œil à mon bilan sur cette saison 2, en lien juste après.

    1. Inexistante dans cette saison.[]
  • Alter Ego – Teehu : Spiritualité et manipulation

    Alter Ego – Teehu : Spiritualité et manipulation

    Originaire du fin fond du bush australien, Teehu a toujours manifesté un don étrange : celui de voir apparaître dans son esprit des personnes inconnues lorsqu’elle est en contact avec quelqu’un d’autre. Maltraitée, arraché à son sol natal et mise en foyer, elle trouve un sens à sa vie lors de la révélation de la théorie des Alter Ego… Et elle comprend enfin son don : celui de percevoir différents membres d’une même entité.

    Convaincu par le mouvement spirituel Bahaïe, elle rejoint Zélia et Noah dans leur fondation d’une communauté utopiste isolée, vouée à la méditation et à la fraternité.

    Mais certains détails sont troublants. D’où viennent les fonds qui financent la communauté ? Qui sont ces visiteurs qui viennent y faire du tourisme dans adhérer aux valeurs ? Pourquoi la santé du jeune Salam semble ainsi troubler Noah ?

    Couverture

    Avec Teehu, les scénaristes d’Alter Ego livrent un tome dense, fidèle à la mécanique bien huilée de la série tout en injectant des éléments profondément dérangeants. Si la structure narrative — mise en situation rapide, flashback structurant, révélation finale — est préservée, l’encapsulation du passé de Zélia dans celui de Teehu donne une richesse particulière à ce volume. Bien que très relié au tome Délia, je conseille de lire ce présent tome (sur Teehu) en premier.

    Le scénario brille par sa manière de prolonger des pistes entamées dans la saison 1, tout en y ajoutant des couches de complexité : révélations sur des personnages secondaires, jeux de miroirs entre les alter ego, ajout pertinente d’une dimension spirituelle (même si elle contient quelques maladresses), cliffhanger final redoutable… Seule la dernière partie, lors du retour à Rivden Garden’s, perd un peu en intensité.

    Les personnages secondaires ont un réel impact sur le récit, ce qui est tout à fait appréciable. Teehu, pour commencer, est l’un des piliers fondateurs de l’utopie qu’elle finira par dénoncer. Chargée d’un passé compliqué, elle dispose d’un pouvoir médiumnique, à la manière de Jonas. Esteban en est un autre pilier, intellectuel et spirituel, au sourire apaisant. Salam, incarnation tragique des alter ego condamnés, bouleverse et interroge. Zélia et Noah poursuivent leur trajectoire définitivement dérangeante initiée dans les précédents albums, notamment Noah et Fouad. Et plus généralement, le cadre utopiste de Rivden Garden’s, inspiré du bahaïsme, oscille entre idéal spirituel et manipulation sectaire. On retrouve d’ailleurs certaines idées de Kaiji dans la saison 1, ici déformées de manière peut-être plus dérangeante encore…

    Miep est également de retour. Personnage secondaire fort, elle ré-endosse un rôle de deus ex machina un peu dommage : toujours compréhensive, du bon côté, et capable de « magie » avec tout appareil électronique…

    Graphiquement, les décors de l’album le font sortir du lot. L’aurore filtrant dans les nuages australiens, les nuits sur les îles Canaries : tout concourt à créer une atmosphère presque mystique. En revanche, le charadesign se montre parfois approximatif, notamment sur certaines expressions de visages, nuisant par endroits à l’intensité dramatique des scènes.

    Le récit s’empare de sujets complexes — foi, espoir, manipulation — pour interroger le lecteur sur ce qui constitue une véritable communauté. L’introduction du bahaïsme comme socle spirituel invite à interroger sur sa propre spiritualité, tout en poussant à réfléchir sur les dérives potentielles de tout modèle utopique.

    Ce tome s’inscrit dans une dynamique beaucoup plus introspective, centrée sur l’individu et son libre arbitre au sein de systèmes oppressifs, parfois insidieux. Il se rapproche ainsi de la saison 1, et s’éloigne des deux autres tomes de la seconde saison.

    Et vous, auriez-vous fait confiance à Rivden Garden’s ?

  • Entre enquête glaciale et vertige de l’alpinisme, dans SdD #1

    Entre enquête glaciale et vertige de l’alpinisme, dans SdD #1

    Pitch

    Photographe et alpiniste amateur, Fukamachi découvre dans les ruelles de Katmandou un appareil photographique qui pourrait apporter un éclairage totalement différent sur la version officielle de la conquête du mont Everest...

    Il enquête alors sur son actuel propriétaire, Habu, un alpiniste sulfureux tout autant que talentueux, nimbé de légendes urbaines et de mystères plus ou moins sombres. Au travers de ce voyage mental dans le temps, Fukamachi explore les différentes étapes de la vie de Habu, les rencontres qui l’ont forgé, les records qu’il a accompli…

    Si vous me connaissez, ou si vous êtes un habitué de ce blog, vous savez que le manga, ce n’est vraiment pas mon rayon ! Et pourtant… Lors de mon dernièr anniversaire, il m’a été offert la série complète (5 tomes) du Sommet des Dieux ! Manga connu et encensé par la critique, c’est avec curiosité et une confiance relative que je lance donc dans plus de 1500 pages en hautes altitudes…

    Une enquête sous haute altitude

    Adapté du roman de Baku Yumemakura et mis en images par Jirô Taniguchi, Le Sommet des Dieux (SdD) plonge le lecteur dans un récit où l’énigme historique de Mallory et Irvine (disparus en 1924 sur l’Everest) s’entrelace avec une enquête contemporaine menée par Fukamachi. La découverte d’un appareil photo au détour d’une ruelle de Katmandou devient le point de départ d’un récit où se croisent mémoire, obsession et vertige des hauteurs. Le fameux appareil devient d’ailleurs rapidement anecdotique… sans doute reprendra-t-il de l’importance dans les tomes suivants.

    Le scénario s’installe avec lenteur, parfois trop pour qui est (comme moi) étranger au monde de l’alpinisme, ses défis, son jargon… Si l’amorce paraît laborieuse, l’album gagne en intensité au fil de ses chapitres, notamment à partir de l’accident de Kishi, moment charnière qui injecte une réelle tension dramatique. L’ombre de Habu Joji, alpiniste de génie mais controversé, donne au récit toute sa densité tragique.

    Personnages taillés dans la roche

    La galerie de personnages se déploie progressivement au travers d’un mélange d’ombres et de lumières :

    • Fukamachi, narrateur taciturne, dont la curiosité obstinée agit comme moteur du récit, entre le Népal et le Japon.
    • Habu, surnommé le « serpent venimeux », figure magnétique et inquiétante, controversée mais géniale, tour à tour fascinante et repoussante.
    • Kishi, compagnon de cordée condamné à une issue prévisible (classique : personnage absent du présent de narration mais découvert en flashback), dont la mort plane comme un spectre sur le flashback central avec une ambiguïté laissée volontairement ouverte aprés un set up – lui – peu subtil.
    • Hase, rival plus construit qu’incarné, dont l’opposition avec Habu manque peut-être de naturel. Sa spécialité sont les ascensions en solitaire.

    Cette constellation de figures, façonnées par la montagne, permet d’explorer les vertiges de l’ego, de l’endurance et du dépassement de soi. Les non-dits et les zones d’ombre participent à cette atmosphère particulière.

    Un dessin entre réalisme et contemplation

    Graphiquement, l’album surprend par son style très éloigné des codes manga traditionnels. Les phylactères verticaux rappellent la culture d’origine (les idéogrammes japonais d’origine étant verticaux, comme je me l’étais noté précédement) et j’ai noté un peu trop d’onomatopée en « ah », mais le trait reste clair, rigoureux, presque documentaire. Les costumes amples des années 90 feront sourire, mais les décors minutieux de des montagnes enneigées garantissent une immersion dans les hautes cimes.

    Le choix narratif de longues séquences muettes ou ponctuées d’onomatopées minimalistes (parfois presque invisibilisées dans le décors) accentue le caractère contemplatif du récit. L’immersion se fait lente, parfois austère, mais toujours habitée.

    Un objet-livre exigeant

    L’album ne se contente pas d’être un récit : il est aussi un bel objet en soi. La présence d’un long éditorial introductif (ainsi qu’en post-face) témoigne d’une volonté de contextualisation érudite. Mais un peu vaine dans mon cas : ignorant tout des auteurs de l’album, de ceux qui signent cet édito, et n’ayant pas encore lu ledit album, une telle introduction peut même sembler un peu pompeuse…

    Notez également que l’album est chapitré (avec des titres qui fleurent bon la poésie typiquement nippone…) :

    1. Le Sommet des Dieux
    2. La ville de toutes les chimères
    3. le loup affamé
    4. Oni-sura
    1. Première ascension
    2. Un farouche indépendant
    3. Le vent des cimes
    4. Ascension en solitaire

    L’on pourra regretter l’absence de cartes topographiques qui auraient permis de mieux visualiser les massifs évoqués, de l’Himalaya aux Alpes japonaises. Mais sa fabrication robuste, renforcée par un signet intégré, confère au livre une dimension prestigieuse.

    Verdict

    Le Sommet des Dieux #1 pose les bases d’une saga à la fois documentaire et introspective. Si son rythme contemplatif et son prologue parfois aride risquent de désarçonner les lecteurs en quête d’action immédiate, l’œuvre trouve sa puissance dans l’élévation progressive de sa dramaturgie et dans le portrait fascinant de Habu. Une lecture un peu exigeante, mais qui récompense par son atmosphère unique.

