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  • Situations dramatiques de George Polti : 1 à 18

    Situations dramatiques de George Polti : 1 à 18

    Il y a plus de 130 ans, Georges Polti proposait un référencement des 36 situations dramatiques de base. D’après lui, il s’agit des configurations archétypales autour desquelles les histoires se construisent, grandes fresques comme péripéties anecdotiques… Pour en savoir plus, voyez mon article bilan, lien à la toute fin de cet article.

    Ainsi, j’ai entrepris un petit exercice : proposer un résumé simple de chacune, avec un ou plusieurs exemples tirés de la BD ou des comics !

    Ci-dessous sont détaillés les 18 premières situations de Polti avec pour chacune :

    • Une description succincte en une phrase (les termes en gras sont proposés par Polti lui-même) ;
    • Un bref élargissement de la situation basé sur les propositions et variantes de Polti ;
    • Un ou plusieurs exemples dans la BD franco-belge ou les comics (en italique).

    Gorn, tome 1

    1. Implorer

    Le suppliant fait appel à la puissance indécise pour être délivré du persécuteur.

    Polti explore ici la tension du désespoir et de la dépendance : le suppliant, impuissant face à l’adversité, cherche secours auprès d’une autorité morale ou physique (bienveillante ou pas). Les variantes montrent autant de nuances entre piété, humiliation, quête de pardon ou de refuge, soulignant la fragilité humaine confrontée à l’indifférence du pouvoir.

    Exemples :

    • Gorn 1 implorant les démons des enfers de le laisser revenir auprès de ses proches.
    • Tjall suppliant le pardon de Thorgal dans le Cycle de Qa.
    • Lanfeust demandant l’aide des dieux du Darshan.

    2. Le Sauveur

    L’infortuné est mis en danger par le menaçant mais est arraché à son destin funeste par le sauveur.

    Cette situation dramatique repose sur le retournement providentiel : l’apparition du sauveur transforme le désespoir en délivrance. Les déclinaisons de Polti évoquent autant la rédemption individuelle que le salut collectif, mettant en valeur la figure héroïque ou bienveillante qui renverse la fatalité.

    Exemple :

    • L’humanité condamnée par ses propres actes passés, et sauvée par les aliens dans La Saga Renaissance.
    • Toute saga de fantasy metant en avant un élus (archétype du héros, typique du Voyage du héros) :
      • Lanfeust de Troy
      • J’on le Chninkel
    Le traumatisme initial de Bruce Wayne

    3. La vengeance poursuivant le crime

    Le coupable commet un méfait impuni : le vengeur rétablit alors la justice en le punissant.

    Polti décline la vengeance sous ses multiples visages : familiale, sentimentale ou sociale. Chaque version illustre le rééquilibrage moral du monde, souvent au prix d’une spirale de violence. Le vengeur, figure de la justice personnelle, devient le reflet des failles de la loi et du destin tragique du justicier.

    Exemples :

    • Cade Skywalker, affrontant les sith dans Star Wars Legacy plus par vengeance que par conviction profonde,
    • Bruce Wayne prenant la cape dans The Knight.

    4. Venger proche sur proche

    La victime a subi les actes du parent coupable. Elle est liée à ce dernier mais aussi au parent vengeur qui veut rétablir la justice.

    Cette situation assez particulière explore la fracture au sein du lien familial : vengeance, loyauté et culpabilité s’y entrelacent. Polti y met en lumière la complexité morale du châtiment infligé à un proche, où la justice devient inséparable du sacrifice affectif et du drame des liens du sang.

    Exemple : La condamnation de Noah, meurtrier de Teehu, par le reste de son entité dans le final de Alter Ego Saison 2.

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    New Byzance tome 1

    5. Traqué

    Le fugitif fuit un châtiment injuste.

    Le thème du traqué renverse les rôles du coupable et de la victime. Polti en propose plusieurs variantes : la fuite politique, amoureuse ou existentielle. Cette poursuite symbolise la résistance de l’individu face à un ordre oppressif, où la survie devient un acte de liberté (intérieure) ou de révolte.

    Exemple :

    • Zack qui fuit l’Utopie Fondamentaliste dans New Byzance #1.
    • La traque du mystérieux coffret de Killing Time, en possession du Sphinx et de Catwoman qui fuient durant tout le récit.
    • La traque de Luke par l’Empire mais aussi par le Soleil Noir dans les Ombres de l’Empire.

    6. Désastre

    Le puissant frappé chute de sa place après avoir été terrassé par l’ennemi vainqueur.

    Polti décrit le désastre comme la perte de pouvoir, de fortune ou de sécurité. Qu’il s’agisse de défaite militaire, de catastrophe naturelle ou d’ingratitude personnelle, chaque déclinaison souligne l’effondrement d’un ordre établi et les conséquences dramatiques pour ceux qui y étaient attachés.

    Exemples :

    • Plusieurs protagonistes successifs dans les luttes de pouvoir de la saga Les 5 Terres.
    • Superman, archétype du superhéros sans peur et sans reproche, chute en préambule de Injustice #1.
    • Picsou ruiné dans ses déboires avec les nouvelles technologiques.
    Alis

    7. En proie

    Le faible souffre à cause du malheur.

    Cette situation met en scène l’impuissance face aux événements ou face aux autres. Les déclinaisons révèlent la vulnérabilité de l’innocent, dépouillé ou oublié, ainsi que la misère des puissants déchus, illustrant comment la souffrance peut frapper toutes les couches sociales.

    Exemple :

    • Alis, victime au long cours dans la quête du cruel messie Ewen.
    • Les esclaves oubliés de Tromelin.

    8. Révolte

    Le conspirateur se dresse contre le tyran.

    La révolte traduit la confrontation entre oppression et volonté de liberté. Polti distingue les actions individuelles et collectives, montrant comment un seul protagoniste peut déclencher un mouvement ou comment une insurrection de groupe s’organise pour défier le pouvoir tyrannique.

    Exemples :

    • L’homme masqué V dans le cultissime « V pour Vendetta ». (Exemple ultime !)
    • Darko se dressant contre l’église de la Lumière dans les Forêts d’Opale.
    • Cixi se complotant contre Thanos dans Lanfeust.

    9. Entreprise audacieuse

    Le leader audacieux conquiert l’objet désirable en étant vainqueur sur l’adversaire.

    Polti décrit l’entreprise audacieuse comme un affrontement entre désir et obstacles. Les variantes vont de la guerre aux expéditions aventureuses, en passant par la quête amoureuse ou la conquête d’objets précieux, illustrant le courage, la stratégie et la ruse nécessaires pour triompher.

    Exemples :

    • Picsou trouve le trésor inca et ridiculise Gripsou dans la première aventure signée par Don Rosa.
    • Les multiples péripéties de Baden Powell.
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    Naufragés d’Ythaq, tome 1

    10. Enlèvement

    Le ravisseur enlève le personnage capturé qui était sous la surveillance du gardien.

    Cette situation dramatique se concentre sur la privation de liberté et le conflit autour de la protection. Polti propose diverses variantes, allant de l’enlèvement amoureux ou d’amis, à la capture d’enfants ou d’âmes, illustrant la tension et le suspense générés par la poursuite et la sauvegarde.

    Exemple :

    11. L’énigme

    L’interrogateur pose une problématique au chercheur ce qui lui confère une meilleure capacité à atteindre ses objectifs futurs.

    Cette situation explore la tension entre la quête du savoir et l’épreuve imposée à celui qui cherche. Les déclinaisons de Polti varient entre la nécessité vitale de résoudre une énigme, la séduction mêlée au mystère, et la confrontation avec l’identité cachée de l’autre : nom, sexe ou folie.

    Exemple :

    • Silence d’en prends à Batman, devenant lui-même l’énigme, dans Batman Silence.
    • L’exploration du labyrinthe dans ARCA.
    • L’absurdité de la situation dans le premier tome de Bomb X.
    Sinbad tome 1

    12. Obtenir

    Le solliciteur réclame un objet en la possession du parti adverse qui refuse. Ils se battent pour l’obtenir ou le garder. Un arbitre décide qui acquiert finalement l’objet désiré.

    Polti décline cette situation entre la ruse, la persuasion, le vol et la confrontation arbitrée. Chaque variante met en scène le désir comme moteur dramatique : la parole, la manipulation ou la force deviennent autant de stratégies pour s’approprier un bien convoité, souvent porteur d’un enjeu symbolique.

    Exemple :

    • Sinbad vole le calice à Tubara, avec l’aide de sa gardienne
    • Dans Moi, Dragon, Made Trofen convoque une armée et installe un siège en vue de mettre la main sur le Livre de Fer.

    13. Haine de proches

    Le parent haineux et le parent haï se disputent et se haïssent.

    La « haine de proches » regroupe les conflits les plus intimes : entre frères, entre générations, ou au sein de familles recomposées. Ces variantes traduisent la déchirure du lien de sang, où l’amour trahi se mue en ressentiment profond, parfois jusqu’à la destruction ou l’infanticide.

    Exemple :

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    La Résurrection de Ra’s Al Ghul

    14. Rivalité des proches

    L’objet de la rivalité choisit le parent préféré plutôt que le parent rejeté.

    Polti illustre ici la rivalité née du choix affectif ou amoureux au sein d’un même cercle familial. Qu’il s’agisse de frères, sœurs, parents ou amis, la compétition pour l’amour ou la reconnaissance entraîne jalousie, humiliation et blessure d’ego, moteurs classiques du drame psychologique.

    Exemple : Damian Wayne choisissant Batman (père) plutôt que Talia (mère) ou Ra’s Al Ghul (grand-père).

    15. Adultère meurtrier

    L’époux adultère et l’adultère complice conspirent pour se débarrasser de l’époux trahi.

    Cette situation explore la trahison conjugale poussée à l’extrême : l’amour illicite devient moteur de meurtre et de manipulation. Les variantes mettent en scène la mort planifiée d’un époux ou d’un amant, illustrant comment passion et intérêt peuvent se mêler pour créer un drame fatal.

    Exemple : Thorgal (devenu Shaigan) et Kriss de Valnor, bannissant Aaricia et la condamnant à une mort certaine.

    16. Folie

    Le personnage fou fait du tort à la victime et/ou commet un ou plusieurs crimes.

    Polti montre la folie comme moteur de chaos et de destruction. Les déclinaisons vont du meurtre involontaire aux pertes personnelles et au déshonneur, parfois accentuées par des prophéties ou hérédités, soulignant la fragilité mentale et la tragédie qui en découle.

    Exemple :

    • Le personnage de Jack devenant le Joker dans Killing Joke et comettant des crimes gratuits dans The Winning Card,
    • Le personnage de Made Trofen (et de trop nombreux autres) dans Moi, Dragon.
    • Le personnage du Sphinx dans le One Bad Day dédié.
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    Thorgal – Les Yeux de Tanatloc

    17. Imprudence fatale

    L’imprudent, par négligence ou ignorance, perd l’objet perdu ou fait du tort à la victime.