  • Alter Ego – Delia : sénatrice en quête

    Alter Ego – Delia : sénatrice en quête

    Sénatrice ayant pris à bras le corps le scandale monumental des agissements de la WW2A (analyses ADN non autorisées, injection de nanotraceurs – voir l’album Fouad), Délia n’en est pas moins une mère débordée dont l’ex-mari développe depuis peu un goût pour divers groupes sectaires en lien avec la théorie récemment révélée des Alter Ego.

    Alors qu’elle mène une commission sénatoriale d’enquête sur l’immense organisation ourdie par Urasawa (voir Alter Ego Saison 1), ses filles sont embrigadées dans un mouvement occulte, délocalisé hors des USA et dirigé par Noah !

    Avec ce nouvel opus centré sur Délia, la série Alter Ego poursuit son exploration ambitieuse des ramifications politiques, sociales et personnelles de la découverte des doubles d’ADN, les Alter Ego. Mais à l’inverse de l’arc de Gail (autre album de cette seconde saison de la série), dont il constitue la suite indirecte, cet album peine à maintenir un vif intérêt pour ses intrigues multiples.

    Le récit alterne entre quatre sous-intrigues : l’enquête de la commission sénatoriale1 (au déroulé haché), la récupération des filles de Délia, l’affaire des sénateurs assassinés (qui annoncent sans doute le climax du dernier tome) et sa quête personnelle autour de sa sœur jumelle (cousue de fil blanc). Si chacune dispose de son intérêt propre, l’enchaînement manque parfois de fluidité et donne une impression de succession forcée d’épisodes. Certains pans, comme le sauvetage des enfants, se règlent avec une facilité scénaristique désarmante.

    Mère débordée, ex-femme blessée et sénatrice sur tous les fronts, le personnage de Délia gagne toutefois en épaisseur tout au long de l’album. À l’instar de Gail, son cheminement personnel part d’un scepticisme initial pour aboutir à une confrontation avec la réalité des Alter Ego. La romance esquissée avec Doug, agent du FBI et responsable de la sécurité de la commission sénatoriale, ajoute une touche humaine plutôt bienvenue à l’ensemble. Mais l’on pourra regretter la (trop grande) ressemblance entre l’évolution de Délia et celle de Gail même si l’évolution de cette première est plus lente et crédible :

    EtapesDéliaGail
    Position initialeRefuse de croire aux Alter EgoRefuse de croire aux Alter Ego
    DéclencheurEnlèvement de ses fillesAccident de voiture
    Rencontre décisiveJasonLa mystérieuse ange gardien
    PreuvesDécouverte de sa sœur jumelleUn milliardaire chinois
    ClimaxHôtel des ambassadeursHôtel des ambassadeurs

    Graphiquement, Délia maintient le niveau homogène de la série, malgré un changement notable de cover artist. Si les yeux de Délia apparaissent souvent un peu disproportionnés, ils permettent des jeux de reflets intéressants avec la lumière ambiante. Notons que l’annexe de l’album nous indique que plusieurs artistes se sont répartis les dessins de l’album, en particulier le traitements séparés des personnages et des décors.

    Pour en savoir plus sur les différents métiers de la BD, je vous renvoie vers un prochain article, publication à venir. (N’hésitez pas à vous inscrire à la newsletter du blog pour en être informé.)

    Le protagoniste principal de l’album s’éloigne de la dynamique des « outsiders » de la saison 1 pour s’ancrer dans une thématique de pouvoir : ONU, sénat, FBI. Délia est plus proche de Gail que de Fouad ou Camille, ce qui confère au récit un sérieux parfois pesant mais cohérent avec la gravité des enjeux.

    L’un des fils rouges thématiques de l’album reste le jeu d’équilibre entre croyance et réalité. Délia incarne ce tiraillement constant entre rationalité politique, instincts maternels et effondrement de ses certitudes. La critique sous-jacente des dérives sectaires (qui seront certainement plus détaillées dans l’album Teehu) et du pouvoir scientifique dévoyé (WW2A) donne à l’œuvre une résonance contemporaine bienvenue.

    En résumé, ce volume offrira au lecteur une plongée dans les arcanes du pouvoir et les limites de la science, malgré un scénario un peu trop éclaté.

    1. A l’origine de la mission de Gail.[]
  • Flashbacks successifs et identités visuelles

    Flashbacks successifs et identités visuelles

    En terme de mises en pages, découpages et compositions, Batman Silence illustré par Jim Lee est un chefs-d’œuvre, et une référence du genre ! Utilisation des techniques de ghosting, inserts intelligents, compositions qui ont vraiment du sens, actions parfaitement lisibles…

    Ci-dessus, je vous propose une page illustrant la manière dont Lee parvient à figurer différents flashbacks sans avoir recours à des cartouches d’indication de temps :

    • Les première et troisième cases se déroulent dans le présent du récit. Bruce retrouve son ami d’enfance Tommy lors d’un voyage. Les couleurs sont chaudes ;
    • La seconde vignette est un flashback aux couleurs froides de la nuit précédente, dont Batman (alias Bruce Wayne) garde un souvenir très troublant de Catwoman ;
    • La dernière vignette est un flashback de l’enfance de Bruce et Tommy. Dessiné à l’aquarelle, presque en monochrome, Lee utilise ce procédé à plusieurs reprise dans l’album, afin de revenir périodiquement à leur enfance commune.

    Il s’agit d’un procédé assez similaire à celui-ci dans Shaman, même si nous avons ici un voyage dans le temps, tandis que Shaman nous proposait un voyage dans l’espace…

    Une jolie petite leçon de BD, le tout en une seule page !

  • Alter Ego – Gail : entre science et patience…

    Alter Ego – Gail : entre science et patience…

    Voilà trois ans que la théorie des Alter Ego a été rendue publique (fin de la saison 1).

    Gail est un chercheur de renom. Homme séduisant au charisme magnétique, il collectionne toutefois plus les conquêtes que les découvertes scientifiques. Plutôt hostile à la théorie des Alter Ego, il est pourtant à la tête de la commission d’enquête de l’ONU, chargée de déterminer la véracité ou non de ladite théorie…

    Et il semble ignorer la dangerosité du panier de crabes dans lequel il est volontaire entré…

    Alter Ego est une série atypique car elle peut se lire dans (presque) n’importe quel ordre ! Récit chorale, il est proposé au lecteur de suivre un personnage différent par album, dans des péripéties qui se croisent et finissent par converger vers la conclusion. Thriller d’anticipation avec un soupçon de fantastique, il se décline en deux saisons de 11 tomes au total :

    • La saison 1 propose six tomes achroniques avant de lire le tome de conclusion ;
    • La saison 2 contient trois tomes également lisibles dans n’importe quel ordre avant l’ultime tome.

    Dans cette seconde saison, donc, le ton est un peu différent de la première. Alors que les entités étaient présentées au lecteur comme des faits établis, cette seconde saison brouille un peu les pistes… Les Alter Ego ne sont plus une vérité absolue, mais une théorie avec ses faiblesses, ses imperfections, ses contres exemples, ses contradictions… Une excellente idée, qui ouvre le champs narratif aux doute, aux questions et aux factions s’opposant autour de l’existence ou non de ces entités.

    Avec ce nouvel opus (premier que je lis de la saison 2) centré sur le personnage de Gail, la série Alter Ego développe son exploration d’un monde où science, croyances et intérêts politiques se télescopent. Après la révélation de l’existence des alter ego (à la fin de Ultimatum), la société mondiale est plus que jamais fracturée : entre ceux qui y voient une vérité salvatrice, ceux qui tentent d’en tirer profit, et ceux qui s’évertuent à rejeter cette hypothèse, le climat est tendu. Gail, rationaliste au passé de séducteur mondain, est mandaté pour trancher scientifiquement la question (en réalité, sa mission est même de décrédibiliser la théorie). Mais l’enquête prend rapidement un tour plus personnel et inattendu…

    Le scénario prend le parti d’un thriller politique bien ficelé, où les tensions diplomatiques s’entremêlent aux doutes intimes du protagoniste. Si le revirement idéologique de Gail, d’abord sceptique puis convaincu par l’existence d’un phénomène plus vaste (et troublant), semble un peu rapide, il reste bien construit et crédible dans l’ensemble. Autour de lui gravite toute une galerie de personnages, de la séduisante Pia à la mystérieuse ange gardien, sans bien sûr oublier l’énigmatique Oesterheld qui souhaite mettre à profit la théorie des alter ego pour préparer l’avenir et construire une nouvelle économie mondiale. L’album culmine sur un excellent cliffhanger, renouant avec le goût de la série pour les fins ouvertes et chargées de promesses. On notera également l’intégration réussie de personnages croisés dans d’autres tomes, comme le professeur Pancini, Jonas, ou Camille, qui densifient le maillage de cet univers fictif.

    Côté visuel, l’ensemble reste dans la continuité graphique de la série : un découpage clair et lisible, un trait plutôt réaliste qui n’en fait jamais trop. Le charadesign de Gail évoque immanquablement un George Clooney grisonnant (bien que doté d’un menton interminable), ce qui renforce son aura de séducteur ambivalent. Le soin accordé à la lisibilité de l’action et à l’efficacité narrative des planches contribue à maintenir la tension dramatique sans surcharge.

    L’album interroge subtilement le rapport entre vérité scientifique et manipulation politique, entre croyance intime et exploitation de masse. Et au niveau personnel de Gail : la balance entre facilité et vérité. Des thèmes qui résonnent fortement avec les questionnements contemporains, le réchauffement climatique en tête…

    Au final, Gail s’impose comme un tome charnière, qui fait à la fois avancer la méta-intrigue et introduit trés bien cette nouvelle saison, imaginée par le collectif d’auteurs de la série. Moins spectaculaire que certains tomes précédents, mais plus introspectif et politique, il offre une belle densité thématique tout en gardant un rythme haletant.

  • Redécouvrez la narration, la BD et le comics en 150 mots de vocabulaire !

    Redécouvrez la narration, la BD et le comics en 150 mots de vocabulaire !

    Alors que je jetais négligemment un oeil au statistiques du blog, je me suis aperçu que le glossaire contenait désormais (exactement) 150 entrées ! Et je dois dire que je suis assez fier de cette partie d’alphaBulle, qui compile de nombreuses notions. Petit zoom rapide…

    Qu’est-ce que le glossaire ?

    Sur alphaBulle, le glossaire rassemble de nombreux mots et expressions relatifs à la bande dessinée en général. Certains termes sont plutôt communs mais il convient de revenir dessus pour s’accorder sur une même définition commune. D’autres relèvent du jargon obscur et méritent d’être éclaircis.

    Ce lexique peut couvrir des domaines divers comme les aspects physiques d’un album, la manière dont se construit une page de BD, ou comment s’y articulent les dialogues.

    Il propose également des formulations et termes issus de la narration en général (comment raconter une histoire ?) mais aussi du comics américain (l’on y retrouve ainsi de nombreux anglicismes).

    A l’heure actuelle, 164 mots et expressions sont détaillées dans le glossaire.

    Comment fonctionne-t-il ?

    La page dédiée au glossaire en elle-même est trés simple : elle liste l’ensemble des termes par ordre alphabétique.

    A l’inverse, lorsqu’un mot du glossaire est employé dans un article, critique ou dossier, un renvoi vers la définition du glossaire est proposé.

    En cliquant sur un mot de vocabulaire, vous en avez une courte définition. Celle-ci peut également inclure :

    • Des renvois vers d’autres termes du glossaire ;
    • Des renvois vers un article qui permet d’approfondir ou contextualiser le mot de vocabulaire que vous avez sélectionné.

    Le glossaire est alimenté au fur et à mesure de la rédaction des articles : à chaque fois qu’un nouveau terme de jargon est employé, il est également ajouté dans le glossaire.

    Les dossiers

    Souvent, de nombreux termes relatifs à la bande dessinées sont introduits dans des dossiers traitants de tels ou tels aspect de la BD…

    De ce fait, en fin de cet article défilent les principaux dossiers qui peuvent vous permettre d’approfondir vos connaissances sur le jargons de la bande dessinée, du comics, (un tout petit peu du manga) et de la narration en général.

    Derniers ajouts au glossaire

    Retrouvez ci-dessous les derniers mots de vocabulaire ajoutés au glossaire (cette liste est dynamique et se met à jour au fil du temps, indépendamment du reste de l’article)…

    Looser magnifique

    Terme générique désignant un personnage confronté en permanence à des échecs répétés, mais qui parvient tout de même à en tirer panache et atteindre ses objectifs envers et contre tout.

    Aptonyme

    Désigne le fait qu’un personnage porte un nom ou prénom qui en dit long sur son origine, ses ambitions et/ou sa fonction dans l’histoire. On trouve également le terme « charactonym ».

    Age d’argent

    Période des comics allant du milieu des années 50 au début des années 70. Fortement influencée par le Comics Code Authority, elle se caractérise par des récits enfantins, hauts en couleurs, faisant une large place à l’humour, l’absurde et la science-fiction déjantée.

    Pour en savoir plus sur les différents ages dans les comics, je vous renvoie vers un prochain article, publication à venir. (N’hésitez pas à vous inscrire à la newsletter du blog pour en être informé.)

    Itération iconique

    Répétition volontaire d’une même vignette plusieurs fois de suite, à l’identique, sans autres variations que le texte et/ou les phylactères.

    Ce procédé peut être à l’origine d’un effet comique, mais est également utilisé par les dessinateurs pour gagner du temps à la création des planches.

    Blanc narratif

    Zone de la page laissée volontairement vide, blanche, sans dessin ni texte, alors que l’on se serait attendu à une ou plusieurs vignettes.

    Cet artifice permet de focaliser l’attention du lecteur sur la ou les vignettes restantes, ainsi mise en valeur.

    Exemple dans cet article.

    Situations dramatiques de George Polti : 1 à 18

    Au delà des trois actes

    Bruxelles vs Marcinelle : Deux visions fondatrices de la BD

    Le Voyage du Héros (3/3) : Surcoté ? Les contradictions

    Le Voyage du Héros (2/3) : la même histoire derrière toute les histoires ? Les 12 étapes

    Le Voyage du Héros (1/3) : Qu’est-ce que c’est ? Les concepts

    Les trois lois de la Magie

    Decouper une BD : la narration en trois actes

    Comprendre un album de BD : les termes que vous ne connaissiez pas

    Univers étendus, les concepts

  • Alter Ego – Saison 1

    Alter Ego – Saison 1

    Après vous avoir proposé une par une mes critique pour chaque album individuellement ces dernières semaines, je vous invite à revenir rapidement sur la première saison de cette trés bonne série qu’est Alter Ego !

    Une série achronique

    …et non pas anachronique !

    Alter Ego est une série atypique car elle peut se lire dans (presque) n’importe quel ordre ! Récit chorale, il est proposé au lecteur de suivre un personnage différent par album, dans des péripéties qui se croisent et finissent par converger vers la conclusion. Thriller d’anticipation avec un soupçon de fantastique, il se décline en deux saisons de 11 tomes au total :

    • La saison 1 propose six tomes achroniques avant de lire le tome de conclusion ;
    • La saison 2 contient trois tomes également lisibles dans n’importe quel ordre avant l’ultime tome.

    Le verso de chaque album résumé plutôt bien le principe :

    Dans son concept de série achronique, Alter Ego se rapproche assez de l’hypersérie Uchronie[s] déjà critiquées sur le blog… Pour rappel, dans cette dernière, nous avions trois mini-séries de 3 albums. Au sein de chaque série, les albums sont chronologiques, mais ils peuvent se lire dans n’importe quel ordre d’une série à l’autre. J’ai conscience que ce n’est pas très clair… voyez le lien précédent pour mieux comprendre.

    L’histoire

    Lors de la rédaction de cet article-bilan, j’avais envisagé d’essayé de résumer l’histoire globale de ces 7 premiers tomes de manière chronologique… mais c’est en réalité peine perdue. Par nature, Alter Ego ne peut s’appréhender que sous la forme d’une mosaïque, et tenter de séparer le récit de sa structure serait extrêmement long sans véritablement rien apporter.

    En substance, la série propose donc de suivre 6 personnages qui vont découvrir (quasi-)simultanément une révolution scientifique sur la nature des existences humaines, mais également une vaste organisation internationale déjà en place et tentant d’exploiter cette découverte tout en la cachant au grand public.

    Je l’évoquais plus haut, vous pouvez retrouver chacune de mes critiques pour chaque album ci-dessous (il s’agit également de l’ordre dans lequel je les ai relus récemment) :

    Signalons que la série n’est pas tendre avec ses personnages, autant secondaires que principaux. Certains en viennent à mourir être tués (Suzanne, Jonas, Fouad…), tandis que d’autres sont condamnés d’une manière ou d’une autres (Jason ne survivra pas longtemps sans Jonas, Park se résout lui-même à sa prison chimique…).

    Par nature, vous l’aurez compris, vous pouvez attaquer la lecture de cette série par n’importe quel bout. Pour autant, je vous propose néanmoins le diagramme de dépendance ci-dessous et vous conseille donc comme point d’entrée les albums Darius ou Park.

    fleche pointillesfleche stdfleche epaisse
    Lecture suggérée pour comprendre l’ensemble des éléments du récits, dans les moindres détails.Lecture conseillée, sous peine de ne pas comprendre certains éléments majeurs du récit.Lecture indispensable, sous peine de ne rien comprendre au récit. Et ce serait dommage !
    Légende du graphe (en savoir plus sur les Diagrammes de Dépendances)

    Peut-être l’aurez-vous remarque : chaque couverture adopte le même principe : la moitié gauche montre le personnage principal en pleine action à la manière d’un foreshadowing tandis que la moitié droite est un gros plan du visage du même personnage. Chaque couverture présente également une couleur dominante, permettant de facilement les différencier.

    Entrons un peu dans l’univers de la série…

    J’aurais pu vous proposer un panorama complet des différentes personnages principaux ou secondaires de la série. Mais là encore, je me suis ravisé. Je n’aurais obtenu qu’un listing interminable de protagonistes qu’il vaut mieux découvrir au fil de la série…

    Si cela vous intéresse, je vous renvoie vers le minisite proposé par les éditions Dupuis, lien en bas d’article.

    Et je vous propose de plutôt se focaliser sur les « entités », et les organisations de la série. Des points de vue qui me semblent en plus assez originaux…

    Au cœur de la série : les « entités »

    Dans l’univers d’Alter Ego, il est établi l’existence de liens bioénergétiques invisibles entre les individus. Ces connexions, perceptibles sous forme « d’auras », se nouent entre personnes dès leurs conceptions (qui naissent donc à des dates proches, voire identiques). Ces individus ainsi liés forment ce que la série nomme une « entité » ; et ce concept est au cœur de l’intrigue.

    Les membres d’une même entité sont appelés consims – contraction probable de « consciences similaires ». Ils sont les alter ego les uns des autres, voire des « âmes sœurs » au sens large (bien que cette notion dépasse largement le cadre sentimental). Ce lien profond n’est pas purement symbolique : il se manifeste concrètement par un partage de la santé, aussi bien physique que mentale. Une santé détériorée de l’un des consims affecte plus ou moins les autres, tout comme un état psychologique dépressif se diffuse à travers l’entité. La mort d’un de ses membres fragilise l’ensemble, altérant la vitalité et l’équilibre des survivants.