    La situation met en lumière les conséquences tragiques de la négligence ou de la curiosité. Les déclinaisons incluent la perte d’un objet ou d’un être cher, le déshonneur ou la mort de proches, soulignant comment la maladresse ou l’ignorance peuvent devenir fatalité dramatique.

    Exemple :

    18. Involontaire crime d’amour

    L’amant découvre via le révélateur qui est vraiment son aimé.

    Polti expose ici les tragédies liées à l’ignorance et aux faux-semblants amoureux ; des situations burlesques que l’on retrouve plutôt dans le théâtre de la Renaissance et en suivant… Les variantes incluent des mariages ou relations incestueuses involontaires et des adultères inconscients, mettant en lumière le drame de la révélation et le choc moral qui s’ensuit.

    Exemple :

    • Le personnage de XIII (série éponyme de Van Hamme) a une liaison avec Jones : il est adultère sans le savoir : puisqu’amnésique, il n’a pas le souvenir d’avoir épousé Maria de Los Santos.
    • Sioban commettant un adultère (de principe) sous l’emprise d’un sortilège de Dame Gerfault malgré son amour pour Kyle of Klanach dans la Complainte des Landes Perdues

    Nous voici arrivé à la moitié de notre périple. Qu’en pensez-vous ? Auriez-vous d’autres exemples à proposer (en commentaires ci-dessous) ?

    L’autre moitié des situations de Polti sera explorée dans un prochain article.

    1. J’aime beaucoup cette série ! Critique à venir, un de ces jours.[]
  • Changement de ton dans CdS #4

    Changement de ton dans CdS #4

    Davis continue à mener à bien les missions que sa mystérieuse organisation continue de lui confier. S’attaquant cette fois-ci à un convoi, elle découvre qu’il y a de nouveau un lien avec la compagnie de Sandor G. Weltman (voir tome 2).

    En parallèle, le petit groupe formé (entre autres) par Josh, Graham et Melinda prévoit d’explorer un nouveau champs de recherche : le spiritisme ! Avec l’aide d’Alison, ils souhaitent entrer en contact avec le défunt Richard Grosvenor (dont la firme était justement la cible de Weltman) afin d’en apprendre plus sur son assassinat et l’implication des stryges. Mais cela n’est pas du goût de Kevin…

    J’ai lu ce tome beaucoup plus vite que les précédents. Aussi, j’ai du mal à distinguer si c’est moi qui ait été trop rapide, ou si c’est cet album qui n’a pas grand chose à dire…

    Faisant l’effet d’une sorte de tome de transition, sans véritable avancée, il faut reconnaitre que nous sommes à une charnière de cette « saison 1 » :

    • Corbeyran s’éloigne de plus en plus du thriller urbain nettement teinté d’étrange, un style qui était en particulier porté par le personnage de Mélinda, médecin légiste,
    • Pour entrer de plain pieds dans le fantastique et le surnaturel, via le personnage de Graham (et Josh dans une moindre mesure) qui se révèle être medium.

    De fait, là où les stryges pouvaient être brulées, où laisser des traces chimiques… elle peuvent désormais apparaitre littéralement lors d’une séance de spiritismes ! Est-ce une bonne idée ? Je n’en suis pas certain, car le ton de la série change de cap dans cet album. Pour autant, s’agissant de ma seconde ou troisième (je crois) lecture, je n’ai pas été plus désarçonné que cela. Mais j’attends de voir comme les auteurs vont jongler avec ces différentes balles scénaristiques qui se repousseraient naturellement :

    • époque contemporaine,
    • réalisme,
    • créatures inconnues,
    • thriller,
    • occultisme,
    • complots d’état,
    • surnaturel,
    • aventure…

    Dans le prolongement des tomes précédents, les dessins sont toujours tout à fait réussis ! Guérineau maitrise son art, et cela se voit ! Mention spéciale aux premières pages de l’album (l’attaque du convoi), qui arrivent à sublimer l’action avec brio tout en étant parfaitement muettes !

    Dans « Expériences », le Chant des Stryges (CdS) prend donc un virage clairement surnaturel. Bien que toujours servi par des dessins brillants, espérons que le scénario ne vire pas en eau de boudin (j’ai beau avoir déjà lu cette première saison, j’avoue que je ne me souviens plus comment elle se termine !).

  • Le Roi Méduse #1

    Le Roi Méduse #1

    Arthur est un enfant solitaire, vivant désormais seul avec son père.

    Ce dernier est un être excentrique, mais néanmoins attachant. Craignant le monde qui les entoure, il enseigne à son fils de nombreux moyens de vivre en autonomie, cachés du monde et des gens extérieurs. Petit à petit, le père développe une sorte de paranoïa généralisée, tandis que son fils affiche de belles capacités dans presque tous les domaines physiques et intellectuels.

    Vivants isolés dans leur maison déconnectée du reste du monde, ils se préparent à la lutte contre les mystérieux Dirigeants, en espérant l’aide des tout aussi mystérieux Alliés. Mais un jour, le père d’Arthur finit par disparaitre !

    Couverture
    Le titre (en haut à gauche) ne saute pas aux yeux

    Loin, très loin de ma zone de confort habituelle, l’on trouve ce roi méduse1…!

    Ne vous fiez pas à mon résumé du scénario (ci-dessus), car l’ouvrage est avant tout une expérience visuelle. De fait, le narrateur de ce récit est en fait Arthur, et tout nous est montré au travers de ses yeux d’enfant. Ainsi, c’est un artifice propice à de très nombreuses libertés visuelles (j’y reviens plus bas), mais c’est aussi brouiller la frontière entre la réalité intra-diégétique et la perception qu’en a l’enfant. Par exemple : son père est-il réellement un inventeur de génie, capable d’améliorer le corps humains dans un univers nettement teinté de SF ? Le marin Anémone, aux allures de pirate, habite-t-il vraiment avec son perroquet sur une ile artificielle ? La vieille dame, sa voisine, est-elle bien une incarnation démoniaque ? Ou bien s’agit-il du monde que se construit Arthur, et faut-il considérer tout cela au second degré, ou au travers d’un filtre ? Pas évident de trancher dans ce mélange de technologie et de magie très hétéroclite et peu cohérent… tout comme il est malaisé de comprendre où l’auteur veut nous emmener avec son récit ; et c’est certainement volontaire.

    Car l’intérêt certain de l’album, ce sont ses illustrations ! Et c’est aussi la raison pour laquelle j’aurai certainement beaucoup de mal à détailler plus avant ma critique avec de simples mots !

    Sur la forme, le style est très clivant (et je doit reconnaitre que je n’adhère pas trop). L’auteur emploie tantôt des éléments figuratifs et simples pour nombre de ses illustrations (par exemples, les visages sont parfois dépourvus de traits) tout en proposant tantôt des illustrations extrêmement détaillée 2, foisonant de dizaines de détails dans lesquels le regard du lecteur se perd plus ou moins volontairement. Libre de toute contrainte de cohérence, le dessin fait appel à tout le spectre des couleurs sur tous ses aspects, des bâtiments aux personnages, des objets aux paysages… et même parfois pour des illustrations purement abstraites. De même, toutes les formes géométriques sont convoquées, y compris pour donner aux personnages des allures de gnomes, de démons, de mannequins ou de robots… L’auteur use également très habilement avec de nombreux jeux de transparence.

    Sur le fond, le dessinateur m’a subjugué par sa maitrise de très nombreuses techniques et artifices, lui permettant de faire passer un nombre incalculable d’informations ou d’émotions tout en ayant recours à très peu de mots… C’est clairement sur cet aspect que le Roi Méduse vaut vraiment le coup d’être découvert ! Et c’est clairement là que les mots me manqueront, donc.

    Pratiquement chaque page propose des illustrations parfois étonnantes, parfois effrayantes, parfois époustouflantes, parfois anodines, mais toujours intelligentes ! Et l’on peut ainsi facilement se perdre de longues minutes dans chaque page3, ou y revenir pour découvrir de nouveaux éléments. Quelques exemples (illustrés ci-dessus) :

    • La maison d’Arthur est présentée sous la forme d’un plan en double page. Mais pas un schéma technique, plutôt une superposition de détails et de perspectives géométriques qui transmettent beaucoup plus d’impressions que d’informations ;
    • Pour symboliser la disparition du père et la tristesse d’Arthur, l’auteur utilise les ombres des persiennes d’une fenêtre : chaque bande claire fait deviner la silhouette du père, chaque bande foncée dessine Arthur, les deux personnages étant proches en pensées, mais séparées par le contraste et la géométrie du dessin ;
    • Arthur étant doté (a priori ?) d’écholocalisation, il est sensé pouvoir claquer la langue et se repérer aux rebonds du son, même dans le noir complet (à la manière des chauves-soursi). Cela nous est illustré par des vignettes en aplats de noir, mais striées de cercles concentriques blancs, ceux-ci étant interrompus pour nous laisser deviner les obstacles qui entourent le personnage…

    Je pourrais ainsi ajouter de très très nombreux exemples à ma liste… Le résultat est une ambiance surréaliste, onirique, presque enivrante… On en vient à oublier le scénario et le but du récit, pour se plonger à corps cornée perdue dans chacune des 300 pages de l’album… pour un plaisir certain, non teinté d’une certaine mélancolie (qui se dégage de l’ensemble), brassant de manière anarchique la paranoïa du père, l’amour qui le lie à son fils (dans ses très nombreuses et touchantes imperfections), puis les conséquences de son absence.

    Remerciements

    Merci à Marie pour cette découverte, et le prêt associé.

    En conclusion, un album très étonnant, à lire non pas pour son histoire, mais pour la somme des expériences visuelles qu’il propose, et l’ambiance qu’il parvient à dégager, hors de toute logique ou cohérence (qui me sont pourtant si chères).

    1. Dont le titre reste un mystère à la fin de ce premier album.[]
    2. Fourmillant de nombreuses références, dont je n’ai réussi à capter qu’une infime partie, j’en suis sûr.[]
    3. J’avoue que j’ai tout de même essayé de limiter le temps passé sur chaque illustration.[]
  • CdS #3 : souffle des Andes, changement de cap

    CdS #3 : souffle des Andes, changement de cap

    Alors que Crombie est retrouvé mort chez lui, vraisemblablement suicidé, Kevin est rappelé par la Maison-Blanche pour reprendre ses fonctions comme si de rien n’était. Une proposition trop belle pour être vraie, aussi se joint-il rapidement à l’enquête de Davis...

    Toujours à l’étude des circonstances de l’assassinat de Grosvenor (voir tome précédent), elle lui propose de s’envoler pour les Andes, lieu du meurtre, afin d’y enquêter de plus près.