    L’identification des entités peut se faire par voie technologique – grâce au spectographe développé par le personnage de Suzanne –, ou par des moyens plus intuitifs, relevant de capacités parapsychologiques. Jason et Jonas, deux autres protagonistes, possèdent ainsi une forme de perception extrasensorielle leur permettant de repérer ces liens.

    On appelle monade une personne qui ne partage aucun lien bioénergétique avec d’autres : un être unique, sans alter ego. À l’inverse, une entité intègre désigne une entité dont tous les membres sont encore en vie1. Ces cas sont rares, surtout chez les individus âgés, en raison de la fragilité intrinsèque du lien et de ses effets cumulatifs dans le temps.

    Ce système de consims constitue un bel exemple de magie dure : un concept fictionnel aux implications claires, aux règles bien définies et exploitées de manière cohérente et profonde, à la fois sur le plan narratif et éthique (ou pas). Loin d’être un simple artifice, l’idée d’entité irrigue toute la structure du récit, en soulignant les tensions entre individualité, interdépendance et responsabilité collective.

    Un complot tentaculaire et mondial

    Voyons maintenant la manière (peut-être) un peu floue dont s’articule l’immense complot autour de la découverte des Alter Ego, mis en place par Kaiji.

    A l’origine était le Simorg, un organisme plutôt opaque et discret de recherche scientifique dans lequel l’on retrouve en particulier Suzanne Rochant. En se basant sur des études psychologiques, des analyses d’aura énergétiques mais aussi certaines capacités médiumniques, le Simorg a réussi à établir d’existence des Entités (détaillée juste au-dessus). Afin de faire financer ces recheches, le Simorg a donc fait appel au jeune et riche entrepreneur Kaiji Urasawa.

    Pour établir un business model viable, Kaiji créa la société Winguard. Officiellement une agence de sécurité privée, elle est constituée de gardes du corps (surnommés « anges ») qui ont pour mission de veiller discrètement sur les Alter Ego de personnalités puissantes ou influentes, après qu’ils aient été identifiés par le Simorg. Les anges sont également sensés améliorer le quotidien physiques et psychologiques de leurs protégés, en s’intégrant subtilement dans leur vie, tout en restant totalement discrets et transparents. De cette façon, Winguard garanti la bonne santé durable de ses clients… qui paie rubis sur ongle pour cela. L’on découvrira qu’une branche occulte de la Winguard ne se contente pas de veiller sur les Alter Ego : pour certains clients, elle les enlèves afin de les mettre à l’abris sous haute surveillance dans la « Résidence ».

    Ladite mystérieuse résidence rassemble et surveille contre leur grès les alter ego des clients les plus exigent de la Winguard. Localisée dans les Bermudes, elle dispose de nombreuses ressources, moyens techniques et personnel (médical mais aussi paramilitaire). Initialement imaginée comme une sorte de prison privée, elle évolue en villa-tout-confort dont les résidents demeurent sous contrôle chimique (afin de garantir leur docilité et leur amnésie, tout en limitant l’impact sur leur moral…)

    La WW2A (World War to AIDS) est officiellement une mission humanitaire visant à guérir et vacciner du VIH. Financé par Urasawa mais également Grynson, la WW2A a en réalité deux missions supplémentaires et beaucoup moins éthiques : injecter un nano-traceur permettant de localiser n’importe quelle personne pucée sur la planète, et procéder à des séquençages ADN. Dans les deux cas, l’objectif terrifiant est d’identifier et localiser rapidement et efficacement tous les Alter Ego sur Terre afin de servir les interêts de la Winguard…

    U-Tech est la société d’origine de Kaiji Urasawa. Spécialisée dans les composants de haute technologie, elle fourni les nano-traceurs employés clandestinement par la WW2A.

    L’ensemble de ces entités semble chapeautées par la mystérieuse HWC, bien que celle-ci ne soit vraiment pas détaillée dans cette première saison de la série.

    Enfin, la NSA (National Security Agency) est un organisme gouvernemental des USA qui prend progressivement la main sur l’organisation mise en place par Urasawa. Sur son impulsion (du moins, d’après ses dires), la Winguard développe deux opérations :

    • La résidences pour surveiller directement certains alter egos, et protéger la santé des personnalités les plus critiques ;
    • L’assassinat par alter ego interposés (condamnant la cible à moyen terme de manière discrète et naturelle, en supprimant ses alter egos).

    Une équipe d’auteurs

    Pour produire cette série, le réalisateur Pierre-Paul Renders a rassemblé autour de lui un studio, comme pour les nouvelles séries tv américaines, ou à la grande époque de Tintin. C’est une équipe de neuf personnes qui a travaillé ensemble, entre la Belgique, la France, l’Espagne et l’Italie, grâce à la magie du net : un créateur scénariste (Pierre-Paul Renders), un scénariste (Denis Lapière), un dessinateur directeur artistique (Mathieu Reynès), quatre dessinateurs (Benjamin Benéteau, Luca Erbetta, Efa, Emil Zuga), une coloriste (Albertine Ralenti) et son assistant. Ensemble, ils offrent aux fans de série franco-belge un formidable thriller de 360 pages.

    Source : Dupuis

    Dans chaque album, une page entière est dédiée aux auteurs, et pour ma part j’en ai compté plus de neuf. J’en ai fait une synthèse dans le tableau ci-dessous :

    AuteursCamilleDariusJonasFouadNoahParkUltimatum
    RendersXXXXXXX
    LapiereXXXXXXX
    ZugaX
    ErbettaXXX
    EfaXX
    ReynésXXXXXXX
    BénéteauXXXXX
    RalentiXXXXXX
    AchardXXXXXXX
    HombelXXXXXXX
    PaschettaX
    BekaertX

    Ce tableau présente les auteurs impliqués dans chaque album de la saison 1 de Alter Ego, avec une croix (« X ») indiquant leur participation à l’album concerné. Il met en lumière la dimension profondément collaborative du projet, où scénaristes et dessinateurs se relaient ou s’associent selon les volumes. On y distingue notamment la présence constante de Renders et Lapiere, architectes narratifs de la série, ainsi que la récurrence de Reynès au dessin.

    En chef d’orchestre, nous avons donc Pierre-Paul Renders : créateur de la série (avec Lapière) sur l’une de ses idées originales, il en est le showrunner et permet d’en garantir la cohérence globale. Il assura également la gestion de l’ensemble de l’équipe d’auteurs, celle-ci étant réparties sur plusieurs pays2.

    Les scénarios

    Les 7 scénarios furent signés de Denis Lapière, qui participa activement au déploiement de l’intrigue en un récit chorale, participant en particulier au développement des personnages et à la structure narrative.

    Les personnages

    Suivant les albums, les personnages furent dessinés par Efa, Emil Zuga (dont l’album « Jonas » fut le premier travail publié !), ou Luca Erbetta, sous la direction de Matthieu Reynès.

    Les décors

    Quatrième dessinateur attitré sous la direction de Reynes, le jeune Benjamin Bénéteau fut particulièrement assigné à la réalisation des décors de la série. Cela contribua à lui donner une cohérence visuelle d’ensemble, malgré des auteurs disparates.

    Marco Paschetta assista également Erbetta sur l’un des albums.

    Direction artistique

    Fonction parfois un peu nébuleuse, la direction artistique fut assurée par Matthieu Reynés (un bordelais !), et prend tout son sens sur une série comme Alter Ego.

    A la tête des dessinateurs de l’équipe, il lui incombait:

    • la cohérence graphique globale de la série,
    • une partie non négligeable du worldbuilding,
    • l’ensemble des charadesign,
    • et plus généralement la gestion de l’ensemble des dessinateurs et coloristes répartis sur plusieurs pays.

    A ce titre, il fut le dessinateur principal de la série, et devait s’assurer que son équipe s’alignait sur son style.

    Les couvertures

    L’ensemble des illustrations de couvertures a été signé par Matthieu Reynés et Franck Achard. Cela fait donc d’eux les cover artists de la série.

    Notons que Achard a également réalisé le logo de la série.

    La couleur

    Albertine Ralenti fut la coloriste principale sur l’ensemble de la saison, ayant en charge la mise en couleur des dessins réalisés en noir et blanc. Elle ne fut remplacée que sur le dernier album par Benoit Bekaert.

    Affecté à la quasi-totalité des albums, Ralenti fut aidée par Sébastien Hombel qui eut donc le rôle d’assistant coloriste.

    Pour en savoir plus sur les différents métiers de la BD, je vous renvoie vers un prochain article, publication à venir. (N’hésitez pas à vous inscrire à la newsletter du blog pour en être informé.)

    Perspectives

    Ce fût donc une équipe bien fournie, qui nous offrît une excellente série, mêlant thriller, complotisme, découvertes techno-fantastiques et personnages attachants et hauts en couleur. Le tout servi dans une saga qui peut se lire de manière non-linéaire !

    Un régal pour tout amateur de BD. Et je vous invite à me suivre très vite sur la seconde saison de cette saga…

    Bibliographie

    Ci-dessous les sources employées pour rédiger cet article :

    1. On pourrait souligner qu’une monade est donc par définition une entité intègre[]
    2. De là à imaginer qu’ils étaient eux-même les consims d’une même entité…?[]
    3. Même si le système de login pour accéder à certains contenus semble ne plus fonctionner…[]
  • Batman Silence : thriller gothique et baisers volés

    Batman Silence : thriller gothique et baisers volés

    Pitch

    Killer Croc a enlevé le fils d’une richissime famille de Gotham, et en demande une rançon. Bien que ce modus operandi ne soit pas dans ses habitudes, Batman intervient et parvient à sauver le garçon. Il échoue néanmoins à récupérer l’argent de la rançon… celui-ci étant dérobé par Catwoman !