    Avec “Emprises”, troisième volet du Chant des Stryges, la série prend une direction inattendue. Corbeyran délaisse quelque peu le thriller urbain et l’action pour s’aventurer sur les terres du récit d’aventure. Ce déplacement géographique (des couloirs feutrés de Washington aux sommets andins) apporte un souffle visuel indéniable, mais fait aussi vaciller la cohérence du ton initial. Le mystère, jusque-là contenu, s’étire en une sous-intrigue plus dépaysante mais aussi plus floue.

    Le scénario souffre de quelques facilités narratives : le voyage de Kevin et Davis paraît abrupt, tandis que les éliminations successives de Downey et Crombie coupent court à des pistes prometteuses (le lecteur espérera tout de même en apprendre plus dans les tomes suivants). Même la renaissance de Mélinda, tirée trop vite de la folie, semble manquer d’ancrage. En revanche, l’introduction de Graham, chasseur de stryges énigmatique et figure possible de l’archétype du gardien du seuil, ajoute à la tension ésotérique. Attention toutefois à ne pas s’y perdre…

    Guérineau, lui, réalise un travail impeccable, très aboutis graphiquement. Son dessin s’adapte avec brio aux décors andins : grandes planches muettes, pluies diluviennes, visions cauchemardesques… La scène finale sous l’averse demeure un sommet d’atmosphère. Les stryges, toujours suggérés plus que montrés par un découpage intelligent, conservent cette puissance inquiétante née du non-dit et du clair-obscur.

    Si Emprises fait vaciller le rythme de la série, il confirme aussi la solidité de son univers graphique et la volonté de Corbeyran d’en élargir les horizons. Une étape charnière, imparfaite mais entrainante, où la saga des Stryges prend un peu d’altitude avant d’y perdre peut-être un peu de son mystère ?

  • Dark Patterns #1 : Gotham saigne (encore)

    Dark Patterns #1 : Gotham saigne (encore)

    Depuis plusieurs nuits, un serial killer sévit à Gotham City. Celui que l’on surnomme « L’Homme blessé »1 s’en prend à des hommes seuls, ayant perdu leur famille, mais dont le profil est néanmoins très différent les uns des autres. Employant un modus operandi terrifiant, il semble faire souffrir chacune de ses victimes au paroxysme, du fait d’une connaissance pointue de l’anatomie, avant de les tuer.

    Mais le chevalier noir n’est pas loin, et décide d’enquêter en commençant par le passif de la première victime. Rapidement, il se trouve nez à nez avec le tueur, dont les motivations et les apparences font froid dans le dos...

    Journal de planque – 2 mai 2025, 23h19

    Gotham ne dort jamais, et moi non plus. Quand un tueur décide de transformer ma ville en terrain de chasse, je sais que le Chevalier noir ne tardera pas à pointer sa cape. Ce qui frappe dans Dark Patterns #1 – L’Homme blessé, c’est cette volonté de revenir à une enquête policière pure, sans véhicule clinquants, nombreux acolytes, ni technologie miracle. Une histoire qui se déroule à hauteur d’homme, ou plutôt à hauteur de flic, et où la douleur et la vengeance s’entrelacent jusqu’à devenir indiscernables.

    Le récit joue la carte du polar traditionnel : meurtres en série, pistes brouillées, confrontations dans l’ombre, puissants corrompus. Pas de multivers ni de démons cosmiques ici ; juste des hommes abîmés, un commissaire fatigués, et un Batman plus humain que jamais. J’ai toujours eu un faible pour ce genre d’enquête unitaire, loin des grands arcs pompeux. On retrouve cette tension brute, celle des nuits où la ville pèse comme une enclume sur nos épaules.

    Le personnage de l’Homme blessé est particulièrement marquant. Son charadesign, irréel, renforce l’étrangeté de sa présence. Il glace le sang tout en éveillant une curiosité morbide et malsaine.

    « La douleur est un avertissement. Elle nous prévient quand nous allons trop loin. »

    Batman

    Journal de planque – 2 mai 2025, 23h47

    Visuellement, c’est là que les choses se gâtent un peu. Le style graphique oscille entre l’hommage et la dissonance. Certaines planches rappellent furieusement les traits d’Un long Halloween, grandes ombres, visages distordus, aplats de couleurs, dessin faussement simple ; mais d’autres sombrent dans un surréalisme pas toujours très bien maîtrisé. Le Batsignal, par exemple, semble disproportionné dans le ciel toujours nuageux de ma ville, comme sorti d’un rêve étrange. Sans doute est-ce voulu, mais j’y vois aussi une perte d’équilibre, un flottement qui nuit à l’immersion.

    Reste que le costume du justicier, simple et fonctionnel, colle parfaitement à l’esprit du récit. Peu de gadgets, beaucoup d’instinct. C’est le Batman des débuts, celui qui tâtonne encore, qui se salit les mains dans nos ruelles plutôt que de planer au-dessus. On est bien dans un polar qui sent la sueur, la nuit et la vengeance.

    Journal de planque – 3 mai 2025, 00h28

    L’ambiance, c’est là que tout se joue. Ce polar nocturne s’enfonce dans une Gotham poisseuse, étouffée, rongée par la culpabilité. L’auteur maîtrise le ton : chaque ruelle semble transpirer la peur, chaque planche résonne d’un écho de douleur. On sent l’influence des grands récits policiers, mais aussi cette patte gothamienne inimitable. Une ville où tous les destins sont tragiques. Le miens compris.

    Le découpage audacieux (ces vignettes arrondies, ces formes presque organiques ou torturées… de douleur ?) traduit visuellement le chaos mental des personnages. Trois chapitres, trois descentes successives dans les ténèbres. Et quand la lumière du jour finit par se lever sur Gotham, on n’est pas sûr de vouloir la regarder en face.

    En refermant L’Homme blessé, j’ai eu cette impression rare que la ville me parlait. Pas avec des mots, mais avec un murmure de douleur comme moteur, comme punition, comme identité, comme vengeance. Et dans cette nuit sans fin, même Batman saigne.

    Quant à moi, j’y retourne. J’ai déjà trop trainé, et j’entends une sirène au loin…

    Journal de planque – Dernière entrée

    1. Bizarrement appelé « l’Ecorché » sur la quatrième de couverture, un surnom plus inspiré.[]
  • CdS #2 : Le secret devient chasse…

    CdS #2 : Le secret devient chasse…

    Kevin a trouvé refuge chez une riche ancienne cliente. Il tente de retrouver la trace de Mélinda… Et ignore que celle-ci semble avoir perdu la raison et est internée sous surveillance dans un établissement psychiatrique, à la merci de Crombie et Rowney.

    Pendant ce temps, l’agent Davis, mystérieuse “ombre” dans une organisation tout aussi énigmatique, est chargée d’enquêter sur le meurtre de Grovesnor, un milliardaire sulfureux… Et bientôt, l’existence de créatures manipulatrices, agissant en secret, semble refaire surface au fil de son enquête.

    Ce deuxième tome du Chant des Stryges embraye sur un rythme plus soutenu, tout en restant au croisement du thriller d’espionnage et du fantastique paranoïaque. Corbeyran densifie son intrigue en y mêlant des corporations occultes associées à des intérêts géopolitiques qui brouillent encore plus les enjeux, mais dans le bon sens du terme. Le scénario gagne en ampleur, mais parfois au prix d’une certaine opacité : les liens entre Kevin et l’agent Davis paraissent trop forts et trop rapides, pour être crédibles à ce stade de second tome.

    Le récit privilégie l’action : fuites, infiltrations, chasse à l’homme s’enchaînent dans une atmosphère haletante. Les dialogues, bien calibrés, servent une tension constante. Même les scènes plus calmes — typiquement en présence de Josh, toujours figure de l’achétype du mentor — livrent d’importantes révélations, sans doute de manière un peu trop didactiques.

    Graphiquement, Guérineau reste fidèle au premier tome, avec des compositions efficaces et fonctionnelles. Le charadesign reste solide, même si le personnage de Winnie, légèrement sursexualisé, rompt avec la gravité du reste. À l’inverse, la chute de Mélinda dans la folie constitue l’une des réussites visuelles les plus marquantes de l’album, capturant toute la dimension tragique du récit.

    Notons une jolie allusion au film Pulp Fiction, qui a largement inspiré deux des hommes de mains s’attaquant à Kevin, dont les traits reprennent ceux de Samuel L. Jackson et John Travolta.

    Plus dense, plus inquiétant, Pièges poursuit l’introduction de la série vers le grand récit de conspiration surnaturelle qui fera sa réputation. Un album d’introduction mais aussi de confirmation : celle d’un duo d’auteurs qui maîtrise déjà l’art de la tension.

  • Les Ombres de l’Empire – Evolution #2

    Les Ombres de l’Empire – Evolution #2

    Alors que Luke, Han et Léia tentent de négocier avec les restes du Soleil Noir, la droide Guri (qui ignore son importance) espère toujours faire modifier sa programmation, malgré les nombreux malfrats à ses trousses : chasseurs de prime, mercenaires, droïdes assassins, ainsi que l’inquiétante Azool…

    Les Ombres de l'Empire - Evolution 2 (couverture)
    Les Ombres de l’Empire – Evolution 2 (couverture)

    Si le premier tome posait quelques pistes prometteuses, cette conclusion ne convaincra pas. La convergence de tous les protagonistes autour de Guri aurait pu constituer un climax riche et complexe, mais l’ensemble se réduit à une longue fusillade/course poursuite, sans véritable respiration. Les arcs narratifs initiés précédemment se referment avec une rapidité frustrante, donnant l’impression que les auteurs ont manqué de place pour déployer leur intrigue. Et le « happy end » général apparaît artificiel et peu satisfaisant.

    Nota bene

    Que l’histoire soit aussi courte n’est pourtant pas une réduction a posteriori, mais bien une volonté de Dark Horse et de l’auteur Steve Perry, de proposer une mini-série auto-portée et limitée.

    A mon sens, cela aurait alors valut le coup d’introduire moins d’arcs narratifs, afin de mieux approfondir ceux conservés…

    Certes, quelques idées se démarquent, comme l’inversion des rôles entre Azool et Han en écho à la séduction de Léia par Xizor dans le premier volume. Mais à l’inverse : la mort de Yang, trop expéditive, et l’apparition finale de Dash Rendar, totalement anecdotique, renforcent le sentiment d’une conclusion en demi-teinte.

    Le « big three » est remis au centre du récit, contrairement au premier tome, mais cela ne suffit pas à élever la narration. Les dialogues, souvent teintés d’humour, oscillent entre efficacité et maladresse. La relation Han/Léia, en particulier, souffre d’un traitement caricatural, notamment du fait de la jalousie de Léia.

    « Je savais qu’il y aurait des problèmes. » – Han Solo

    « Tais-toi et tire ! » – Léia Organa

    Visuellement, l’album présente des choix intéressants mais inégaux. Certaines planches, notamment celles illustrant les souvenirs de Guri, révèlent une vraie recherche de composition. Le charadesign de Han, calqué sur les mimiques d’Harrison Ford, fonctionne particulièrement bien. De même, l’emploi de blanc narratif dans certaines mises en page témoigne d’une volonté graphique originale.

    Malheureusement, cette ambition reste trop souvent bridée par un trait simple, des couleurs basiques (parfois monochromes, cf. le second plan dans la vignette ci-dessus) et la faible présence de détails. Notez également que, années 90 oblige, la plupart des personnages féminins ont le nombril à l’air.

    L’atmosphère générale de ce second tome souffre du même défaut que son scénario : un manque de densité. Là où l’on attendait une plongée dans les bas-fonds d’une galaxie morcelée par la guerre, l’album s’enlise dans des scènes d’action répétitives. L’immersion est compromise, et même les thèmes liés à l’identité de Guri (et une petite réflexion sur la conscience humaine initiée au tome 1) sont abandonnés. En refermant ce volume, difficile de ne pas ressentir une certaine frustration.

  • Le complot prend corps (brûlé) dans CdS #1

    Le complot prend corps (brûlé) dans CdS #1

    1997, dans une base censée être secrète, quelque part au Nouveau-Mexique, le président des États-Unis rencontre de hauts dignitaires de l’armée. Mais un mystérieux commando s’est également introduit dans la base, et s’apprête à tout faire sauter ! Pourtant, une troisième faction se manifeste et empêche la catastrophe de très peu…

    Responsable de la sécurité du président, Kevin Nivek est désormais sur la sellette. Pourtant, cette situation déjà incompréhensible se complique davantage lorsqu’une mystérieuse créature semble impliquée.

    Vingt ans après ma première lecture du chant des Stryges (CdS), ce premier tome conserve un parfum singulier : celui d’un thriller fantastique à la française qui se refuse à choisir vraiment entre espionnage, science-fiction et mystère. Corbeyran, alors au sommet de sa fécondité scénaristique, tisse une intrigue dense où les zones d’ombre comptent plus que les révélations. Une réappropriation intelligentes de procédés et thématiques typiques des années 90 (alors en pleine période X-Files Aux Frontières du Réel) Le résultat : un récit parfaitement lisible mais traversé d’un malaise diffus, propice à la fascination.

    La galerie de personnages, bien que fondée sur des archétypes familiers — le garde du corps loyal, la femme d’action insaisissable, l’archétype du mentor au passé trouble — parvient à séduire par son efficacité narrative. Kevin Nivek (dont le nom palindrome souligne la dualité), incarne cette tension entre devoir et doute, action et fatalisme. Quant à l’Ombre (qui se fera appeler « Davis » à partir du tome suivant), véritable moteur de l’intrigue, elle impose une présence magnétique, sorte d’ange noir opérant à la frontière du mythe et du renseignement, même si ses interventions relèvent parfois du deus ex machina.

    Guérineau livre un dessin réaliste et rigoureux, au service du récit. Si la mise en scène manque parfois d’audace, les compositions restent lisibles et dynamiques, grâce à un découpage minutieux alternant petites vignettes nerveuses et plans larges silencieux et saisissants. Ces derniers sont de véritables respirations visuelles et participent à l’équilibre général de l’album, conférant à certains moments une puissance quasi cinématographique. L’on notera également : un charadesign clair et identifiable, (essentiel pour une série à multiples enchevètrements scénaristiques), un trait réaliste et une narration graphique soucieuse de clarté plutôt que de virtuosité.

    L’univers des Stryges s’ancre dans une Amérique crépusculaire de la fin des années 90, où la frontière entre réel et surnaturel semble s’effriter. L’ambiance, parfois légèrement invraisemblable (notamment dans la facilité avec laquelle certains lieux sécurisés sont infiltrés), n’en reste pas moins prenante et immersive. Corbeyran sait instiller une angoisse latente, un sentiment de menace invisible, prémices d’une mythologie tentaculaire qui s’étendra sur plusieurs séries dérivées.

    En somme, “Ombres” ouvre avec assurance une saga ambitieuse. Malgré quelques rigidités graphiques, ce premier tome séduit par son efficacité narrative et son univers à la fois politique et ésotérique. Et ouvre sur une saga pleine de promesses !

  • Forever Evil #1 à #4 : quand le Mal devient routine

    Forever Evil #1 à #4 : quand le Mal devient routine

    Forever Evil était un event proposé par DC Comics à la fin de l’année 2013. Le principe était de faire disparaitre les principaux superhéros de la Terre, pour mettre à l’honneur les supervilains. La Justice League est ainsi remplacée par le Syndicat du Crime (leurs alter-égo d’une réalité alternative), rassemblant sous leur houlette les principaux vilains de l’univers DC… mais certains d’entre eux ne l’entendent pas de cette oreille.

    Dans cet article, je vous propose mon avis sur les 4 premiers recueil (pour un total de 7) qui furent édités par Urban Comics en kiosques, à l’occasion de cet event…

    Forever Evil #1

    Étant un crossover par nature, ce premier tome introduit de manière très morcelée le postulat de base de cette mini-série : la Terre est désormais aux mains de super-héros mauvais et corrompus, issus d’une réalité parallèle. On y retrouve en particulier des équivalents de Batman, Superman et Wonder Woman. Ce premier fascicule se concentre sur les points de vue d’ennemis de Flash… En particulier le groupe des Lascars dont le nom peut prêter à sourire mais qui sont pourtant relativement touchants.

    Ce premier volume pose les bases avec une structure éclatée (voir mon article bilan à ce sujet, lien en bas d’article), reflet de la complexité de l’univers DC. Le lecteur habitué s’y repère, les autres devront se laisser porter sans trop chercher à comprendre. Le ton oscille entre confusion et fascination : les épisodes centrés sur l’Épouvantail ou Bane perdront la plupart des lecteurs, trop éthérés et indigestes. On devine cependant le potentiel émotionnel du groupe des Lascars, humanisés à contre-emploi.

    Note : 5 sur 10.

    Nota bene : À lire en écho avec les articles sur Injustice : Les Dieux sont parmi nous pour comparer les déclinaisons d’un monde DC renversé.


    Forever Evil #2

    Suite à l’arrivée du Syndicat du Crime, un black-out quasi complet ravage la planète, du fait de la libération des supervilains, de l’absence des superhéros et du maintien par Ultraman d’une éclipse permanente. Dans ce contexte, Lex Luthor entreprend de s’armer tandis que Black Manta se lance dans une vendetta personnelle.

    Ce second recueil étend le champ du désastre intradiégétique. L’introduction s’étire, multipliant les intrigues parallèles, mais parvient enfin à faire émerger des figures qui marqueront la suite.

    L’insertion d’une double page retraçant les origines du Syndicat du Crime relie habilement les différents âges du comics : depuis l’apparition dudit Syndicat à l’Age d’Argent , jusqu’au présent des années 2010. De ce fait, le dernier récit du fascicule propose le récit d’origine d’apparition de ces antagonistes, tout droit venu des années 601 ! Et le contraste entre la brutalité contemporaine et la naïveté d’antan fonctionne plutôt bien…

    Le récit reste inégal (l’arc de Bane déçoit), mais le regard sur les Lascars, encore eux, apporte une sensibilité inattendue.

    Note : 6 sur 10.

    Pour en savoir plus sur les différents ages dans les comics, je vous renvoie vers un prochain article, publication à venir. (N’hésitez pas à vous inscrire à la newsletter du blog pour en être informé.)


    Forever Evil #3

    Face au Syndicat du Crime, épaulé par la Société des Supervilains, certains méchants ont quand même des raisons de se rebeller… C’est ainsi que Lex Luthor s’allie à Black Manta et quelques autres. En parallèle, Steve Trevor, patron de l’agence ARGUS, tente de retrouver le Président pour le mettre à l’abri, malgré l’effondrement des structures administratives.

    Les intrigues commencent enfin à converger. Luthor, Manta2, Captain Cold, Bizarro ou Killer Frost forment une alliance fragile mais prometteuse… Pourtant, l’ensemble se dilue dans des détours scénaristiques trop commodes ; en particulier l’ARGUS de Steve Trevor, suréquipé, évoque un deus ex machina permanent (son accès à des chambres extra-dimensionnelles est extraordinairement pratique).

    La narration tire en longueur, ponctuée de parenthèses historiques (Deathstroke, le Syndicat des années 603) plus anecdotiques que structurantes.

    Une transition correcte, mais qui manque de souffle.

    Note : 6 sur 10.

    Forever Evil #4

    Le groupe de Supervilains renégats mené par Lex Luthor (Bizarro, Captain Cold, Black Manta…) s’organise, et finit par rejoindre Batman ainsi que Catwoman. En parallèle, nous découvrons l’origine étonnanet et tragique de Cheetah.

    Cette quatrième étape s’essouffle. Le destin de Cheetah, revisité en flashback, offre l’un des rares moments d’émotion sincère ; le reste s’enlise. Les péripéties de Steve Trevor deviennent dispensables, tandis que les Lascars affrontent Poison Ivy dans une séquence aussi artificielle que paradoxalement touchante. Touchante, le personnage de Killer Frost l’est aussi… En revanche, la transformation absurde de Bane en « BatBane » achève de casser la tension dramatique.

    En bref, en ce milieu de série, le récit tangue entre sérieux et ridicule sans jamais trouver son équilibre.

    Note : 4 sur 10.

    Il m’est assez difficile d’évoquer les dessins car chaque recueil compile 5 récits, chacun signé d’auteurs différents (y compris dessinateurs, coloristes, et encreurs, donc). Pour autant, saluons une homogénéité globale de l’ambiance, du ton et des compositions qui servent de ciment à l’event. J’ai également relevé plusieurs double-pages somptueuses, ainsi que des compositions – sinon originales – qui rendent l’action omniprésente parfaitement lisible, entretenant le lecteur dans un déluge permanent de poings, de sang, d’éclairs et de poussières.

    Ces quatre premiers volumes de Forever Evil dessinent une fresque ambitieuse mais inconstante. DC tente de bâtir un monde sans héros, dominé par ses ombres, mais l’édifice s’effrite sous la multiplicité des intrigues (un défaut inhérent au principe d’un event dans les comics américain).

    Le concept – faire triompher le mal – reste fascinant, mais la narration manque de clarté et d’incarnation, quoique plutôt bien servie par de nombreuses punchlines réussies. Seuls les Lascars et quelques fulgurances (Killer Frost, Cheetah…) rappellent que, dans le chaos, l’émotion trouve parfois un refuge inattendu.