    S’en suit une course-poursuite sur les toits de Gotham City, jusqu’à ce que la corde de Batman ne soit mystérieusement coupée, faisant chuter le Chevalier Noir. Celui-ci ne doit sa survie qu’à ses alliés. Gravement blessé, il réendosse son identité publique de Bruce Wayne et fait appel à son meilleur ami d’enfance, aujourd’hui devenu chirurgien : Tommy Elliot.

    Et tandis qu’il se remet de ses blessures, nombre de ses ennemis semblent travailler en réseau : Catwoman transmet son butin à Poison Ivy, elle-même au service d’un mystérieux commanditaire…

    Et qui est ce mystérieux personnage, masqué par des bandelettes, qui semble surveiller Batman lui-même ?

    Un polar gothique sous tension

    Publiée entre 2002 et 2003 dans les numéros Batman #608 à #619, la saga « Batman : Silence » s’inscrit dans une période charnière du DC Universe. Gotham sort à peine de sa reconstruction1 après No Man’s Land et Lex Luthor est président des États-Unis, ce qui introduit une couche de tension politique latente bien qu’elle reste légère.

    Avec ses 12 chapitres structurés comme un thriller (publiés sur une année), ce récit de Jeph Loeb et Jim Lee assume d’emblée une ambition : parcourir toute la richesse de la mythologie de Batman, tout en l’ancrant dans une intrigue contemporaine et tendue.

    1. La rançon
    2. L’ami
    3. La bête
    4. La ville
    5. Le combat
    6. L’opéra
    7. La blague
    1. Le défunt
    2. Les assassins
    3. (interlude) La cave
    4. La tombe
    5. Le jeu
    6. La fin

    Il en résulte une œuvre dense, un poil confuse dans son dénouement, mais toujours généreuse en matière de tension dramatique, de flashbacks poignants, de cliffhangers en fin de chapitres et de visuels à couper le souffle.

    « Tuer un homme n’est pas seulement détruire ce qu’il fût… Mais ce qu’il aurait pu être. »

    – Batman

    Une enquête à visages multiples

    Loeb construit son récit comme une véritable enquête policière : Batman est confronté à une série d’événements chaotiques, chacun semblant orchestré pour l’atteindre à la fois physiquement et psychologiquement. La galerie des suspects s’allonge à chaque chapitre : Killer Croc, Catwoman, Poison Ivy, le sphinx, Ra’s Al Ghul, l’Épouvantail, Double-Face… jusqu’au Joker ou à l’intervention de Superman lui-même. Et les rebondissements sont nombreux !

    Chacun de ces supervilains a globalement droit à un chapitre dédié. Certains sont poignants, comme celui dédié au Joker qui, sous couvert d’un long affrontement physique, s’avère trés poignant. Il revient sur le lien qui unit le Chevalier Noir et le Clown, balayant les crimes les plus attroces que ce dernier ait commis (le handicap et viol de Barbara Gordon, le meutre de Jason Todd, celui du lieutenant Essen…) et rendant poreuse la ligne rouge que Batman n’a jamais osé franchir : tuer le Joker. D’autres chapitres sont cependant plus anecdotiques, comme ceux centrés sur Ra’s Al Ghul ou le Sphinx.

    Chacun de ces antagonistes agit de façon atypique, comme s’il avait été amélioré ou manipulé. Un fil rouge se dessine : un mystérieux homme aux bandelettes semble tirer les ficelles. Notez que Silence – puisque c’est son nom – n’est pas nommé avant la toute fin du récit. Et il faudra attendre les dernières pages pour que lson soit révélée — dans un twist retors et volontairement ambigu. Un choix scénaristique qui divisera, car si l’ensemble fonctionne, la résolution reste confuse, avec un enchevêtrement artificiel de complicités et un recours peu explicite aux Puits de Lazare 2.

    Ce goût du mystère rappelle immédiatement Un long Halloween, autre œuvre de Loeb :

    • Même rythme en 12 chapitres,
    • Même connaissance (superficielle) de la mythologie batmanienne requise,
    • Même jeux sur les faux-semblants,
    • Même volonté de puiser dans toutes les dimensions de Gotham…
    • Et conclusion similaire, un peu décevante en vis à vis des péripéties qui tiennent en haleine.

    Bruce Wayne, Batman, et les masques des émotions

    Un des ressorts majeurs de la narration repose sur l’alternance entre Bruce Wayne et Batman. Là où le justicier affronte ses ennemis avec la froideur de l’analyse, Bruce révèle ses failles, ses douleurs, ses attachements : notamment via sa relation avec Tommy Elliot, chirurgien et ami d’enfance (un personnage introduit dans cet album, mais dont on retrouve les ancêtres dans l’excellent récit des Portes de Gotham). Mais aussi, bien évidement, dans sa romance désormais assumée avec Séline Kyle, alias Catwoman.

    Le chapitre de l’opéra, réunissant Tommy, Selina, Bruce et la docteure Leslie Thompkins, offre une respiration théâtrale dans la tension continue du récit. Il réaffirme que la frontière entre l’homme et le masque n’est jamais étanche. Un aspect de Batman parfois supprimé par certains auteurs, mais que j’apprécie personnellement ! Autre exemple de ce jeu de dualité : la rencontre amusante avec Lois et Clark, qui introduit une brève mais significative tension entre Batman et Superman (manipulé ici par Poison Ivy).

    Batman + Catwoman

    La relation entre Batman et Catwoman constitue l’un des axes émotionnels majeurs du récit. Si leur rapprochement semble rapide au départ, et avec plutôt peu de pathos, leurs sentiments évoluent de manière fluide. On sent que Loeb veut poser les bases d’une relation adulte, conflictuelle mais sincère, et amenée à se poursuivre…

    « A chaque pas que nous faisons l’un vers l’autre, on dirait… que nous nous éloignons. »

    – Batman

    Cependant, un point faible demeure : Selina ignore l’identité de Bruce alors qu’elle fréquente Bruce Wayne dans le civil — un détail peu crédible, qui casse momentanément l’illusion réaliste. Malgré cela, les scènes entre les deux personnages restent parmi les plus intenses du récit.

    Le bestiaire de Gotham en ébullition

    La richesse de Batman Silence tient aussi dans sa capacité à mobiliser, sans les noyer, une bonne partie des figures emblématiques de Gotham. Chacun est croqué avec soin : le Joker (terrifiant), Killer Croc (désormais reptile géant, à la limite du Lézard de Spider-Man), Poison Ivy (belle, glaciale et dangereuse), Lady Shiva (costume douteux mais chorégraphie percutante), etc. A ceux là s’ajoute la batfamily : Huntress (la justicière paria et expéditive), Nightwing (l’un de mes chouchous, hélas anecdotique ici), Robin (Tim Drake, parfaitement exploité)… Et même un double-face qui a désormais un visage complètement humain ; l’on en saura pas plus, sinon que l’explication est certainement dans un autre récit antérieur à celui-ci.

    « Je vais te mettre KO avant que tu ne blesses quelqu’un. Moi, par exemple. »

    – Catwoman

    Certains choix de design ne feront pas l’unanimité (notamment celui de Croc), mais l’ensemble reste cohérent. Le retour de Jason Todd (ancien Robin de Batman pourtant mort et enterré) dans un combat dantesque sous la pluie et un ciel rouge, offre une séquence visuelle et émotionnelle particulièrement marquante. Une double page finale d’une puissance symbolique rare assure le climax de l’album.

    La virtuosité graphique de Jim Lee

    Jim Lee (qui a officié dans le trés bon Crise d’Identité) livre une performance d’anthologie. Son trait réaliste, dynamique, précis, s’illustre autant dans l’action que dans les pauses réflexives. Le découpage est savamment construit, avec des alternances de temporalité habilement gérées. Les flashbacks en aquarelle apportent une touche éthérée bienvenue, tandis que les pleines pages (le baiser de Catwoman, Superman sous contrôle mental…) s’imposent comme des tableaux iconiques.

    Certaines compositions sont très techniques, jouant avec l’agencement des cases et le découpage des actions, celle-ci étant toujours parfaitement lisibles.

    La qualité des costumes est également à souligné, tant la nuance est souvent difficile à trouver entre le classe et le ridicule, dans l’univers des superhéros (sans tomber dans la facilité du quelconque.)

    Il emploie également la technique du ghosting pour détailler certains scènes. Vous pouvez en retrouver un exemple dans ce petit article dédié.

    Un écrin éditorial d’une rare richesse

    L’édition française dont je dispose (qui n’est pas celle proposée en réédition en cette année 2025) proposée par Urban Comics est particulièrement généreuse. En plus du récit principal, le lecteur y trouve :

    • Une longue interview croisée de Loeb et Lee, par chat internet, qui revient sur les coulisses du projet. Une partie de cette interview a récemment été mise en ligne sur le site de Urban : voyez ici. C’est assez amusant et interessant de lire leurs échanges, à froid, sur la création de l’album. Notez qu’ils mentionnent à de nombreuses reprises leur coloriste (Alex Sinclair) et leur encreur (Scott Williams), illustrant ainsi le fonctionnement de leur petite équipe artistique.
    • Une galerie de couvertures. Magnifiques. Notez que nombre d’entre elles sont des couvertures allégoriques, comme explicité par Lee lui-même dans les annexes de l’album.
    • Des commentaires détaillés pour chaque chapitre, accessibles en fin d’album. Rien de révolutionnaire, mais intéressant néanmoins : l’on voit à quel point les dessinateurs aiment cacher des allusions plus ou moins obscures.
    • Un sketchbook retraçant les étapes des compositions graphiques des planches (crayonnés, puis dessins avancés).

    Seul défaut : l’absence de numérotation sur la plupart des pages rend difficile la corrélation entre les planches et les commentaires évoqués ci-dessus. Dommage pour un objet par ailleurs si bien édité.

    Conclusions

    Batman Silence est une fresque de l’intime et de l’héroïque, du doute et de la rage. Malgré un dénouement perfectible, il s’impose comme un jalon important de la continuité du Chevalier Noir, et comme l’une des plus belles prestations graphiques de Jim Lee.

    À la croisée du thriller, de la tragédie et du feuilleton, Silence ravira les lecteurs aguerris et passionnera ceux qui aiment décortiquer les rouages narratifs d’un récit à la construction ciselée. Un chef-d’œuvre peut-être imparfait, mais nécessaire.

    Sachez qu’à l’heure où j’écris cet article, Urban comics publie en français un Silence 2 (Déjà évoqué dans l’édito mentionné ci-dessus, il y a plus de 10 ans !), signé des mêmes auteurs. Certainement me plongerai-je dedans sous peu…

    1. Une reconstruction d’ailleurs un peu simpliste à mon goût, mais là n’est pas la question…[]
    2. Capables de ressusciter, dans la mythologie de Batman, et largement employés par Ra’s Al Ghul[]
  • Alter Ego – Ultimatum : fin sans vertige d’un puzzle ambitieux

    Alter Ego – Ultimatum : fin sans vertige d’un puzzle ambitieux

    Fouad vient d’être tué…

    Darius est en soins intensifs…

    Mais c’est Jason que nous retrouvons, poursuivi par les agents de la NSA à la solde de Noah. Rapidement rattrapé, il passe un pacte avec ce dernier : en tant que médium, il peut aider à localiser Camille. En faisant cela, il l’empêcherait de révéler l’immense conspiration ourdie par Kaiji autour de la découverte des Alter Ego…

    De son côté, Camille, aidée par Miep, tente de convaincre Miranda Grynson de révéler ladite conspiration.

    Alter Ego est une série atypique car elle peut se lire dans (presque) n’importe quel ordre ! Récit chorale, il est proposé au lecteur de suivre un personnage différent par album, dans des péripéties qui se croisent et finissent par converger vers la conclusion. Thriller d’anticipation avec un soupçon de fantastique, il se décline en deux saisons de 11 tomes au total :

    • La saison 1 propose six tomes achroniques avant de lire le tome de conclusion ;
    • La saison 2 contient trois tomes également lisibles dans n’importe quel ordre avant l’ultime tome.

    « Ultimatum » est donc le tome de conclusion de la saison 1.

    Un scénario surchargé, une tension sous contrôle

    L’ambition scénaristique de Ultimatum est manifeste : conclure cette saga chronique ; mais l’exécution n’est sans doute pas tout à fait à la hauteur. Le récit, tout en poursuivant la dynamique de fuite initiée dans plusieurs des précédents tomes, souffre d’une construction trop dense et par endroits artificielle. La réunion de certains personnages-clefs (comme Darius ou Park) paraît forcée, et certaines (ré)introductions nuisent à l’impact narratif ; je pense notamment à Park, dont la présence précipitée gâche le climax de son propre arc.

    Si l’on apprécie le fait de boucler toutes les intrigues dans une véritable conclusion sans rappel des épisodes précédents1, le rythme est déséquilibré, et la fin, privée de twist ou de climax marquant, échoue à provoquer une véritable émotion. Il faut néanmoins saluer la décision scénaristique de rompre avec le sempiternel statu quo : la révélation mondiale des Alter Ego dans les dernières pages constitue un choix fort, qui tranche avec les fins de série plus conservatrices.

    Un casting inégalement exploité

    Les figures centrales – Camille et Kaiji – restent fascinantes. Le secondse révèle une fois de plus insaisissable, à mi-chemin entre stratège froid et idéaliste borderline :

    • Est-il un personnage complexe et retord, incompris mais avec de bonnes intentions et pour qui la fin justifie les moyens ?
    • Est-il un arriviste fini aux méthodes inhumaines assumées, recherchant uniquement le profit ?

    Ses motivations, laissées volontairement un peu ambigües, nourrissent l’ambivalence morale du récit. Camille, quant à elle, porte sur ses épaules le fardeau de la vérité, incarnant une forme de résistance solitaire contre un système tentaculaire.

    À l’inverse, certains personnages secondaires, à l’instar de Miranda Grynson ou Noah, peinent à sortir de leurs archétypes : la première reste sous-développée, le second confirme sa fonction d’antagoniste (archétype de l’ombre) sans nuance.

    Ambiance et mise en page : la réussite du découpage

    Visuellement, l’album se distingue par une ambiance travaillée. Le récit de fuite se reflète dans une mise en page tendue et une atmosphère oppressante poussé par un décompte du temps plutôt original : le nombre d’heures écoulées depuis la mort de Fouad. Le choix d’insérer un strip noir en bas de certaines doubles pages – révélant peu à peu les aveux de Suzanne – est une excellente idée de rythme et de narration différée, qui renforce l’aspect puzzle de la série.

    Autre élément remarquable : la présence d’un compte à rebours2, suggéré par une barre noire entre les ellipses d’intercase, qui installe une tension supplémentaire. Ce dispositif, à la fois graphique et temporel, donne à l’album une allure de thriller scientifique.

    Graphiquement, l’album reste dans la veine de la série : efficace, lisible, sans fulgurance. Le charadesign, sobre mais expressif, fait le travail. Les décors et la colorisation soutiennent bien l’ambiance générale, même si aucune séquence ne se distingue vraiment sur le plan visuel.

    Les thématiques en filigrane

    Sans marteler son propos, Ultimatum aborde des thèmes puissants : le poids du devoir, la légitimité de la vérité, ou encore la vanité du contrôle sur la nature humaine. Ces réflexions (déjà présentes dans les albums précédents) enrichissent le récit, même si elles mériteraient d’être plus incarnées à travers les dialogues ou les situations.

    Au final, malgré des qualités de construction et une atmosphère prenante, ce dernier tome souffre un peu de la densité de son propos et de son absence de réel vertige narratif. Il conclut la première saison sans éclat, mais avec une cohérence certaine.

    1. Il est particulièrement nécessaire d’avoir en tête les albums Fouad, Noah et Camille[]
    2. Sorte de (dé)compte opposé à celui basé sur la mort de Fouad.[]
  • Mort de Thrawn

    Mort de Thrawn

    Lorsque j’avais lu les romans du cycle de Thrawn, je me souviens avoir été particulièrement marqué par la mort du Grand Amiral Thrawn, l’antagoniste génial de cette saga Star Wars se déroulant quelques années après le Retour du Jedi. Je me souviens du choc, mais aussi de la frustration de constater que le grand méchant se fait lâchement assassiner, en pleine bataille spatiale, alors qu’il est au sommet de sa gloire…

    Dans la version comics, la composition est de la page de la mort de Thrawn propose une composition de qualité. Encadrée par deux bandes blanches vides (haut et bas), ces cases sont ainsi figurativement isolées du reste de l’album.

    La première vignette (un tiers de la hauteur) sur toute la largeur surprend, montrant Thrawn en contre-plongée arborant une tâche de sang sur son uniforme immaculé. Un insert sur ses yeux rouges souligne son ultime amour pour l’art.

    La seconde vignette (deux tiers de la hauteur) illustre la débâcle qui suit la mort du chef suprême de l’Empire, tandis qu’une second insert zoom sur ces yeux désormais vides.

    Un bien beau travail de composition !

  • Alter Ego – Park : Mémoire tropicale, thriller sous les palmiers

    Alter Ego – Park : Mémoire tropicale, thriller sous les palmiers

    Park vit dans un lieu paradisiaque, quelque part sur une île des Bermudes. Plage, eau turquoise, jolies filles, cinéma et jeux vidéos… Il est logé dans une immense résidence où le personnel est aux petits soins. Mais en réalité, où est-il ? Pourquoi est-il là ? Et surtout, qui est-il ? Petit à petits, ses souvenirs refont surface…

    Il vit en Corée du Sud.

    Il a une famille.

    Il a été enlevé !

    Avec ce tome centré sur Park, la série Alter Ego explore une nouvelle facette de son univers : l’amnésie programmée. Tout commence dans une atmosphère de luxe et de volupté, (presque) trop belle pour être honnête. Le lecteur, comme le personnage, se laisse d’abord porter par le cadre enchanteur — plages, plaisirs sensoriels, oisiveté insouciante— avant de rapidement percevoir les failles de cette réalité artificielle. Ce décor cache en fait une prison dorée… Et le retournement de situation est d’autant plus efficace que le récit progresse sans hâte, avec une montée en tension bien calibrée.

    Park, colosse coréen au passé incertain, incarne une figure à la fois vulnérable et explosive. Sa morphologie atypique (notamment un menton proéminent) participe au décalage visuel et narratif du personnage, sans jamais nuire à son expressivité. La révélation progressive de son identité et des raisons de son enlèvement constitue le moteur principal de la narration, soutenue par une double page remarquable, figurant l’effondrement de l’oubli et la résurgence de sa mémoire.