    Critiques à suivre pour les tomes #5 à #7…

    1. Un peu lourd à lire, mais réellement amusant.[]
    2. Dont les motivations restent au raz des pâquerettes.[]
    3. L’on trouve en effet dans ce recueil la seconde partie de l’introduction du Syndicat du Crime, toujours dans les années 60.[]
  • Focaliser, grâce aux blancs narratifs

    Focaliser, grâce aux blancs narratifs

    Même si le terme n’est pas vraiment consacré ou officiel, le « blanc narratif » est une zone de la page laissée volontairement vide, sans dessin ni texte, alors que l’on se serait attendu à une ou plusieurs vignettes. Cet artifice permet de focaliser l’attention du lecteur sur la (ou les) vignette(s) restante(s), ainsi mise en valeur.

    Ci-dessous, je vous propose deux exemples d’usage de blancs narratifs relativement intéressants, pourtant issus du très oubliable Les Ombres de l'Empire – Evolution #2.

    Dans la première page, le blanc narratif est utilisé pour montrer séparément l’intrusion de plusieurs groupes de personnages dans un complexe scientifique ennemi dangereux et sécurisé. Cette astuce permet de séparer visuellement les actions, tandis que l’organisation des cases en cascade inversée vers la gauche (par rapport à l’ordre de lecture de gauche à droite) créé un sentiment de malaise ou de déséquilibre. L’effet fonctionne plutôt bien.

    Dans la seconde page, le blanc narratif permet de mettre en exergue une vignette (étrangement) ronde, appuyant une blague (ratée, puisqu’elle se contente de reprendre et souligner le trait d’humour de la vignette précédente). Un choix plutôt étrange, donc. Notez au passage que le strip du milieu de page utilise une itération iconique, pour un effet comique… qui reste foireux.

  • SdD #4 : l’obsession de l’ascension jusqu’à la démesure

    SdD #4 : l’obsession de l’ascension jusqu’à la démesure

    Les destins de Fukamachi et Habu se sont enfin rejoints. Et ce dernier compte bien escalader l’Everest par la face sud-ouest, en solitaire et sans oxygène, établissant ainsi l’une des dernières « premières » encore jamais réalisées en alpinisme… Fukamachi entreprend de le suivre, tant pour assurer la couverture photographique de l’évènement, que pour affronter ses propres ambitions. Mais son entrainement et sa condition physique sont loin d’être au niveau de ceux de Habu.

    Ce quatrième tome du Sommet des Dieux marque un nouveau tournant narratif. La rencontre entre Fukamachi et Habu, longtemps différée (ou amorcée en pointillés), est enfin consommée. Pourtant, le récit prend soin de brouiller les cartes par un préambule surprenant : une affaire de prise d’otage qui déstabilise un peu, avant d’installer la vraie tension dramatique… Cette jonction entre les deux protagonistes, parfois ressentie comme un peu artificielle, ouvre néanmoins sur des échanges au camp de base d’une intensité rare, où l’émotion et la retenue s’entremêlent : pourquoi un alpiniste gravit-il une montagne ?

    Le cœur du volume repose sur le projet insensé de Habu : conquérir l’Everest par la face sud-ouest, en hivernale, en solitaire et sans oxygène. Un défi titanesque, qui agit comme catalyseur du récit. Fukamachi, dans l’ombre, choisit de le suivre avec son appareil, oscillant entre admiration et vertige face à ses propres limites.

    Si l’on peut regretter une mécanique narrative parfois prévisible, la force de l’album tient à la mise en scène de la montagne (de nouveau au premier plan !) comme entité implacable. L’ascension devient autant un duel physique qu’un cheminement introspectif. L’ambiance, héritée des premiers tomes (le second en particulier), revient à son essence : l’homme seul face à l’immensité. Le lecteur est happé par ces moments de réflexion sur la survie, ponctués toutefois de quelques invraisemblances concernant l’endurance de Fukamachi (capable tantôt de flancher, tantôt d’affronter des parois entières avec une énergie presque surnaturelle).

    En savoir plus…

    La phrase ci-dessus prononcée par Habu fait échos à une citation célèbre de Mallory (propriétaire du fameux appareil photo, élément déclencher de la saga dans le tome #1), qui a réellement existé et autour duquel demeure la question de savoir s’il fut réellement le premier à atteindre le sommet de l’Everest.

    Pour les plus curieux, cette portion de page wikipedia répertorie de nombreuses premières, à savoir la première ascension de l’Everest dans des conditions particulières : versant gravi, saison, assistance respiratoire, solitaire, nocturne, etc.

    Les personnages se dessinent avec toujours plus de netteté : Fukamachi reste dans l’hésitation et l’intimidation, tandis que Habu se consume dans une fièvre quasi maladive pour la montagne, tel un drogué de l’altitude. Cette opposition donne une profondeur dramatique au récit, en accentuant l’écart entre obsession et lucidité.

    Le trait, sans éclat particulier, demeure solide et réaliste, fidèle aux canons de la série. Mais c’est dans le traitement des paysages que l’album prend son envol : chaque paroi, chaque amas neigeux est rendu avec une minutie qui restitue l’écrasante puissance de l’Himalaya. Le charadesign, en revanche, se révèle plus inégal : Fukamachi, notamment, apparaît en couverture sous des traits étonnamment peu reconnaissables. Serait-ce dû à la couleur…?

    L’ambiance, vous l’aurez compris, domine et transcende l’ensemble : on retrouve ici le souffle épique et existentiel des premiers tomes. L’album se lit un peu comme une méditation sur la démesure humaine, sur ce qui pousse un alpiniste à défier la mort, non pour une récompense tangible, mais parce que « la montagne est là » – ou peut-être parce que lui-même est là.

  • Moréa #5 : crash d’avion et d’ambitions

    Moréa #5 : crash d’avion et d’ambitions

    À la poursuite de Grégoire Nonce qui l’a trahi et s’est directement attaqué à la DWC, Moréa se rend en Afrique, accompagné de Terkio, Théo et Am’nta. Toutefois, Nonce s’est rapproché des rebelles locaux, et l’avion de Moréa est abattu. Le petit groupe survit néanmoins et se retrouve rapidement pris à parti par des milices.

    Pendant ce temps, seule encore présente à La Havane, Lara intrigue pour prendre le contrôle de la DWC...

    Ce cinquième tome change une nouvelle fois de registre et s’oriente vers le récit de survie. Si l’idée d’un crash d’avion et de la confrontation avec des milices africaines promettait une tension dramatique originale, l’exécution laisse perplexe : la survie miraculeuse de tous, immortels comme mortels, paraît invraisemblable (pour de meilleurs récits de survie, voyez plutôt du côté de Thorgal ou des Mondes d’Aldebaran)… Plus gênant encore, le scénario global s’enlise, sans apporter la moindre réponse aux grandes questions qui hantent la série depuis ses débuts. Les anges et les dragons semblent surgir à chaque coin de rue savane, sans véritable explication, ce qui brouille encore davantage une frise chronologique générale du lore déjà bien confuse.

    « Chevalier ! Ce ne sont pas parce qu’ils sont africains qu’ils sont corruptibles ! »
    « Non, c’est parce qu’ils sont mal payés. »

    Moréa et Terkio continuent d’occuper l’espace, mais Théo se réduit progressivement à un simple love interest, tandis que son animosité artificielle avec Terkio sonne creux. Am’nta, quant à elle, se rapproche soudain de Terkio, en miroir de la dynamique précédente, mais sans véritable épaisseur. Les antagonistes (Nonce, Assagi, Mupata) ne parviennent pas non plus à racheter la fadeur de l’ensemble.

    Le charadesign reste inégal. Si la sexualisation des femmes sert encore le propos dans l’arc narratif de Lara, elle atteint un niveau absurde avec des détails comme la “culotte de combat” du capitaine Assagi ou la robe-fourreau de Am’nta. Malgré ces excès, le style conserve néanmoins une lisibilité et une efficacité qui portent tout de même l’action.

    La dimension critique du récit, dénonçant le cynisme des multinationales prêtes à financer des exactions dans des pays instables, manque cruellement de subtilité. L’intention est louable, mais se réduit à un message ultra-basique. Un constat qui – dans le paysage de la bande dessinée comme dans l’actualité – sonne comme une évidence, sans profondeur supplémentaire.

    Ce cinquième volume laisse donc un arrière-goût de déception. Après un quatrième tome déjà fragile, Moréa s’enfonce dans ce diptyque qui peine à captiver et se prive de l’élan narratif qui faisait son charme au tout début. Pour un traitement plus abouti du thriller d’entreprise, je renvoie à ma critique du tome précédent, qui, malgré ses défauts, conservait encore une certaine tension dramatique.

    A titre personnel, je ne possédais que ces 5 premiers tomes dans ma collection personnelle. Et après relecture, je reste assez circonspect. J’envisage tout de même d’emprunter les suivants, afin d’établir si la série parvient à décoller dans les 4 tomes supplémentaires sortis à l’heure actuelle… mais les critiques sur le web ne me rassurent vraiment pas !

  • Les Ombres de l’Empire – Evolution #1

    Les Ombres de l’Empire – Evolution #1

    Guri est une droide unique en son genre : elle est une réplique parfaite d’une femme humaine, et est dotée d’une conscience qui s’en rapproche furieusement. Pendant longtemps elle a été l’assassin personnelle du prince Xizor, le chef de l’organisation criminelle du Soleil Noir.

    Mais l’Empire galactique est tombé, la Rébellion est en train d’installer une Nouvelle République, et le Soleil Noir est morcelé. Guri décide alors de partir en quête d’un nouveau destin : elle souhaite modifier sa programmation, afin de faire d’elle autre chose qu’une simple machine à tuer. Mais sa quête ne sera pas sans embûche, et elle-même est la proie de chasseur de prime.

    Nota bene

    Cette couverture m’a interloqué un bon moment, car impossible d’y reconnaitre un quelconque élément présent dans l’album : quelle est cette créature ? Quel est ce vaisseau ? Qui est ce couple ? Contre qui se battent ces soldats ?

    Après recherche, il s’avère que c’est une erreur de l’éditeur français Dark Horse, qui utilisa une couverture de la Légende des Jedi #1 pour illustrer cet album. Cela devient du coup plus clair : le vaisseau est celui des jumeaux Daragon dont les visages sont au premier plan et la créature est le chevalier Jedi Odan-Urr.

    Cet album nous propose de suivre les conséquences des évènements décrits dans les Ombres de l’Empire. Ainsi, il s’agit de la première partie1 de la séquelle2 du spin-off3 de la suite4 de Star Wars5. Vous suivez ? Si non, ce n’est pas bien grave…

    Un récit à contre-courant du canon Star Wars

    Première surprise à l’ouverture de cet album : le récit prend place après la chute de l’Empire, plusieurs mois après Le Retour du Jedi (Star Wars VI en film). Une temporalité étonnante, car l’album s’éloigne de la continuité directe des Ombres de l’Empire (ici, le comics).

    Le scénario surprend (plutôt positivement) par son parti pris : peu guerrier, beaucoup d’action et un peu introspectif. Le lecteur suit Guri dans une quête identitaire où la frontière entre machine et humanité devient floue. Cette réflexion philosophique (qui reste néanmoins légère), intéressante sur le papier, apparaît décalée dans l’ambiance Star Wars, davantage habituée aux enjeux galactiques ou initiatiques, qu’aux dilemmes intimes sur la nature de la conscience…

    En savoir plus…

    Contrairement au comics initial des « Ombres de l’Empire », dont le scénariste était John Wagner, c’est Steve Perry qui signe ici l’histoire des « Ombres de l’Empire – Evolution »…

    …Notez que Perry était l’auteur du roman des « Ombres de l’Empire ». La boucle est bouclée.

    Des personnages secondaires inégaux

    Autour de Guri gravitent des figures qui enrichissent sans toujours convaincre. Parmi elles :

    • Azool, nièce de Xizor, mue par la vengeance et par l’ambition de reprendre le Soleil Noir (motivations ô combien originales) ;
    • les sœurs Pikkel, mercenaires au duo rigolo mais trop rapidement esquissé ;
    • Spinda Caveel, scientifique obsessionnel qui fait office de savant fou basique ;
    • Massada Thrumble, ingénieur en droides, au background intrigant, mais assez peu développé (il fait un peu office d’archetype de gardien du seuil) ;
    • Kar Yang (et son droide Plinto), chasseurs de primes au charadesign intéressant et à la moralité intrigante.

    À ces personnages s’ajoute le fameux Big Three (Luke, Leia, Han), injecté de manière artificielle en fin d’album, dans un pur (?) geste de fan service. Leur apparition illustre plutôt une volonté éditoriale de rattacher coûte que coûte l’histoire au socle iconique de la saga.

    Un graphisme qui peine à convaincre

    Le dessin, clair et efficace, me semble assez typique des productions plutôt bas de gamme des années 90 : couleurs criardes (mention spéciale au justaucorps mauve de Guri), manque cruel de détails… Les décors se font beaucoup trop rares et les couleurs vives n’arrivent pas à masquer la simplicité d’un style qui aurait mérité plus d’ambition. L’ensemble évoque une BD de commande plutôt qu’une œuvre aboutie de l’univers Star Wars…

    Nota bene

    …et justement ! Il est important de noter que ces « Ombres de l’Empire – Evolution » ne font initialement pas partie de l’ambitieux projet transmédia qu’était les « Ombres de l’Empire », et que je vous détaillais dans cet article dédié.

    De fait, « Evolution » est sorti 2 ans aprés :

    Un album séduisant mais frustrant

    L’objet-livre lui-même est assez étonnant : le préambule, truffé d’erreurs de français et de demi-traductions, complique la compréhension. Sans reparler de l’erreur de couverture, déjà évoquée plus haut. Des errements qui soulignent à mon sens des hésitations éditoriales entourant cet album.

    Au final, ce premier tome de Star Wars – Évolution intrigue plus qu’il ne convainc. Porté par une héroïne atypique et une presque-réflexion stimulante sur la nature humaine, il souffre d’un traitement graphique trop faible et d’une atmosphère trop en décalage avec son univers d’origine. Affaire à suivre dans le tome 2…

    1. Tome 1[]
    2. Les Ombres de l’Empire – Evolution[]
    3. Les Ombres de l’Empire[]
    4. Star Wars Episode V : l’Empire Contre-attaque[]
    5. Star Wars Episode IV : Un Nouvel Espoir[]
  • Sautera ? Sautera pas ?

    Sautera ? Sautera pas ?

    La vignette du jour est tirée du tome #2 de la saga Moréa, dans laquelle le chevalier Terkio est en bien mauvaise posture, en équilibre sur la corniche d’un building de taille vertigineuse…

    L’allusion peut difficilement être loupée : il s’agit bien sûr d’un clin d’œil au film le Cinquième Element (de Luc Besson), dans lequel Leeloo se retrouve dans une situation analogue et décide de se jeter inexplicablement dans le vide… pour atterrir dans la voiture de l’infortuné taxi Korben !

    Leeloo, dans le Cinquième Element

    Si la séquence, tournée au ralenti, est magnifique… j’avoue que j’ai toujours eu du mal à comprendre l’objectif du personnage lors de cette scène.

  • Trahisons sans subtilité dans Moréa #4

    Trahisons sans subtilité dans Moréa #4

    Moréa continue de s’entraîner auprès du chevalier Terkio, tandis qu’elle et Theo se rapprochent petit à petit.

    C’est alors qu’intervient une série d’attentats à la bombe contre le groupe DWC ! Terkio et Moréa mênent l’enquête, en commençant par les quartiers chinois de La Havane…

    Ce quatrième tome prend le parti de délaisser l’élan de science-fiction et de space opera qui animait les volumes précédents pour replonger dans une atmosphère plus cyberpunk, teintée de thriller. Mais l’ensemble du récit apparaît bancal : le lecteur connaît d’emblée l’identité du coupable, ce qui annihile toute tension dramatique. L’ironie dramatique qui aurait pu en découler tombe à plat, et l’on a parfois l’impression de lire un sous-Largo Winch, avec ses intrigues de pouvoir autour du conglomérat DWC.

    Moréa et Terkio portent l’intrigue, mais ce sont surtout les figures secondaires qui enrichissent l’univers : Jeeves, Théo et même l’introduction d’une stagiaire dans la branche média de DWC apportent un souffle de nouveauté. Les dialogues oscillent entre légèreté et efficacité, humour et réalisme.

    « Jeeves, préparez les bagages ! »
    « Maillot de bain et crème solaire ? »
    « Plutôt rangers et calibres 45. »

    Le charadesign témoigne d’une grande variété chez les personnages masculins, mais s’avère nettement plus convenu pour les personnages féminins, toutes représentées comme des icônes hypersexualisées assez interchangeables (il faut le reconnaître, c’est une caractéristique assumée de la série). Le trait conserve néanmoins une certaine élégance et contribue à la fluidité du récit, en particulier dans les scènes d’action.

    Arrivé à ce stade de la série, plusieurs questions centrales restent pourtant dramatiquement sans réponse, parmi lesquelles :

    • Quelle est l’origine des anges et des dragons ?
    • Quel fut le rôle de Mars dans le passé ?
    • Pourquoi certains dragons sont-ils immortels ?
    • Qu’est-il attendu de Moréa, exactement ?

    Ces zones d’ombre entretiennent l’attente, mais peuvent aussi frustrer le lecteur en quête de révélations. Ce point est d’autant plus frustrant que Moréa est entourée de personnages qui devraient pouvoir lui répondre facilement… Pourquoi ne pose telle aucune question ?

    Dans un tout autre registre, le traitement de certaines thématiques, comme la torture, suscite un malaise : elle reste abordé sur un ton trop léger pour le sujet, bien que voulue comme un ressort comique.

    Globalement, ce tome de Moréa amuse et distrait, mais il manque de profondeur et d’audace pour marquer durablement. Les amateurs de BD cyberpunk y trouveront malgré tout quelques satisfactions esthétiques et narratives, en attendant que la saga reprenne de l’ampleur.

  • Les Ombres de L’Empire, en comics

    Les Ombres de L’Empire, en comics

    Le comics chroniqué dans l’article ci-dessous s’inscrit dans un projet plus global : les Ombres de l’Empire, a été pensé comme une œuvre trans-média incluant un roman, un jeu vidéo… et donc le présent comics. L’ensemble constitue une mosaïque du récit global, sans que chaque média soit une répétition de l’un ou de l’autre. Pour en savoir plus, voyez cet article dédié.

    Le pitch

    Boba Fett , le chasseur de prime le plus célèbre de la galaxie, viens de capturer Han Solo1. Son l’objectif désormais est de le ramener à Jabba, célèbre gangster de la bordure de la galaxie, pour toucher sa prime. Mais ce ne sera pas simple, car de nombreux autres chasseurs de primes sont à ses trousses, et espèrent mettre la main sur Solo avant sa livraison.

    Pendant ce temps, Luke et Léia mènent leur propre enquête, afin de retrouver la trace de Solo et le délivrer de sa prison de carbonite. Néanmoins, il découvrent que Luke lui-même est désormais la cible d’assassins. Pourtant, Vador semble clair : il veut Luke vivant. Quelqu’un d’autre en veut donc à sa vie ; pourrait-il s’agir du Soleil Noir, la plus puissante mafia de la galaxie ?

    En 1996, quand les « Ombres de l’Empire » sont sortis, j’étais complètement le cœur de cible : adolescent un peu geek 2, fan de la trilogie Star Wars (Eh oui, à cette époque, il n’y avait que 3 films !) et avide de son univers étendu.

    Cet univers étendu, à l’époque en France, il existait presque uniquement en romans (et un poil en jeux vidéos). C’est donc ainsi que j’avais lu le roman des Ombres de l’Empire. De mémoire, je l’ai lu peu après la trilogie de Thrawn en roman (également adaptée en comics3). Et c’est donc presque trente ans plus tard que je me suis plongé dans ce comics…

    J’avais gardé un très bon souvenir du roman, même si j’avais conscience qu’il n’était pas parfait, et je dois être honnête : j’ai été assez déçu par le comics.

    Une histoire triple

    Celui-ci prend donc place immédiatement après le film Star Wars Episode V (L’Empire contre-attaque) et cela nous est rappelé dans une très brève préface. L’on découvre ensuite une histoire plutôt intelligente autour de la double mise à prix de la capture de Luke : Vador le veut vivant, Xizor le veut mort. Autour de ce paradoxe gravitent de nombreuses factions : l’Alliance Rebelle et l’Empire, bien sûr, mais aussi le clan de Jabba le huth, la mosaïque des chasseurs de primes et le Soleil Noir (petit nouveau, : la plus puissante mafia galactique à la tête duquel l’on retrouve le prince Xizor).

    Deux primes sur ma tête. On me veut mort et vif.

    – Luke Skywalker

    Le scénario nous propose de suivre trois arcs en parallèles (des parallèles qui se croisent plus ou moins, bien évidement) :

    • Léia tente de sauver Han des mains de Boba Fett, puis s’infiltre dans le Soleil Noir pour découvrir qui en veut à la vie de Luke ;
    • Luke aussi tente de sauver Han (devenu un McGuffin dans la première partie du récit), puis volera au secours de Léia ;
    • Boba Fett tente de livrer Han à Jabba malgré les pièges des autres chasseurs de primes ;
    • A cela, on pourrait également ajouter :
      • Xizor qui tente de s’attirer au mieux les faveurs de l’Empereur ;
      • La récupération des plans de l’étoile de la Mort par les bothans ;
      • L’infiltration de Jix (agent de Vador) dans le palais de Jabba.

    En à peine plus de 150 pages, on peut deviner le principal défaut de cet album : trop d’informations à y mettre pour un média trop court. En résulte d’évidents raccourcis scénaristiques (comme la manière dont Léia décide d’infiltrer le Soleil Noir), survols de sujets importants (le vol des plans de l’Etoile de la Mort ou l’étrange décision de lancer toute une partie de la flotte rebelle uniquement pour sauver Han), le manque d’introduction d’éléments clefs (les personnages de Dash Rendar ou Guri)… Et cela se ressent !