    Parmi les personnages secondaires, on retrouve Zélia et Marina — qui sont les alter ego à la fois de Park mais aussi de Noah — mais aussi des figures mystérieuses dont les interventions, bien que providentiellement salvatrices, trouvent leur cohérence narrative dans les autres volumes de la série (Fouad et Jonas en tête, chacun comme une déclinaison de l’archetype de l’aidant providentiel). Car rappelons-le…

    Alter Ego est une série atypique car elle peut se lire dans (presque) n’importe quel ordre ! Récit chorale, il est proposé au lecteur de suivre un personnage différent par album, dans des péripéties qui se croisent et finissent par converger vers la conclusion. Thriller d’anticipation avec un soupçon de fantastique, il se décline en deux saisons de 11 tomes au total :

    • La saison 1 propose six tomes achroniques avant de lire le tome de conclusion ;
    • La saison 2 contient trois tomes également lisibles dans n’importe quel ordre avant l’ultime tome.

    Ce volume, « Park », adopte résolument les codes du récit d’action et d’évasion : courses-poursuites, trahisons, rebondissements. La progression de Park, devenu fugitif dans la seconde partie de l’album, résonne avec une thématique classique mais toujours efficace : celle de l’individu broyé par une organisation qui le dépasse (thème récurrent de la série).

    Quelques choix scénaristiques osés (dont une sexualité débridée) renforcent la sensation d’instabilité permanente. Le contraste entre la carte postale tropicale et les secrets qu’elle recouvre fonctionne particulièrement bien pour souligner les tensions dramatiques. Et le twist final marquera sans aucune doute durablement le lecteur…

    Le dessin reste dans la veine homogène de Alter Ego : lisible, fonctionnel, sans envolée graphique mais avec un charadesign cohérent. Le soin apporté à la composition, notamment dans certaines planches clés, permet toutefois de compenser une palette plutôt sage.

  • No Man’s Land : Gotham, cité détruite…

    No Man’s Land : Gotham, cité détruite…


    Batman No Man’s Land (NML) est une saga emblématique des années 90. Immense crossover de l’univers du Chevalier de Gotham, il commence avec le récit « Cataclysme » dans lequel Gotham City subit un tremblement de terre dévastateur. Par la suite, la ville est officiellement abandonnée par le gouvernement des USA, et devient le No Man’s Land, un territoire sans foi ni loi… littéralement !

    Dans cette Gotham post-apocalyptique, la quartiers sont divisés et contrôlés par différentes factions, certains sont aux mains de gangs, d’autres sont plus ou moins tenus par les restes du GCPD (la police désormais non-officielle), d’autres encore son aux mains de divers supervilains (le Pingouin, Double-Faces, le Joker…) tandis que d’autres sont sécurisés par Batman ou ses alliés.

    En particulier, Batman pourra compter sur Nighwing, son plus fidèle ami (le premier Robin), mais également sur Azrael, son Robin actuel, Catwoman dans certaines circonstances… ainsi qu’une mystérieuse nouvelle Batgirl.

    Dans cet article-bilan, je vous propose de revenir sur quelques aspects de cette saga chorales, en suivant le déroulé suivant :

    Entre cataclysme et NML

    Il est important de noter qu’entre les publications françaises de Cataclysme et du premier tome de No Man’s Land, de nombreuses publications américaines furent éditées aux USA sans qu’elles nous parviennent de ce coté-ci de l’Atlantique. En particulier, dans les séries principales, on peut constater d’énormes « trous » dans la continuité qui nous est proposée dans la saga :

    Publications aux USADernier issue dans « Batman Cataclysme »Premier issue dans « NML #1 »
    Detective comics#721#730
    Batman#554#563
    Batman : Shadow of the bat#74#83
    Batman chronicles#12#16

    Une partie de ces numéros manquants est (très rapidement) résumée dans l’édito proposée par Urban Comcis dans le premier tome de NML :

    […] Cette succession de catastrophes trouva son point culminant avec un gigantesque séisme qui détruisit les infrastructures et coupa Gotham du reste des États-Unis. Bruce Wayne tenta d’user de son poids financier et politique pour demander au niveau fédéral une aide conséquente, mais celle-ci lui fut refusée. Pendant ce temps, les habitants de Gotham fuyaient les ruines de leur ancienne cité et les haines et tensions furent attisées par Nicholas Scracth, une rock-star au pouvoir hypnotique surhumain. Scratch réussit à convaincre le gouvernement d’ordonner une mise en quarantaine de Gotham, déclarée No Man’s Land. Et depuis, plus personne n’a aperçu la silhouette de l’Homme Chauve-Souris..

    Aprés quelques recherches, il y a plus 60 issues qui permettent de connecter le séisme à la mise en place du No man’s land, en particulier dans les séries Azrael (10 issues), Batman (8), Détective Comics (8), Robin (11), et Shadow of the Bat (9).

    Toutefois, rassurez-vous, nulle besoin de combler le trou en question pour apprécier l’ensemble de la série 1.

    En savoir plus…

    Si vous voulez le détail des publications manquantes, voyez ce lien (en anglais) :

    Road to ‘No Man’s Land’ reading order

    Histoire générale

    Au début de la saga, la ville ravagée est subdivisée en quartiers, chacun aux mains de différents gangs. Chaque gang lutte pour maintenir ses frontières et/ou les élargir, au plus grand désespoir des rescapés qui n’ont pas fuit la ville et tentent de survivre malgré tout. Progressivement, un nouveau groupe gagne du terrain : les « gars en bleu », constitué des restes du GCPD, la police de Gotham, menée par Jim Gordon.

    Petit à petit, les justiciers (Nightwing, Robin, Batgirl, Azrael…) tentent de faire pencher la balance, tout en protégeant la veuve et l’orphelin, qui n’ont jamais été aussi menacés. Mais quand Batman réapparait enfin, l’espoir renait…

    …pourtant, les supervilains de Gotham ne sont jamais loin, et tandis que les petits chefs de gangs disparaissent progressivement, ce sont les ennemis emblématiques du Chevalier Noirs qui prennent les rênes des différents quartiers : le Pingouin, Poison Ivy, Mister FReeze, Double Face, et bien sûr le Joker.

    Finalement, il ne faudra rien de moins que Lex Luthor (le milliardaire trouble, ennemi juré de Superman) pour lancer la reconstruction de la ville ; mais à quel prix ?

    Retrouvez l’ensemble de mes critiques ci-dessous, tome par tome :

    Mapping des issues

    Comme je l’avais indiqué dans ma critique de Batman Cataclysme, qui est le socle de toute la saga No Man’s Land, je me suis amusé au fil de ma lecture à noter les différentes issues rassemblés tout au long de ces 6 tomes, ainsi que leurs liens entre eux.

    Cela à donné la cartographie ci-dessous…

    Rassurez-vous, il n’est absolument pas nécessaire de la consulter pour suivre la saga, car Urban Comics a fait un plutôt bon travail éditorial. Je vois cette infographie plutôt comme une sorte de performance, montrant comment les comics américains peuvent être connectés et interconnectés, faisant se croiser les temporalités, les personnages… et les périodiques associés !

    Légende :

    • Les flèches en pointillés indiquent un lien plutôt fin, les flèches en traits pleins indiquent un lien direct.
    • Chacun des 6 tomes en harcover sont circonscrits en pointillés.
    • Un code couleur indique le personnages principal de chaque issue :
      • Gris = Batman
      • Bleu = Nightwing
      • Vert = Justice League
      • Rouge = Azrael
      • Marron = Catwoman
      • Jaune = Robin
      • Blanc = divers

    Ce fichier permet de faire quelques statistiques intéressantes… Afin de faire comprendre à un lecteur européen le labyrinthe éditorial que cela représente pour un lecteur américain qui suivait l’évènement au jour le jour. Voici ci-dessous les publications américaines (issues) et leur occurrences dans les 7 tomes (Cataclysme + 6 NML) compilées par Urban Comics pour constituer la saga No Man’s Land éditée en France :

    SérieNombre d’issues dans la saga
    Batman13
    Detective Comics13
    Shadow of the Bat11
    Batman: Legends of the Dark Knight10
    Azrael: Agent of the Bat10
    The Batman Chronicles11
    Robin9
    Catwoman7
    Nightwing6
    Batman: No Man’s Land2

    A cela s’ajoutent les issues (tirés ou non de séries) qui n’apparaissent qu’en un seul exemplaire :

    • Batman Blackgate: Isle of Men #1
    • Batman: Arkham Asylum: Tales of Madness #1
    • Batman: Harley Quinn #1
    • Batman: Huntress/Spoiler #1
    • Batman No Man’s Land Secret Files #1
    • JLA #32
    • Young Justice: No Man’s Land #1

    Avis général sur la saga

    En quelques mots, voici ce que je retiens de la saga, en points forts et faiblesses…

    Quand le trés bon…

    Une ambiance post-apocalyptique immersive – J’ai particulièrement apprécié la manière dont Gotham est transformée en une ville dévastée et livrée à elle-même. Cette atmosphère sombre et pessimiste, traitée avec réalisme, donne un souffle nouveau à l’univers de Batman et fait de la ville un véritable personnage central.

    La diversité des points de vue et la dimension humaine – L’accent mis sur la Batfamily, mais aussi sur des personnages secondaires comme Jim Gordon ou Catwoman, permet d’explorer différentes réactions et stratégies face à la catastrophe. Cela donne de la profondeur à l’ensemble et personnifie les différents types de réactions dans une telle situation de crise.

    La multiplicité des intrigues – La structure chorale, avec ses récits croisés et ses intrigues parallèles, reflète bien la fragmentation de Gotham et la complexité des rapports de force. J’ai trouvé intéressant de suivre les évolutions de la ville à travers différents regards, en particulier ceux de citoyens anonymes ou de flics perdus.

    Des prises de risques scénaristiques – La série n’hésite pas à sortir des schémas habituels, en mettant parfois Batman en retrait ou en abordant des thèmes rarement traités dans les comics traditionnels, comme la survie extrême ou la perte de repères.