    Bien sûr, l’on pourra objecter que certains trous scénaristiques s’expliquent par la nature fragmentée, multimédia et complémentaire des œuvres qui composent les Ombres de l’Empire. N’en demeure pas moins que le comics en lui-même a du mal à contenir une histoire complète à lui seul ; même si aucun trous béant, contresens ou incohérence n’est vraiment à déplorer.

    Les personnages

    La galerie de personnages proposée reste toutefois très intéressante. En plus de nous montrer à quel point Boba Fett est un chasseur de primes badass, nous retrouvons bien sûr le big three, ainsi que Chewbacca, Lando, R2D2 et C-3PO. Mais plusieurs nouveaux nous sont introduits :

    • Xizor4, retord et vicieux mais intelligent, est le puissant dirigeant du Soleil Noir. Sont objectif est de discréditer Vador aux yeux de l’Empereur, afin d’acquérir toujours plus d’influence. Son espère émet des phéromones sexuelles lui conférant d’incroyables pouvoirs de séduction ;
    • Guri, le bras armé de Xizor, est une androide à l’apparence humaine (la seule de l’univers de Star Wars, à ma connaissance) ;
    • Jix, anti-héros et agent de Vador, est un homme à tout faire, habitué des endroits les plus mal famés de la galaxie. Sa mission est d’empêcher la mort de Skywalker (et idéalement le capturer) ;
    • Dash Rendar est un contrebandier au grand cœur, sorte de copie de Han Solo pour l’occasion. Tant qu’il est payé, il aidera nos héros (et évidement, un peu plus qu’il ne le devrait) parfois tel un deus ex machina maladroit.

    Pour ce qu’on en sait, ce ne sont qu’un ramassis de criminels dégénérés et de bannis. Vous devriez y trouver l’âme soeur.

    – Dark Vador

    Un dessin qui a vieilli…

    …et cela se voit avant même d’ouvrir l’album ! La couverture, en effet, est assez laide, avec des illustrations mal détourée et hétérogènes.

    Trés typé des années 90, le dessin est globalement criard, faisant appel à toute la palette de couleurs perceptible par l’œil humain (et non-humains aussi, probablement). Mention spéciale aux gardes du palais de Xizor (aux casques hallucinants et aux magnifiques uniformes mauves), qui feraient pâlir les méchants des Power Rangers

    Sans être mauvais en soit, le dessin s’affiche efficace mais sans âme.

    Les actions sont lisibles, mais sans tension. Les personnages sont reconnaissables au fil de l’album, mais ne transmettent aucune émotion ; notons d’ailleurs que Luke et Léia sont particulièrement peu ressemblants à leurs interprètes des films 5 et dotés de visages globalement laids. Les décors sont presque tous vides ou peu recherchés.

    De manière générale, la composition est utilitaire : compréhensible, académique, mais sans aucune inventivité.

    Pourtant, l’on notera une magnifique galerie de couvertures en fin d’album, signée Hugh Fleming, le cover-artist de cette minisérie (aux USA, elle fut publiée en 6 fascicules).

    Conclusion

    La lecture des Ombres de L’Empire n’est pas un calvaire, mais est assez dispensable, surtout si vous avez le roman sous la main. En revanche, le comics est un vestige notable d’un projet multi-média ambitieux et risqué, le fameux « film sans film » (traité dans mon article précédent, également évoqué dans la postface de l’album) ce qui en fait un bel objet rien que pour cela.

    Notez que ce comics a lui-même eu une suite nommée très originalement « Evolution » (toujours en comics) ! Critiques à venir sur le blog sous peu…

    1. Évènement relaté dans Star Wars Episode V : L’Empire contre-attaque.[]
    2. A une époque où ce concept était loin d’être cool… et où le mot « geek » n’existait d’ailleurs simplement pas.[]
    3. Notez que là, il s’agissait bien d’une adaptation des romans en BD, et non un projet global comme c’était le cas pour les « Ombres de L’Empire »[]
    4. Déjà dans les années 90, je trouvais ce nom un peu ridicule.[]
    5. Respectivement Mark Hamill et Carrie Fisher.[]
  • L’alpinisme bascule dans le thriller dans SdD #3

    L’alpinisme bascule dans le thriller dans SdD #3

    Fukamachi est de retour au Népal, et compte bien retrouver Habu Joji qui a occupé autant son esprit que ses recherches, durant ces derniers mois. Espérant en apprendre plus sur ses projets en cours, il espère également récupérer le fameux appareil photo… Celui-là même qui pourrait bien avoir appartenu à Mallory, disparu au début du XXème siècle en tentant d’escalader l’Everest.

    Bientôt rejoint par Ryoko, cette dernière est alors enlevée ! Fukamaci et Habu se retrouvent ainsi alliés d’infortune…

    Après deux premiers volumes marqués par la puissance des flashbacks et – dans une moindre mesure – la tension dramatique autour de l’appareil photo de Mallory, ce troisième tome amorce un virage inattendu et la série perd un peu de son souffle initial. Passé le prologue consacré à l’ascension d’Irvine et Mallory, le récit plonge directement dans les recherches de Fukamachi au Népal. La continuité avec le premier tome est évidente, mais le nombre des personnages et l’absence de rappels rendent parfois difficile l’immersion si l’on n’a pas enchaîné la lecture.

    Ces nouveaux protagonistes apparaissent comme des figures surtout fonctionnelles, tandis que les personnages déjà établis — Fukamachi, Habu et Ryoko — conservent toute leur richesse. Le basculement vers le thriller en milieu d’album surprend, mais l’histoire ne parvient pas vraiment à nous embarquer, tant certains artifices narratifs, comme l’usage de la turquoise (en set up un peu maladroit, même si le pay of sera certainement dans le tome #4), paraissent un peu forcés.

    En savoir plus…

    Ce tome prend également une teinte géopolitique, en évoquant le sort des réfugiés du Bouthan au Népal, ainsi que le cas de Gurkhas (soldats d’élites népalais au service de la courrone britanique). Deux sujets qui m’étaient totalement inconnus !

    Visuellement, le tome reste fidèle au style réaliste et détaillé de la série (loin des clichés typiques du manga, pour mon plus grand bonheur), mais avec moins d’ampleur. Le charadesign demeure solide, cependant la mise en scène privilégie l’action au détriment des contemplations qui faisaient la force des premiers volumes. Les paysages de montagne, réduits à l’arrière-plan, laissent place à une narration plus dynamique mais moins envoûtante.

    Notez que j’ai toujours un peu de mal avec la taille des phylactères et cartouches verticaux (déjà évoquée lors de ma découverte des mangas), adaptés à la calligraphie japonaise, mais dont les traduction françaises font peine à voir en occupant peut-être 1/6e de la surface des espaces en questions.

    L’abandon des retours en arrière, marque de fabrique des deux premiers tomes, modifie profondément l’atmosphère. Là où l’on contemplait la grandeur de l’Himalaya et l’écho des drames passés, l’accent est mis désormais sur l’urgence, le suspense et un romantisme assez maladroit. Cette orientation donne un souffle plus immédiat, mais aussi plus convenu, moins habité par la dimension mythique de l’alpinisme.

    En ce sens, ce troisième volume tranche nettement avec le premier tome et même avec le deuxième, qui portaient une aura plus contemplative et mémorielle. Ici, l’histoire tente une mutation de ton, au risque de perdre une partie de son intensité poétique.

  • Au delà des trois actes

    Au delà des trois actes

    Dans un précédent article, je vous présentais la « narration en trois actes » : la structure narrative la plus classique que l’on rencontre dans la très grande majorité des histoires, incluant bien sûr les comics et BD. Si ce n’est pas déjà fait, je vous invite donc à lire l’article en question.

    Dans le présent article, je vous propose d’aller un peu plus loin, en vous présentant quelques structures en 4 actes… ou 5 actes… ou même plus ! Voici les étapes que je vous propose :

    Quatre actes

    Si la narration en 3 actes est une base incontournable pour de très nombreuses œuvres, l’on peut parfois y adjoindre un 4eme acte. Globalement, soit ce quatrième acte bouscule les définitions des 3 actes précédents, soit il vient s’adjoindre à la structure en 3 actes.

    Rebattre les cartes actes

    Structurer une histoire en 4 actes se fait en réalité assez facilement : il suffit de partir d’une structure classique en 3 actes, puis de diviser l’acte II… en deux !

    Comment passer de 3 à 4 actes ? Pour cela, il suffit de trouver un point médian à l’histoire dans le second acte, permettant donc de subdiviser l’ancien acte II en deux nouveaux actes distincts… Or, souvenez-vous, l’acte central contient déjà naturellement un tel point médian : il s’agit du pivot principal, un nœud dramatique présent dans la structure en 3 actes !

    Au milieu de l’acte II : un nœud dramatique (ici appelé retournement de situation)
    (Source probable)

    Le schéma ci-dessus le montre plutôt bien : la structure en 4 actes apparait d’elle même lorsque l’acte II risquerait d’être trop long ou trop dense. Les actes de cette structures peuvent se résumer ainsi :

    1. Exposition
    2. Réaction et évolution
    3. Stratégie
    4. Dénouement

    Les actes I et IV sont identiques à la structure en 3 actes.

    L’acte II constitue une successions d’obstacles et d’épreuves dans lequel le personnage principal (archétype du héros) en découvrira plus sur son environnement, mais aussi sur lui-même. Principalement en réaction aux évènements, il s’améliore, s’accomplit, acquiert de nouvelles connaissances, mais rassemble également des amis (archétype de l’allié). Il se termine sur le pivot principal, qui inflige un réel coup dur au héros.

    Dans l’acte III, les péripéties sont de plus en plus ardues, mais le protagoniste peut compter sur ses nouvelles capacités, ainsi que sur ses alliés. Il devient (plus ou moins) maitre des évènements en décidant de son chemin ou en mettant au point une stratégie. Il se dirige ainsi tout droit au climax de l’histoire, qui fait le lien vers l’acte IV.

    A titre d’exemple, je trouve que la saga de « Lanfeust de Troy » (8 tomes) illustre assez bien la structure en quatre actes :

    ActeContenuTomes
    IDécouverte des pouvoir de Lanfeust, voyages locaux, découverte de Thanos (archetype de l’ombre).1 & 2
    IIRecherche de l’épée de Or-Azur, découverte des baronnies, combat contre Averoes3 & 4
    IIIVol de l’épée, invasion d’Eckmül, décision de trouver le Magohammoth5, 6 & 7
    IVRetour à Eckmül, affrontement de Thanos8

    Structure en 3+1 actes

    Si le récit a suivi la structure en 3 actes, conservée dans sa version la plus classique, il arrive parfois qu’un quatrième acte soit ajouté malgré la résolution proposée dans l’acte III. Dans ce cas, un acte IV peut permettre de :

    • Ajouter un arc scénaristique supplémentaire, orientant le héros vers de nouvelles péripéties en lien (ou non) avec les actes précédents. Exemple : le film La Stratégie Ender.
    • Explorer les conséquences des trois actes précédents, pour le héros, ou des personnages tiers, ou des structures impactées par les actions du héros. Exemple : la saison 5 de la série Babylon 5.

    Cinq actes

    De la même que l’on peut réorganiser les 3 actes de base en 4, l’on peut également imaginer des actes plus petits autour d’une structure en 5 parties.

    La pyramide de Freitag

    Dramaturge allemand du XIXème siècle, Freytag propose un découpage en 5 actes qui reste une référence. Représenté par une pyramide, il propose une montée de la tension, puis une redescente de celle-ci sous la symbolique suivante :

    Pyramide de Freytag (source)

    Freitag propose donc ce découpage :

    1. Introduction : présentation des personnages, du cadre, du décor, de l’environnement, puis élément perturbateur (aussi appelé « complication ») ;
    2. Action croissante : montrée de la tension au travers de rencontres, de péripéties et d’affrontements ;
    3. Climax : point culminant de l’intrigue, affrontement central, pivot de l’histoire ;
    4. Action décroissante : la tension redescend, les conséquences du climax sont explorées, le protagoniste principal doit encore trouver des solutions, puis résolution ;
    5. Dénouement : fin de l’histoire, situation finale stable.

    La pyramide de Freytag trouve son origine dans la dramaturgie : ainsi, sa seconde moitié « décroissante » ne correspond pas pas à tous les types de récits (même si l’on peut facilement l’adapter). De même, le dénouement (parfois appelle « catastrophe ») est supposé être tragique.

    L’urgence de Rhimes

    D’aprés Shonda Rhimes, réalisatrice, productrice et scénariste américaine, voici comment on peut caractériser les 5 actes d’une histoire :

    1. Exposition
    2. Tensions
    3. Cœur du conflit
    4. Urgence
    5. Dénouement

    Bien que l’on puisse ergoter sans fin sur toutes les subtilités, considérons que les premiers et derniers actes sont similaires aux structures en 3 ou 4 actes. Ainsi, encore une fois, c’est l’acte central qui se trouve à nouveau divisé… cette fois en 3 parties.

    A vrai dire, toujours en simplifiant un peu, les actes II et III sont très similaires à la structure en 4 actes : une montée de la tension, des découvertes et la rencontre d’alliés pour le premier ; puis un coup dur avant que les personnages ne se reprennent et ne mènent la danse jusqu’au climax pour le second. Notez qu’il est suggéré que le climax peut représenter la totalité de l’acte III.

    L’originalité viendra que l’acte IV : la mise en place d’une forme d’urgence (compte à rebours, temps limité, course-poursuite…) permettant de relancer la tension narrative après le climax. Notez que cette notion de temps limité rejoint l’étape 10 du Monomythe (ou « Voyage du Héros », une autre structure narrative adaptée aux récits initiatiques).

    Le schéma narratif de Greimas

    Greimas est un linguiste et sémioticien français d’origine lituanienne, ayant vécu dans la première moitié du XXe siècle. Il propose d’analyser (et éventuellement créer) une histoire suivant deux schémas : le schéma narratif et le schéma actantiel. Nous reviendrons sur le second dans un futur article.

    Son schéma narratif se découpe en 5 étapes :

    1. La situation initiale
    2. L’élément déclencheur
    3. Les péripéties
    4. Le dénouement
    5. La situation finale

    Ici, l’on pourrait noter que l’acte II est souvent considéré comme un nœud dramatique – le point de non-retour – et non un acte à part entière. D’ailleurs, cet acte se nomme « élément déclencheur », à ne pas confondre avec l’élément perturbateur (qui est lui-aussi un nœud dramatique).

    A l’inverse, le final est décomposée en deux actes, faisant de la situation finale un acte également à part entière. Ainsi, le découpage en 5 actes de Greimas se trouve un peu décalé par rapport à celui de Rhimes ci-dessus.

    Correspondances entre les actes

    Au risque de me prendre quelques tomates dans la figure, je dirais bien que tout cela est assez théorique, et ne forme pas une science exacte. Toutefois, ce sont autant d’outils qui permettent d’analyser une histoire, une BD, un comics… De cette manière, le lecteur peut comprendre la démarche de l’auteur, mais aussi retenir les types de narrations qui lui parlent le plus.

    Ainsi, en forçant un peu (mais pas trop quand même), il me semble possible de trouver des correspondances entre ces différentes structures narratives, des 3 actes de la structure de base aux 12 étapes de monomythe :

    3 actes4 actesFreytagRhimes GreimasMonomythe
    I. ExpositionI. ExpositionI. ExpositionI. ExpositionI. Situation initiale1. Monde ordinaire
    2. Appel à l’aventure
    I. ExpositionII. Réaction & évolutionII. Action montanteII. TensionsII. Élément déclencheur3. Refus de l’appel
    4. Mentor
    5. Seuil
    II. ConfrontationsIII. StratégieIII. ClimaxIII. Cœur du conflitIII. Péripéties6. Épreuves
    7. Approche de la caverne
    8. Ordalie
    9. Récompense
    (II. Confrontations)n/aIV. Action descendanteIV. Urgencen/a10. Route de retour
    III. DénouementIV. DénouementV. DénouementV. DénouementIV. Dénouement11. Résurrection
    III. DénouementIV. DénouementIV. DénouementIV. DénouementV. Situation finale12. Retour avec l’élixir

    Ainsi, si j’ai pris l’exemple de Lanfeust ci-dessus pour illustrer la structure en 4 actes, notez que je l’ai également employé en exemple dans mon article sur le Voyage du Héros, ce qui le rend donc aussi naturellement compatible avec la structure en 3 actes. Pas une science exacte, je vous dis…

    Autres structures…

    Notez que les structures narratives que j’aie évoquées ci-dessus sont adaptées aux récits centrés sur un personnage (ou un petit groupe de protagonistes) : c’est globalement ce que l’on appelle la narration psychologique. L’on suit ainsi l’avancée du personnage principal, tant physiquement que symboliquement. A titre personnel, je pense que j’ai une préférence pour la structure en 4 actes, qui permet de segmenter facilement le récit de manière logique, conserver le climax plutôt vers la fin, tout en évitant le grand mélange d’un acte central trop fourre-tout... Si je devais un jour écrire des récits, c’est sans doute sur cette décomposition que je m’appuierais en premier lieu. Et vous ?

    Bien sûr, à l’inverse, nous pouvons trouver d’autres modalisation des récits, d’autre façon d’aborder la construction d’une histoire…

    Par opposition à la narration psychologique évoquée, l’on peut mentionner la narration sociologique, qui suit l’évolution de la situation de manière générale, macroscopique, souvent au travers des yeux de plusieurs personnages. C’est typiquement le cas de l’excellente série Alter Ego, par exemple

    Pour compléter le schéma narratif de Greimas, ce dernier propose aussi un schéma actanciel. Je reviendrai sur celui-ci, qui établi également le lien avec la notion d’archetypes sur laquelle je m’étendrai également dans un futur article.

    D’autres travaux proposent également d’autres modèles, tels que ceux de Polti, de Propps ou de Dramatica. J’y consacrerai là-encore de futurs articles…

  • Direction l’espace dans Moréa #3

    Direction l’espace dans Moréa #3

    Moréa échappe à ses ravisseurs (cf. tome précédent) et découvre toute une civilisation cachée sur Mars, et peuplée d’anges, ses ennemis, puisqu’elle-même fait partie des dragons. Parviendra-t-elle à revenir sur terre ?

    C’est en tout cas ce que s’efforce d’assurer le chevalier Terkio, de son côté. Aidé de Théo, il se lance seul à l’assaut de la station lunaire des anges.

    Ce troisième tome confirme que Moréa prend ses distances avec ses racines cyberpunk pour plonger dans une science-fiction plus lourde et cosmique (serait-ce parce qu’Arleston se voit épaulé par un second scénariste à partir de ce tome ?). On y découvre des concepts ambitieux comme l’introduction des anciens astronautes venus de Mars, l’usage de portails de téléportation et la différenciation des pouvoirs entre dragons immortels et anges plus vulnérables. Ces éléments enrichissent le lore, mais contribuent aussi à brouiller une intrigue principale déjà peu claire.

    Si le récit mené par Terkio captive par son action, l’ensemble souffre d’un excès de ramifications : luttes de pouvoir entre Théo, Grégoire et Lara, rébellion en Afrique australe, antagonisme incarné par le noble Imanos. Ces sous-intrigues apportent de la matière mais obscurcissent les objectifs des deux camps. Et une nouvelle question se pose : les anges et dragons – qui s’écharpent pour infléchir le destin de la Terre – viennent-ils du passé ou du futur ?

    Le charadesign de l’album reste d’une lisibilité exemplaire, et les scènes d’action conservent une fluidité appréciable. On notera toutefois un choix discutable : Moréa apparaît plusieurs fois dénudée (totalement), ce qui me semble plus racoleur que narratif. Malgré cela, le style soutient efficacement le récit, donnant à l’album une esthétique claire et engageante. Et étonnamment agréable à suivre.

    Le basculement du cyberpunk vers une tonalité de space opera change radicalement la perception de la série (et sans doute pas pour le meilleur). Ce tournant peut séduire les amateurs de sagas interplanétaires, tout en désorientant ceux qui étaient attachés aux origines plus technophiles…

  • Falaise glaciale

    Falaise glaciale

    Le manga, ce n’est clairement pas mon rayon ! J’en lis très peu, et je dois avouer que c’est un média qui m’attire assez peu. Pourtant, je lui reconnais sans soucis de nombreuses qualités…

    Si l’on prend le Sommet des Dieux, par exemple, force est de reconnaitre que l’auteur parvient à réaliser des planches simplement somptueuses, en particulier les panorama des grands espaces des cimes, ou encore des découpages qui soulignent à merveille les difficultés d’une dangereuse ascension.

    Et puis, il y a parfois des pages très poétiques, comme celle-ci :

    Extraite du tome 2, on y voit Habu Jôji au bord de la mort, blessé et isolé sur une falaise abrupte, ne pouvant plus bouger et condamné à y passer la nuit par des températures de plusieurs dizaines de degrés au-dessous de 0°C ! Pour essayer de tenir quelques minutes de plus, il écrit tant bien que mal dans son carnet…

    J’ai particulièrement été marqué par le choix artistique des premières vignettes (un gros plan sur son visage à la manière d’un traveling) qui se prolongent en arrière plan sur les vignettes suivantes. Un effet qui fonctionne d’autant mieux en l’absence de couleurs, et qui permet de retraduire la lenteur de la pensée de Habu en ce moment fatidique.