    …côtoie le moins bon

    Une qualité graphique et narrative inégale – J’ai été frappé par la disparité entre les différents chapitres (y compris au sein d’un même tome), tant au niveau du dessin que du scénario. Certains arcs sont très réussis, d’autres nettement moins, ce qui crée un ensemble globalement assez déséquilibré.

    Une tendance à la répétition et à l’essoufflement – Au fil des tomes, une certaine lassitude s’installe, avec des situations ou des thèmes qui reviennent et s’essoufflent ; et un fil rouge (comment Gotham s’en sortira ?) qui a du mal à avancer de façon cohérente, surtout dans les volumes les plus récents où la structure anthologique nuit à la progression de l’intrigue principale.

    Un développement inégal des personnages – Certains personnages, qu’ils soient principaux ou secondaires, manquent de profondeur ou sont sous-exploités (comme l’Epouvantail ou Nicholas Scratch), ce qui limite l’impact de certaines histoires ou de certains antagonistes.

    En résumé, No Man’s Land est une saga ambitieuse, originale et marquante, mais qui souffre de quelques défauts structurels et d’une qualité inégale sur la durée.

    Évolution de la ville

    Au fil des albums de NML, il nous est proposé des cartes de la ville, avec en légende les factions contrôlant la cité en ruine… Sans être parfaitement lisibles ou réalistes, ces cartes permettent de donner de la profondeur au lore, et augmentent l’immersion dans la cité ravagée.

    Comme beaucoup de villes dans l’univers de DC Comics, Gotham City est une ville imaginaire (même si elle était autrefois largement inspirée de New York). Toutefois, elle est la seule à avoir un représentation qui la rend plus tangible que n’importe quelle autre ville fictive : une carte officielle !

    En fait, l’on devrait plutôt dire « des » cartes, car évidement, chaque auteur et chaque média a eu l’occasion de se l’approprier et de la modifier à sa guise. Toutefois, Gotham City a bien eu droit à une carte précise et cohérente, dessinée par Eliot R. Brown à l’occasion de… la saga No Man’s Land, précisément ! En effet, celle-ci fut réalisée afin de servir de « bible » à l’ensemble des créatifs qui participaient à l’évènement : elle permettait de localiser les environnements, les forces en présence, et les actions diverses en garantissant une unité de lieu.

    Aprés ce gigantesque cross over, la carte de Brown est devenue canon, et l’on situe souvent Gotham City dans l’état du New Jersey, non loin de Métropolis. S’inspirant largement de Manhattan, Gotham est donc une cité s’étalant sur quatre grandes îles (et de multiples plus petites). Elle est dotée de parcs, de quartier chics, de zones résidentielles, de docks, de quartier d’affaire, mais aussi de quartiers pauvres (les Narrows) et d’un China Town. On y trouve des sites marquants tels que ACE Chemical2, la Tour Wayne, le pénitencier de Black Gate et bien sûr l’asile d’Arkham !

    Gotham City est reliée au continent par plusieurs grands ponts… qui sont centraux dans l’intrigue du très bon comics « Les Portes de Gotham« .

    Sans entrer dans les détails, Gotham3 dispose évidement de sa propre histoire intradiégétique, histoire qui varie bien évidement d’un auteur à l’autre, mais dans laquelle l’on retrouve quelques constantes… Elle aurait été fondée par des mercenaire norvégiens, même si certains auteur y associent une origine plus sombre et gothique avec l’invocation d’un démon chauve-souris (tient donc !) par ses premiers habitants… Presque détruite durant la révolution américaine, elle fut reconstruite au XIXème siècle par 4 grandes familles : les Kane, les Crown, les Cobblepot et les Wayne. Plaque tournante du crime organisé depuis le début du XXième siècle, elle était contrôlée par deux familles mafieuses italiennes avant l’avènement de Batman : les Falcone et les Maroni.

    Conclusion

    Faut-il lire No Man’s Land ? Oui. Si vous êtes un adepte de Batman et de son univers, c’est un évènement incontournable dans le canon du Chevalier Noir, dont les répercussions auront marqué son histoire à jamais.

    Est-ce un bon point d’entrée dans l’univers de Batman ? Non. La saga NML propose une variation forte dans une ville ravagée nimbée d’une atmosphère post-apocalyptique. Les personnages bien connus du lecteur se retrouvent dans des situations inédites ; mais pour être appréciées, elles nécessitent donc que le lecteur dispose d’un socle de connaissances de base solides.

    La lecture est-elle agréable ? Ca dépend. La série est longue (plus de 2000 pages), très morcelée, signée de dizaines d’auteurs et mettant en scènes des personnages différents et suivants leur propre trajectoires (éditoriales et intradiégétiques). Le résultat est inégal, caléidoscope, très variable, où le très touchant frôle le très dispensable.

    1. Cela peut d’ailleurs surprendre, de pouvoir ainsi s’affranchir de plusieurs dizaines de publications sans constater de grosses lacunes de narration…[]
    2. Dans laquelle un accident créa le Joker.[]
    3. Le nom de « Gotham », qui est en réalité un surnom bien réel de New York, servirait à désigner les lieux peuplés d’idiots et de fous, suite à une légende anglaise du XIV siècle… Ainsi, Gotham City serait voulue comme étant littéralement une sorte d’asile à ciel ouvert imaginé par les premiers auteurs des aventures de Batman.[]
  • Alter Ego – Noah : le salaud au sommet

    Alter Ego – Noah : le salaud au sommet

    Noah est le fils du président des Etats-Unis. Rien que cela. Beau gosse. Il n’en est pas moins ambitieux et peu moral.

    Un jour, il lui est imposé un mystérieux protocole, nécessitant de le mener aux 4 coins du monde pour des raisons tout aussi floues que sa soi-disant santé…

    Mais l’effet est inverse. Quoi qu’on lui ait fait subir, Noah sombre dans une dépression aussi profonde que fulgurante… Est-ce à cause de ces personnes qui lui semblent liées, sans qu’il ne sache pourquoi ?

    Ce tome « Noah » s’inscrit dans la continuité d’une fresque chorale ambitieuse, mais il constitue indéniablement l’un des maillons les plus faibles du puzzle narratif. Le scénario, embrouillé et lacunaire, s’appuit énormément sur la connaissance préalable du lore de la série (la résidence des Bermudes, les entités, les puces de localisation…). Sans cela, le lecteur risque d’être condamné à une errance frustrante dans un récit décousu, où le protagoniste, pourtant présenté comme le fils du président des USA, suit trop passivement un protocole obscur sans jamais en interroger les fondements (du moins dans la première partie).

    Noah est sans doute le seul personnage principal antipatique et véritablement immoral de toute la série ; et c’est notable. Ce choix de mise en scène radical ne manque pas d’intérêt, en ce qu’il dérange et trouble, notamment par contraste avec les autres tomes plus empathiques. En miroir, la trajectoire de Zélia aurait mérité plus d’épaisseur (et son traitement est même carrément dérangeant) ; elle aurait pu représenter une part du contrepoids émotionnel du récit, mais c’est un rendez-vous raté.

    A cela s’ajoutent des faiblesses structurelles supplémentaires, comme :

    • Une progression erratique du récit et des enchaînements artificiels
    • Des dialogues peu marquants
    • Une intégration laborieuse des enjeux de la série-mère

    Soulignons un lien particulièrement fort avec les albums Fouad et Park.

    Sur le plan graphique, Noah déçoit. Les planches, d’un classicisme sans éclat, manquent cruellement de souffle. L’absence de panoramas et la simplicité du trait nuisent un peu à l’immersion. Et si le charadesign reste globalement efficace, il peine à rattraper l’austérité d’un découpage pauvre en ambitions visuelles.

    La tension psychologique, diffuse mais réelle, est sans doute l’élément le plus abouti de l’album. Ce sentiment de malaise, accentué par le décalage entre un dessin simple et un fond moralement glauque, reste en mémoire. Mais il aurait gagné à être mieux mis en scène.

  • Acrobate vs Cambrioleuse

    Acrobate vs Cambrioleuse

    La case ci-dessous est issue de l’excellent Batman Silence, que je suis en train de relire – la critique est à venir très bientôt. Elle nous montre un impressionnant combat tout en acrobaties entre Harley Quinn (compagne du Joker pour le meilleur et surtout pour le pire) et Catwoman (compagne ambiguë de Batman)…

    Pour représenter ce combat, Jim Lee a choisir une technique d’illustration que l’on retrouve régulièrement dans les comics : le ghosting !

    Nota bene

    Ce nom n’est pas vraiment officiel, et n’a pas réellement d’équivalent en français… On pourrait la nommer décomposition du mouvement ou séquence d’action dans la langue de Molière, tandis qu’on la désigne parfois comme motion sequence ou overlapping action dans celle de Shakespeare.

    Le principe est de représenter le (ou les) personnage plusieurs fois dans une même case afin de décomposer son mouvement, contrairement à une narration séquentielle traditionnelle en plusieurs vignettes. De cette manière, une action complexe est représentée phase par phase ; notez que l’on retrouve cette approche dans les storyboards 1. Ci-dessus, l’auteur ajoute un effet de transparence (qui colle bien au terme de ghosting, qui signifie image fantôme), en ne laissant que la dernière itération du personnage avec des couleurs et une texture standard.

    Chacun ses goûts, mais pour ma part c’est une représentation du mouvement que j’aime beaucoup. Je trouve que l’oeil glisse agréablement sur les silhouettes, ce qui permet au lecteur de lire les déplacements avec beaucoup de clarté et de fluidité. Et vous, qu’en dites-vous ?

    1. Au cinéma ou dans les travaux préparatoires de BDs…[]